La prochaine élection présidentielle américaine n’aura lieu qu’en novembre 2016 et pourtant, le coup d’envoi de la course à la Maison Blanche a d’ores et déjà été donné. Alors qui succédera à Barack Obama? Hillary Clinton sera-t-elle la première femme à être élue présidente des Etats-Unis? Les Républicains ont-ils les moyens de revenir au pouvoir? Pourrait-on voir un troisième membre de la famille Bush s’asseoir derrière le bureau ovale? Difficile de répondre à ces questions pour le moment tant la campagne s’annonce encore longue. Mais comment devient-on président des Etats-Unis? Décryptage de la longue marche menant à la Maison Blanche.
1/ REMPLIR LES CONDITIONS D’ÉLIGIBILITÉ
Rappelons tout d’abord que l’élection présidentielle américaine a lieu tous les quatre ans et qu’un même président ne peut pas exercer plus de deux mandats. La durée maximum du séjour à la Maison Blanche est donc de huit ans. Cette disposition fut prise après que Franklin D. Roosevelt décède en 1945 peu après avoir été élu pour la quatrième fois consécutive.
Outre le fait de ne pas se présenter pour un troisième mandat, il faut remplir les trois conditions suivantes pour pouvoir être candidat à la présidence des Etats-Unis :
- Avoir minimum 35 ans
- Etre né américain
- Résider aux Etats-Unis depuis au moins 14 ans
2/ OFFICIALISER SA CANDIDATURE
Nous sommes pour le moment entrés dans la première phase de la campagne. Celle lors de laquelle les différents prétendants officialisent leur candidature les uns après les autres. C’est le fameux I’m running for president. Ils sont jusqu’à présent quatre à s’être déclarés officiellement candidats pour 2016 : Ted Cruz, Rand Paul et Marco Rubio côté républicain et Hillary Clinton côté démocrate. Les autres candidats ne devraient pas tarder à leur emboîter le pas dans les semaines à venir. En effet, bien qu’il n’y ait pas de date limite de dépôt des candidatures, il est plus que probable que tous les candidats se déclarent d’ici le mois de juillet. Les primaires commencent en janvier 2016 et les candidats ont besoin de temps pour faire connaître leurs idées et récolter des fonds d’ici là.
L’annonce officielle de candidature reste un moment important. Elle marque le lancement de la campagne électorale du candidat. Celui-ci en profite généralement pour prononcer son premier discours et pour inaugurer son site officiel de campagne. À noter qu’Hillary Clinton s’est contentée d’un tweet et d’une vidéo postée sur Internet.
Une fois leur candidature officialisée, les candidats commencent à sillonner le pays afin de convaincre les électeurs en vue des primaires.
3/ REMPORTER LES PRIMAIRES DE SON PARTI
Pour être candidat à l’élection présidentielle, il faut tout d’abord obtenir l’investiture de son parti. Le système politique américain est bipartisan, c’est-à-dire que la vie politique est dominée par deux grands partis : le Parti Démocrate et le Parti Républicain. Ces deux partis ne sont pas vraiment comparables aux partis politiques que nous connaissons en Europe. Ils sont beaucoup plus décentralisés et ressemblent davantage à de grandes coalitions regroupant des courants politiques variés. On peut dire qu’aujourd’hui, la principale différence idéologique entre les deux partis concerne le rôle de l’Etat. Les Républicains sont partisans d’un rôle limité du gouvernement dans les affaires économiques et sociales et à un faible taux d’imposition. Les Démocrates sont quant à eux favorables à un plus grand rôle social de l’Etat. Globalement, les Républicains ont aussi tendance à être plus conservateurs que les Démocrates sur les questions de société telles que l’avortement ou le mariage homosexuel.
