Hillary Clinton sera-t-elle la première présidente des Etats-Unis? L’épouse de l’ancien président Bill Clinton a officialisé sa candidature aux primaires démocrates le 12 avril dernier. Après avoir été battue par Barack Obama aux primaires de 2008, elle retente sa chance et est cette fois archi-favorite. Portrait d’une femme de pouvoir et analyse du lancement de sa campagne.
SA CARRIÈRE POLITIQUE EN UN COUP D’ŒIL
First Lady (1993-2001)
Sénatrice de l’Etat de New York (2001-2009)
Secretary of State (2009-2013)
SON PARCOURS
Hillary Rodham voit le jour le 26 octobre 1947 à Chicago. Son père est alors un homme d’affaires à la tête d’une entreprise textile. Il est aussi vétéran de la Seconde Guerre Mondiale durant laquelle il a servi dans la Navy, la marine américaine. C’est un homme très conservateur et ouvertement républicain. La mère d’Hillary a quant à elle vécu une enfance difficile. Elle a été contrainte de travailler comme gouvernante dès l’âge de quatorze ans après avoir été abandonnée par ses parents. Elle aide désormais son mari à gérer son entreprise. Hillary a également deux frères. La famille Rodham vit à Park Ridge, dans la banlieue de Chicago. C’est là qu’Hillary grandit et reçoit une éducation religieuse méthodiste.
Elle étudie ensuite le droit à la prestigieuse Yale Law School. C’est là qu’elle fait la connaissance de Bill Clinton. Ils se marient en 1975 et leur fille Chelsea voit le jour en 1980. Une fois son diplôme de droit en poche, Hillary travaille quelque temps comme avocate pour le Children’s Defense Fund. Elle s’y bat notamment pour le droit à l’éducation des enfants handicapés.
Mais le couple Clinton déménage rapidement en Arkansas, l’état du sud du pays dont Bill est originaire. Bill se lance en politique et est élu gouverneur en 1978. Pendant ce temps, Hillary continue sa propre carrière professionnelle. Elle est notamment professeure de droit et fonde l’association Arkansas Advocates for Children and Families.
En 1992, Bill est élu président des Etats-Unis. Hillary devient First Lady et occupe un rôle important au sein de la Maison Blanche. Certains lui reprocheront même de sortir du rôle traditionnellement réservé à la Première Dame et de trop s’impliquer dans la vie politique. Elle est notamment très impliquée dans la rédaction d’un projet de loi visant à réformer le système de santé. L’objectif principal de ce Health Security Act est de rendre l’assurance maladie obligatoire pour tous les citoyens américains. Mais il ne sera pas approuvé par le Congrès et ne verra donc jamais le jour. Elle joue aussi un rôle dans la création du Children’s Health Insurance Program, un programme fédéral visant à fournir une assurance maladie aux enfants vivant dans des familles aux revenus modestes. Outre son engagement en faveur d’une réforme du système de santé, la First Lady s’investit également dans la défense des droits des femmes. En 1995, elle mène la délégation américaine à la Conférence mondiale sur les femmes organisée par les Nations Unies à Pékin. Elle y prononce un discours sur les droits des femmes resté célèbre.
En 1998, l’affaire Lewinsky éclate. Pour rappel, on découvre que Bill Clinton entretient une liaison extraconjugale avec Monica Lewinsky, une jeune stagiaire en poste à la Maison Blanche. Hillary soutient d’abord publiquement son époux qui nie l’existence de sa liaison. Elle affirme que tout cela n’est qu’un complot politique. Puis, une fois la véracité des propos de Monica Lewinsky établie, Madame Clinton choisit de se faire discrète et ne s’exprime plus guère sur l’affaire. Elle fait simplement savoir qu’elle n’a pas l’intention de divorcer.
En 2000, alors que Bill s’apprête à quitter la Maison Blanche au terme de ses deux mandats présidentiels, Hillary décide à son tour de se présenter à une élection. Elle est candidate au Sénat dans l’état de New York. Elle est élue en remportant 55% des voix. Elle sera réélue en 2006 avec 67% des voix et siègera au Sénat jusqu’en 2009.
