Pour quiconque suivait attentivement la politique américaine, John McCain était une personnalité incontournable. C’est donc avec beaucoup d’émotion que nous avons appris son décès ce dimanche matin au réveil. RIP.
JOHN MCCAIN
29 AOÛT 1936 – 25 AOÛT 2018
En juillet 2017, John McCain avait annoncé qu’il souffrait d’une tumeur au cerveau. Vendredi, sa famille expliquait qu’après s’être battu pendant plus d’un an contre la maladie, il avait décidé de mettre un terme à son traitement médical. Le lendemain, le sénateur s’éteignait à son domicile, près de Sedona, en Arizona.
John McCain n’était plus apparu publiquement depuis le mois de décembre dernier. Mais ceux qui suivent ce blog savent qu’il aura continué jusqu’au bout à s’exprimer via communiqué et sur Twitter, notamment pour critiquer le président Trump. On se souviendra d’ailleurs certainement de lui comme de l’un des plus féroces critiques de Donald Trump au sein du Parti Républicain. Mais John McCain ne se résumait évidemment pas qu’à cela. Revenons quelques instants sur le parcours de cet homme un peu rebelle dont les Américains avaient appris à apprécier le franc parler.
John Sidney McCain III est né le 29 août 1936 au Panama. Son père, membre de la U.S. Navy, était en effet à cette époque stationné dans la zone du canal de Panama.
Comme son père et son grand-père avant lui, John McCain s’engage dans l’armée. Il étudie à la U.S. Naval Academy, une prestigieuse académie militaire située à Annapolis, dans le Maryland. Conformément à ses dernières volontés, c’est d’ailleurs dans le cimetière de cette académie qu’il sera enterré, et non au cimetière national d’Arlington, un honneur auquel il aurait pu prétendre.
En 1967, John McCain participe aux missions de combat au Vietnam. Son avion est abattu par les troupes nord-vietnamiennes. Il survit au crash en s’éjectant à temps de l’appareil avec son parachute mais il se casse les deux bras et une jambe. Il est fait prisonnier par les soldats communistes du Nord-Vietnam. Il est enfermé avec d’autres prisonniers de guerre américains dans une prison de Hanoi, surnommée ironiquement le Hanoi Hilton. John McCain passera cinq ans et demi en captivité et sera régulièrement torturé. Il gardera des séquelles physiques de cette torture, notamment un bras partiellement paralysé qu’il ne pouvait plus soulever. En 1968, les nord-vietnamiens, après avoir découvert que son père était amiral dans la marine américaine et dirigeait des opérations de combat, proposèrent à John McCain de le libérer. Il refusa de partir sans ses camarades, ce qui forgea sa légende de héros américain. Il fut finalement libéré avec d’autres prisonniers en 1973.


« Je suis tombé véritablement amoureux de mon pays lorsque j’ai été fait prisonnier ailleurs », a-t-il expliqué bien des années plus tard, lors de la Convention Nationale Républicaine de 2008. « Ce n’était pas seulement un endroit, mais une idée, une cause pour laquelle il valait la peine de se battre ».
Quelques années après son retour au pays, John McCain rencontre Cindy Lou Hensley. Ils tombent amoureux. Quelques mois plus tard, John McCain, qui était marié, demande le divorce. Il quitte sa première épouse pour rejoindre Cindy et ne plus jamais la quitter. En 1981, il quitte la Navy et s’installe avec sa nouvelle épouse en Arizona, état dont elle est originaire. John McCain devient un Arizonien d’adoption et c’est cet état du sud-ouest des Etats-Unis qu’il représentera pendant plusieurs décennies au Congrès.
John McCain fait son entrée au Congrès en 1983. Il est d’abord député à la Chambre des Représentants. En 1986, il devient sénateur. Un poste qu’il occupera sans discontinuer jusqu’à la fin de ses jours. Il avait été réélu en 2016 pour un sixième mandat.
Au début de sa carrière de sénateur, McCain collaborera étroitement avec son collègue démocrate John Kerry, lui aussi vétéran de la guerre du Vietnam, pour mettre fin à l’embargo américain encore en vigueur contre l’ancien ennemi. McCain et Kerry ont fortement contribué à rétablir des liens diplomatiques entre les Etats-Unis et le Vietnam.
En 2000, John McCain décide de se présenter à l’élection présidentielle. Les primaires républicaines l’opposent à George W. Bush. McCain crée la surprise en remportant la primaire du New Hampshire, mais chute ensuite, victime d’attaques assez violentes de la part du camp Bush. George W. Bush remporte l’investiture républicaine et est ensuite élu président.
La relation entre le président Bush et John McCain sera faite de hauts et de bas. McCain appartient clairement à l’aile interventionniste du Parti Républicain. C’est un faucon, comme on les appelle aux Etats-Unis. Il soutient donc fortement le président Bush lorsque celui-ci décide d’attaquer l’Afghanistan en 2001 et l’Irak en 2003. Dans son dernier livre paru il y a quelques mois, McCain reconnaît toutefois que la guerre en Irak a été une grave erreur puisqu’il s’est avéré que Saddam Hussein ne possédait finalement pas d’armes de destruction massive.
Tout en soutenant l’intervention en Irak, McCain s’oppose vigoureusement à l’usage de la torture par la CIA. Il critiquera fortement l’administration Bush sur ce point, devenant ainsi un rebelle au sein de son propre parti. Invoquant son passé de prisonnier de guerre torturé, McCain ne cessait d’affirmer que la torture ne servirait à rien et était contraire aux valeurs de l’Amérique. Il craignait aussi que l’image des Etats-Unis à l’étranger soit fortement et durablement ternie.