Tous les candidats déclarés commencent donc par s’affronter lors des primaires de leur parti. Ces primaires sont organisées séparément dans chacun des cinquante états. Il est ici nécessaire de rappeler que les Etats-Unis d’Amérique sont un état fédéral constitué de cinquante états très différents les uns des autres et qui occupent une place très importante dans le système politique. Il ne faut pas penser le fédéralisme américain comme une structure pyramidale où l’état fédéral serait au-dessus des états fédérés. Ils sont plutôt sur un pied d’égalité avec chacun leurs compétences respectives. Chaque état dispose ainsi de sa propre Constitution, de son propre parlement et de son propre gouvernement. Chaque état décide donc de ses propres lois, tant que celles-ci restent conformes à la Constitution fédérale. Ceci permet par exemple de comprendre pourquoi, dans un même pays, certains états autorisent le mariage gay ou la peine de mort et d’autres non. Ce sont en fait les états qui détiennent la plupart des compétences qui touchent à la vie quotidienne des citoyens, comme les politiques de santé et d’éducation. Chaque citoyen américain est ainsi à la fois sujet du gouvernement fédéral et du gouvernement de l’état dans lequel il réside. Pour en revenir au processus électoral, il faut savoir que ce sont les états qui sont chargés d’organiser les élections. La procédure de vote peut d’ailleurs varier d’un état à l’autre. Certains utilisent le vote papier alors que d’autres utilisent le vote électronique.
On parle communément des primaires mais on devrait en réalité parler des primaires et caucus. Les deux méthodes existent en effet pour départager les différents candidats à l’investiture. Quelle est la différence entre un caucus et une primaire?
- Un caucus est une réunion de militants du parti que l’on pourrait comparer à un meeting. Les militants débattent puis votent à main levée pour désigner leur candidat favori.
- Une élection primaire s’apparente à une élection traditionnelle. Le vote se fait à bulletin secret. La primaire peut être ouverte ou fermée. Dans le cas d’une primaire ouverte, tous les citoyens peuvent participer au vote alors qu’une primaire fermée est réservée aux adhérents du parti.
Chaque état choisit donc d’organiser un caucus, une primaire ouverte ou une primaire fermée et fixe également la date du scrutin. Aujourd’hui, les caucus se font de plus en plus rares. La grande majorité des états opte pour la solution de la primaire.
Le bal des primaires débute traditionnellement par le caucus de l’Iowa qui a lieu au mois de janvier. Les candidats attachent en général beaucoup d’importance à ce caucus car un premier résultat positif ou négatif peut avoir un impact décisif pour la suite de la campagne. Quelques jours après le caucus de l’Iowa, la première primaire a lieu dans le New Hampshire. Les autres primaires et caucus se succèdent ensuite jusqu’au mois de juin.
Notons qu’il arrive parfois qu’un candidat se retire de la course à l’investiture avant même la fin des primaires. Ce fut par exemple le cas de Rudy Giuliani en 2008. L’ancien maire de New York était candidat aux primaires républicaines. Après l’annonce de sa candidature, il était considéré comme le favori (frontrunner disent les américains). Et pourtant, les résultats lors des premiers scrutins furent un tel fiasco qu’il annonça rapidement qu’il retirait sa candidature. Il apporta alors son soutien à John McCain qui remporta les primaires républicaines avant de s’incliner face à Barack Obama.
Les primaires de 2016 s’annoncent très ouvertes côté républicain. Le nombre de candidats potentiels est élevé. Jusqu’à présent, trois sénateurs ont déjà officialisé leur candidature : Ted Cruz, Rand Paul et Marco Rubio. La candidature de Jeb Bush n’est pas encore officielle mais ne fait plus guère de doute. Il est également fort probable que Chris Christie, Scott Walker, Ben Carson, Mike Huckabee, Rick Santorum ou encore Rick Perry s’ajoutent à la liste des prétendants. Aucun de ces noms ne semble pour le moment se détacher dans les sondages mais de nombreux observateurs considèrent tout de même Jeb Bush comme le favori. Notons que Mitt Romney, candidat républicain malheureux lors de la dernière élection présidentielle face à Barack Obama, a d’ores et déjà annoncé qu’il ne se représenterait pas.
Il devrait y avoir beaucoup moins de suspense côté démocrate où Hillary Clinton fait office de grande favorite.
4/ ÊTRE DÉSIGNÉ COMME CANDIDAT DE SON PARTI À LA CONVENTION NATIONALE
Peu après la fin des primaires, les deux partis organisent leur Convention Nationale. Celle-ci se tient généralement au mois de juillet dans une grande ville. En 2016, celle des Démocrates se déroulera à Philadelphie et celle des Républicains à Cleveland.
C’est lors de la Convention Nationale que le candidat ayant remporté les primaires est officiellement désigné par le parti comme candidat à l’élection présidentielle. Comment cela se passe-t-il concrètement?