En 2008, elle est candidate à la présidence des Etats-Unis mais elle est battue par Barack Obama lors des primaires démocrates. Après avoir été élu président (et malgré l’énorme rivalité qui les avait opposés durant les primaires), ce dernier offre à Hillary un poste prestigieux au sein de son administration. Elle est nommée Secretary of State, l’équivalent de notre ministre des affaires étrangères. Elle exerce cette fonction pendant le premier mandat d’Obama. Son mandat est marqué par l’assassinat d’Oussama Ben Laden, le début des négociations sur le nucléaire iranien mais aussi les printemps arabes et l’attaque contre le consulat américain à Benghazi. En décembre 2012, la secrétaire d’état est victime d’une commotion cérébrale qui dégénère en thrombose. Elle sera brièvement hospitalisée. Elle n’est pas reconduite par Barack Obama après sa réélection. Il préfère la remplacer par John Kerry.
Hillary n’a donc plus exercé aucune fonction politique depuis début 2013. Elle s’est consacrée à la rédaction d’un mémoire intitulé Hard Choices et en a fait la tournée promotionnelle. Elle a aussi probablement longuement préparé sa candidature pour l’élection présidentielle de 2016.
L’ANNONCE DE SA CANDIDATURE ET LE LANCEMENT DE SA CAMPAGNE
Le 12 avril dernier, Hillary Clinton a officiellement annoncé sa candidature à l’élection présidentielle de 2016. Elle s’est pour cela contentée d’un tweet et d’une vidéo postée sur Internet. Stratégie gagnante puisque la vidéo a rapidement fait le tour de la Toile et que tout le monde en a entendu parler.
LA VIDÉO
La vidéo d’Hillary Clinton dure environ deux minutes vingt mais elle n’y apparaît qu’au bout d’une minute et demie. Dans un premier temps, des américains nous parlent de leurs projets – un déménagement, l’ouverture d’un commerce, l’arrivée d’un enfant etc. Ces américains sont anonymes mais représentent bien la diversité de la société américaine d’aujourd’hui. On y voit notamment un homme parlant espagnol et un couple gay annonçant l’imminence de son mariage. Ensuite, Hillary Clinton apparaît en disant:
I’m getting ready to do something too. I’m running for president. (Je me prépare aussi à faire quelque chose. Je suis candidate à la présidence)
Elle enchaîne ensuite avec les mots suivants:
Americans have fought their way back from tough economic times. But the deck is still stacked in favor of those at the top. Everyday Americans need a champion and I want to be that champion. (Les américains se sont battus pour sortir d’une période économique difficile. Mais les dés sont toujours pipés en faveur de ceux au sommet. Les américains de tous les jours ont besoin d’une championne et je veux être cette championne)
Ces quelques mots peuvent laisser penser qu’elle a l’intention de placer le thème de l’économie et des inégalités sociales au cœur de sa campagne.
LOGO DE CAMPAGNE ET PAGE 404
Après la vidéo, le logo de campagne et la page 404 d’Hillary ont également fait le buzz.
Le logo de campagne est tout simplement une lettre H composée de deux barres verticales bleues et d’une barre horizontale rouge en forme de flèche.
Ce logo n’a pas été très bien accueilli par la critique. Certains experts du marketing ont même rendu un avis négatif, le considérant comme trop froid et rectiligne. Les commentaires moqueurs ont également fleuri sur les réseaux sociaux. Certaines mauvaises langues ont été jusqu’à dire que le logo leur évoquait les attentats du 11 septembre 2001. Pour eux, la flèche rouge aurait la forme d’un avion et les deux barres verticales bleues feraient penser aux tours jumelles du World Trade Center.
La page 404 du site d’Hillary Clinton a également fait le buzz mais de manière beaucoup plus positive. La page 404 est cette fameuse page d’erreur que vous renvoie un site web lorsque la page que vous avez demandée n’existe plus ou qu’il y a une erreur dans l’adresse web que vous avez encodée. La page 404 d’Hillary Clinton affiche une vieille photo d’elle en compagnie de son mari Bill et de leur fille Chelsea posant auprès de Donald Duck. La photo est accompagnée de deux phrases. La première explique que le lien demandé n’est pas valable. La seconde: « Mais tant que vous êtes là, pourquoi ne pas vous engager comme volontaire? »
LE SITE WEB OFFICIEL
En allant faire un tour sur le site officiel de campagne d’Hillary Clinton (hillaryclinton.com), on est tout de suite frappé par l’absence totale de programme électoral. S’il est sans doute normal que le programme électoral d’un candidat ne soit pas encore parfaitement établi plus de dix-huit mois avant les élections, il semblerait logique de trouver au moins quelques indications sur les valeurs principales que ce candidat entend défendre. C’est d’ailleurs le cas sur les sites de campagne des candidats républicains déclarés que sont Ted Cruz, Rand Paul et Marco Rubio. Mais rien de tout cela sur le site de campagne d’Hillary Clinton qui n’est pour l’instant pas très fourni.