La politique étrangère et la défense sont toujours restés les domaines de prédilection de John McCain au Sénat, mais il s’est aussi fortement impliqué sur le dossier de l’immigration. À plusieurs reprises, il a fait partie de groupes bipartisans qui ont tenté de réformer le système d’immigration et de régulariser la situation de très nombreux sans-papiers résidant aux Etats-Unis depuis plusieurs années. Le président Bush était lui aussi favorable à une telle réforme. Mais ce n’était pas le cas de tout le monde au sein du Parti Républicain et toutes les tentatives se sont soldées par un échec.
En 2008, John McCain se présente une seconde fois à l’élection présidentielle. Cette fois-ci, il remporte les primaires républicaines. Après avoir remporté l’investiture de son parti, il choisit Sarah Palin, gouverneure de l’Alaska, comme colistière. Ce choix fait encore et toujours l’objet de débats aujourd’hui. Dans un premier temps, le choix très audacieux de McCain a été plutôt considéré comme une idée brillante. En effet, McCain était déjà relativement âgé et devait faire face à la jeunesse et à la popularité grandissante de Barack Obama. Il était aussi considéré comme trop modéré par certains électeurs conservateurs, en raison notamment de ses positions sur l’immigration. Sarah Palin était plus jeune et plus conservatrice. En s’associant à elle, McCain équilibrait le ticket présidentiel républicain. Il donnait aussi la possibilité à une femme de prétendre à la vice-présidence des Etats-Unis, ce qui n’était pas anodin*.
*Sarah Palin est la seule femme à avoir jamais figuré sur un ticket présidentiel côté républicain. Côté démocrate, une seule femme avait été nommée candidate à la vice-présidence auparavant (Geraldine Ferraro en 1984). En 2016, Hillary Clinton est devenue la première femme à être désignée candidate à la présidence par l’un des deux grands partis politiques américains.
Le discours de Sarah Palin lors de la Convention Nationale Républicaine fit sensation. Mais, par la suite, elle fut l’auteure de plusieurs bourdes restées célèbres et qui ont certainement nui à la campagne de John McCain. D’autant plus que la stratégie de McCain face à Obama était de se présenter comme bien plus qualifié et expérimenté que son jeune rival. Sarah Palin n’a pas contribué à renforcer l’image de compétence que McCain voulait donner à sa candidature.
McCain aurait-il gagné face à Obama s’il avait choisi quelqu’un d’autre que Sarah Palin comme colistier? On ne le saura évidemment jamais. C’est toutefois loin d’être certain. Palin ou non, n’oublions pas que McCain était le candidat du parti du président sortant, George W. Bush, alors historiquement impopulaire. Et qu’il devait faire face au phénomène Obama.
Dans son dernier livre, John McCain avoue qu’il regrette de ne pas avoir désigné son ami Joe Lieberman, sénateur du Connecticut autrefois membre du Parti Démocrate et devenu Indépendant, comme colistier. Il explique que c’était son premier choix mais qu’il a fini par écouter ses conseillers qui le poussaient à opter pour Sarah Palin.
John McCain perdra l’élection présidentielle face à Barack Obama. L’une des images marquantes de la campagne électorale ayant opposé les deux hommes restera celle de John McCain interrompant l’une de ses supportrices qui, lors d’un meeting, lui expliquait qu’elle ne pouvait pas faire confiance à Obama parce que c’était un « arabe ». Cette dame confondait certainement les mots « arabe » et « musulman ». Dans certains cercles conservateurs, des rumeurs infondées avaient en effet commencé à se répandre au sujet d’Obama, notamment celle selon laquelle il ne serait en réalité pas chrétien mais musulman.
Si John McCain n’a jamais versé dans ce genre de théories du complot, il fut très critique vis-à-vis de la politique étrangère de Barack Obama tout au long de la présidence de ce dernier.
En 2016, John McCain est réélu pour un sixième mandat au Sénat. Depuis deux ans, il critiquait régulièrement le président Trump, qui avait déclaré pendant sa campagne que McCain n’était pas un héros parce qu’il avait été fait prisonnier au Vietnam. « J’aime les héros qui n’ont pas été capturés », avait-il dit.
Pendant les premiers mois de la présidence Trump, avant que sa tumeur au cerveau ne soit diagnostiquée, John McCain a voyagé dans plus de quinze pays différents pour tenter de rassurer les alliés de l’Amérique, leur expliquant que les positions défendues par Donald Trump ne l’étaient pas forcément par le Congrès.
John McCain s’est éteint ce samedi 25 août 2018. Il avait 81 ans. Il laisse derrière lui sa femme Cindy et ses sept enfants, dont trois fils qui sont actuellement en service au sein de l’armée américaine. Sa fille Meghan est quant à elle devenue un personnage public. Elle est animatrice sur la chaîne ABC et s’exprime régulièrement sur la politique.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, la mère de John McCain est également toujours en vie. Elle est âgée de 106 ans.
En septembre 2017, le journaliste Jake Tapper avait demandé à John McCain comment il aimerait qu’on se souvienne de lui. Voici ce qu’il avait répondu:
He served his country, and not always right – made a lot of mistakes, made a lot of errors – but served his country, and I hope we could add honorably. (Il a servi son pays, et pas toujours correctement – il a fait beaucoup d’erreurs – mais il a servi son pays, et j’espère qu’on peut ajouter honorablement)
Une réflexion sur “RIP JOHN MCCAIN 💔”