Lorsque les américains votent lors des primaires ou des caucus, ils élisent en réalité des délégués chargés de représenter le candidat de leur choix à la Convention Nationale du parti. Ces délégués sont rejoints à la Convention par des super-délégués choisis directement par le parti. Il s’agit de figures importantes comme des membres du Congrès, des gouverneurs ou d’anciens présidents. Les délégués et les super-délégués votent lors de la Convention pour désigner le candidat du parti à l’élection présidentielle. Ce vote ne fait en réalité qu’entériner le résultat des primaires mais la Convention constitue tout de même un rendez-vous important. Les grandes figures du parti y font des discours et les délégués venus des différents états discutent du programme électoral à adopter. Les Conventions étant très médiatisées, il est courant que les partis invitent également des célébrités du monde du spectacle à y assister en guise de soutien. À leurs risques et périls… Rappelez-vous de l’intervention polémique de Clint Eastwood à la dernière Convention républicaine, en 2012. Le célèbre acteur et réalisateur, fidèle soutien du Parti Républicain, s’était lancé dans un discours face à une chaise vide qui aurait été occupée par un Barack Obama invisible. Ce discours avait suscité de nombreuses réactions moqueuses, notamment sur Twitter. La tendance du #Eastwooding, consistant pour les utilisateurs du réseau social à poster une photo d’eux ou de leur animal de compagnie posant à côté d’une chaise vide, avait même remporté un franc succès. L’équipe de campagne de Barack Obama avait aussi immédiatement réagi en publiant le fameux tweet This seat’s taken sur le compte personnel du président sortant.
5/ FAIRE CAMPAGNE FACE AU CANDIDAT DU PARTI ADVERSE ET REMPORTER L’ÉLECTION PRÉSIDENTIELLE
Après les primaires et les Conventions Nationales, une nouvelle campagne électorale débute entre le candidat démocrate et le candidat républicain. Ceux-ci ne s’adressent désormais plus uniquement aux sympathisants de leur propre camp mais à l’ensemble des électeurs américains. Ils doivent donc tenter de convaincre les électeurs indépendants (qui ne revendiquent pas d’appartenance à l’un ou l’autre parti). C’est pourquoi il n’est pas rare que les candidats affichent un profil légèrement plus modéré que lors de la campagne pour les primaires.
Le jour de l’élection, les américains sont appelés aux urnes afin d’élire leur nouveau président. Comme pour les primaires, chaque état organise sa propre élection. Les américains votent pour un ticket incluant un candidat pour le poste de président et un candidat pour le poste de vice-président. La composition du ticket est généralement annoncée par les candidats à la présidence lorsqu’ils sont investis lors de la Convention Nationale ou peu après. Il est assez courant que les candidats choisissent comme colistier un candidat ou une candidate ayant un profil assez différent du leur, et ce afin d’équilibrer le ticket et de convaincre davantage d’électeurs. C’est ainsi qu’en 2008, le candidat républicain John McCain, qui était considéré par beaucoup de sympathisants de son propre camp comme trop modéré, avait choisi comme colistière la très conservatrice Sarah Palin. Son choix ne s’est pas pour autant avéré payant. Celle-ci ayant commis plusieurs bourdes durant la campagne, il est même probable que ce choix lui ait finalement plutôt porté préjudice.
Bien que ce soit les noms des candidats à la présidence et à la vice-présidence qui figurent sur les bulletins de vote le jour de l’élection, le président est en fait élu en deux temps. Les américains élisent un collège électoral qui élit ensuite le président.
Qu’est-ce que le collège électoral? Il est composé de 538 grands électeurs provenant des différents états. Ces grands électeurs sont le plus souvent des élus locaux désignés par les partis. Chaque état a droit à un nombre de grands électeurs correspondant à son nombre de députés au Congrès, nombre qui varie en fonction du nombre d’habitants. Autrement dit, plus un état est peuplé, plus il compte de représentants au Congrès et donc de grands électeurs au collège électoral. Les états les moins peuplés comme le Wyoming n’ont que trois grands électeurs alors que la Californie, l’état le plus peuplé du pays, en compte cinquante-cinq. Certains états ont donc plus de poids que d’autres. Néanmoins, il ne suffit pas aux candidats de se focaliser uniquement sur les grands états. En effet, certains états sont considérés comme quasiment acquis d’avance à l’un ou l’autre candidat. Par exemple, la dernière victoire d’un candidat démocrate au Texas remonte à 1976 alors que la dernière victoire républicaine en Californie remonte à 1988. Mais dans certains états, les résultats sont très serrés à chaque élection et le vainqueur varie d’une élection à l’autre. On les appelle les swing states. Ils sont considérés comme prenables par les deux candidats. C’est pourquoi les candidats ont tendance à davantage faire campagne dans ces états-là car leur basculement d’un côté ou de l’autre de la balance peut être décisif.