Alors qu’y trouve-t-on?
- La fameuse vidéo de l’annonce de sa candidature qu’elle encourage à partager sur les réseaux sociaux
- La phrase « Everyday Americans need a champion. I want to be that champion » mise en évidence
- Des liens pour contribuer à la campagne, en faisant un don ou en s’engageant comme volontaire
- Une biographie
- Un lien pour obtenir la version du site en espagnol
Et rien de plus…
LE DÉBUT DE CAMPAGNE
Juste après l’annonce de sa candidature, Hillary Clinton s’est rendue de New York jusque dans l’Iowa à bord d’une camionnette. Elle a pris le temps de s’arrêter dans des pompes à essence ou des fast-foods pour discuter avec les citoyens. Elle semble vouloir ainsi corriger l’image de la candidate distante et toujours entourée de gardes du corps qui lui avait collée à la peau en 2008. Ce début de campagne sur les routes, tout comme sa vidéo, montrent à quel point elle tient à se présenter comme une candidate proche des « américains de tous les jours » comme elle les appelle. Reste à voir si elle convaincra de la sincérité de sa démarche…
LES RÉACTIONS DES ADVERSAIRES RÉPUBLICAINS
Les adverses républicains d’Hillary Clinton n’ont pas tardé à réagir à l’annonce de sa candidature. Les réactions hostiles n’ont pas manqué. En voici quelques-unes:
- Le Republican National Committee (nom donné à l’organisation du Parti Républicain au niveau national) a lancé le hashtag #StopHillary sur les réseaux sociaux.
- Jeb Bush, bien que n’étant pas encore officiellement candidat, a pris le temps de poster sur Twitter une courte vidéo intitulée We must do better (Nous devons faire mieux). Il s’y adresse aux américains depuis son salon. Il ne s’attaque pas personnellement à Hillary Clinton mais au bilan de l’administration Obama dont Hillary Clinton a fait partie. Il critique notamment la politique étrangère qui a été menée et l’augmentation de la dette.
- Ted Cruz, candidat à la primaire républicaine, a déclaré qu’Hillary Clinton « représentait les politiques ratées du passé ».
- Mais le plus virulent des opposants pour l’instant est sans doute Rand Paul, autre candidat à la primaire républicaine. Il a créé le hashtag #LibertyNotHillary sur Twitter ainsi qu’une page web du même nom (libertynothillary.com). On y trouve une vidéo qui a déjà beaucoup fait parler d’elle. La vidéo débute par la question de savoir si l’Amérique choisira la route du passé incarnée par Hillary Clinton. On voit alors défiler des images de rues désertes. On aperçoit sur une façade une affiche de la campagne de Clinton en 2008. La voix off nous annonce qu’Hillary Clinton représente l’arrogance du pouvoir, la corruption et les conflits d’intérêt. Rand Paul est ensuite présenté comme le candidat du renouveau capable de restaurer le rêve américain.
SES ATOUTS ET SES POINTS FAIBLES
Hillary Clinton est la grandissime favorite des primaires démocrates. Mais selon un récent sondage Washington Post/ABC News, elle serait également favorite pour remporter l’élection générale face à n’importe lequel des candidats républicains potentiels, y compris Jeb Bush.
Dans ce même sondage, on constate qu’Hillary Clinton est considérée comme une femme d’expérience et un leader par une majorité d’américains.
Sa brillante carrière politique et son expérience constituent sans aucun doute ses meilleurs atouts.
Mais ses points faibles sont plus nombreux qu’on pourrait le croire. Tout d’abord, et toujours selon ce même sondage, beaucoup d’américains semblent douter de son honnêteté et de sa capacité à comprendre les problèmes quotidiens de l’américain moyen.
Ensuite, ses adversaires républicains et notamment Rand Paul, ont déjà commencé à l’attaquer au sujet de trois « affaires » qui pourraient bien prendre de l’ampleur et la pénaliser lors de la campagne.