Le jour de l’élection, il faut donc analyser les résultats dans chacun des cinquante états. Hormis dans le Nebraska et dans le Maine qui ont introduit une dose de proportionnelle, c’est la règle du winner takes all qui s’applique. Le candidat qui arrive en tête remporte tous les grands électeurs de l’état. Autrement dit, si le candidat démocrate obtient 48% des voix en Californie et son adversaire républicain 47%, c’est tout de même le candidat démocrate qui remportera les cinquante-cinq grands électeurs californiens. Pour remporter l’élection, il faut obtenir un minimum de 270 voix sur 538 au collège électoral. Le soir de l’élection, en calculant le nombre de grands électeurs remportés par chaque candidat, on peut déjà savoir qui a remporté l’élection. Néanmoins, le président n’est formellement élu qu’en décembre lorsque les grands électeurs se réunissent dans la capitale de leur état pour voter. Le résultat du vote est ensuite transmis au Congrès à Washington qui entérine le résultat. Le nouveau président ne prend ses fonctions qu’au mois de janvier.
Ce système électoral a donné lieu à diverses critiques. La principale est que l’existence du collège électoral rend possible l’élection d’un candidat ayant obtenu moins de voix que son adversaire au niveau national. Ce cas de figure s’est produit quatre fois dans l’histoire : en 1824, 1876, 1888 et 2000. En 2000, George W. Bush a obtenu 540 000 voix de moins que son opposant démocrate Al Gore au niveau national mais il a obtenu 271 voix contre 266 au collège électoral et a donc été élu. Etant donné qu’un tel scénario ne s’était plus produit depuis la fin du XIXe siècle, cela a relancé le débat sur la nécessité de réformer le système et de supprimer le collège électoral. Mais il y a peu de chance que cela se produise. La procédure de l’élection présidentielle est en effet prévue par la Constitution et on sait à quel point les américains attachent un caractère presque sacré à celle-ci. Il est donc très difficile de la modifier. Si le cas d’un candidat élu en ayant obtenu moins de voix que son adversaire ne s’est produit que quatre fois, il est en revanche beaucoup plus fréquent que le président élu soit bien le candidat ayant obtenu le plus grand nombre de voix mais sans pour autant atteindre la barre symbolique des 50%. Ce fut par exemple le cas de Bill Clinton lors de ses deux victoires en 1992 et 1996.
L’autre critique fréquente est que la règle du winner takes all rend quasiment impossible l’émergence d’autres candidats que ceux des deux grands partis. En effet, même si un troisième candidat remporte un nombre de voix significatif dans plusieurs états mais sans jamais arriver en tête, il n’aura aucune représentation au collège électoral. Cela n’empêche cependant pas des candidats de petits partis ou des candidats indépendants de se présenter régulièrement à l’élection présidentielle. Ils n’obtiennent la plupart du temps que des résultats insignifiants mais ce n’est pas toujours le cas. En 1992, le milliardaire texan Ross Perot s’était présenté en tant que candidat indépendant et était parvenu à recueillir 19% des voix au niveau national.
6/ PRÊTER SERMENT LORS DE LA CÉRÉMONIE D’INVESTITURE
Au mois de janvier suivant l’élection présidentielle, une cérémonie d’investiture (Inauguration Day) est organisée à Washington. Le président et le vice-président élus y prêtent serment et entrent en fonction.
CONCLUSION
Voici une petite infographie qui résume très bien la situation :

La course à la Maison Blanche est particulièrement longue. Elle a d’ores et déjà commencé et nous tiendra en haleine jusqu’en novembre 2016. Nous espérons qu’après la lecture de cet article, vous serez mieux à même d’en comprendre les tenants et aboutissants 😉