- Les financements étrangers de la Clinton Foundation
Qu’est-ce que la Clinton Foundation? Il s’agit d’une fondation caritative fondée par Bill Clinton en 2001. Elle finance de nombreux projets dans des pays en voie de développement, notamment dans le domaine de la santé. Les républicains critiquent le fait que la fondation accepte les dons de pays étrangers tels que l’Arabie Saoudite. Cette dernière lui aurait ainsi versé entre 10 et 25 millions de dollars depuis sa création. Selon ses opposants, tout ceci pourrait être source de conflits d’intérêts si Clinton est élue présidente. Elle pourrait être tentée de favoriser un pays étranger ayant contribué au financement de sa fondation. C’est d’ailleurs pour cette raison que la possibilité pour les pays étrangers de faire des dons avait été suspendue durant la période où Hillary Clinton était secrétaire d’état. Mais depuis qu’elle a quitté son poste, cela est à nouveau possible et elle n’a pas annoncé pour l’instant avoir l’intention d’y renoncer une nouvelle fois. Le fait que de grosses entreprises telles que Walmart, Goldman Sachs, Barclays ou ExxonMobil soient également contributeurs de la fondation pourrait aussi gêner certains électeurs démocrates.
- L’affaire Benghazi
De quoi s’agit-il? Le 11 septembre 2012, des hommes armés attaquent le consulat américain de Benghazi, en Libye. Quatre ressortissants américains sont tués lors de l’assaut, y compris l’ambassadeur Christopher Stevens. Hillary Clinton est alors en charge de la politique étrangère du pays et l’affaire fait scandale aux Etats-Unis à quelques mois de l’élection présidentielle. Dans un premier temps, la Maison Blanche déclare qu’il se serait agi d’une attaque spontanée faisant suite à une manifestation qui aurait mal tourné. Mais une commission d’enquête démontrera plus tard qu’il s’agissait bien d’une attaque terroriste qui avait été soigneusement préparée. Les républicains accusent depuis l’administration Obama, et plus particulièrement le Département d’Etat dirigé par Hillary Clinton, de n’avoir pas pris suffisamment au sérieux les menaces émises par les organisations terroristes dans les mois ayant précédé l’attaque et de n’avoir pas suffisamment renforcé la sécurité du personnel américain sur place. Plus grave, ils auraient cherché à cacher certaines informations relatives à l’attaque afin de ne pas compromettre la réélection de Barack Obama.
- L’affaire des e-mails
Le New York Times a révélé le mois dernier qu’Hillary Clinton avait uniquement utilisé une adresse e-mail privée lorsqu’elle était secrétaire d’état. Elle n’avait pas créé d’adresse professionnelle sur le système sécurisé du Département d’Etat comme il est d’usage de le faire. Elle utilisait donc son adresse privée à la fois pour son courrier professionnel et pour son courrier personnel.
A-t-elle violé la loi? Pas vraiment car la loi sur l’obligation d’utiliser une boîte mail professionnelle lorsqu’on occupe une fonction officielle n’a été promulguée qu’en août 2013, soit plusieurs mois après qu’Hillary Clinton ait quitté le Département d’Etat. Lorsqu’Hillary Clinton était secrétaire d’état, rien ne lui interdisait donc d’envoyer des mails professionnels depuis son adresse privée. Mais il était tout de même recommandé dans un mémo interne datant de 2005 d’utiliser le système du Département d’Etat pour les opérations sensibles mais déclassifiées (sensitive but unclassified information). De plus, son adresse privée n’était pas logée sur un serveur du type Gmail mais hébergée sur un serveur personnel qu’elle avait fait installer à son domicile. Cela signifie qu’elle aurait pu plus facilement faire disparaître définitivement certains messages.
Deux jours après la révélation du New York Times, Hillary Clinton a réagi en déclarant que ses avocats s’étaient chargé de faire un tri dans tous ses e-mails et avaient transmis ceux liés à son travail comme secrétaire d’état au Département d’Etat afin que celui-ci puisse les rendre publics. Ses avocats auraient ainsi fait le tri parmi 62 320 messages accumulés entre mars 2009 et février 2013 et en auraient envoyé environ la moitié pour archivage au Département d’Etat. Les autres n’auraient pas été transmis car relevant de la sphère privée et certains auraient même été effacés.
S’il n’y a formellement rien d’illégal dans cette affaire, il sera facile pour les adversaires républicains d’Hillary Clinton de semer le doute. En effet, pourquoi ne pas avoir créé une adresse professionnelle sur le système du Département d’Etat comme tous ses prédécesseurs? Pourquoi avoir fait installer un serveur privé chez elle? Et pourquoi avoir fait faire un tri de ses mails à ses avocats avant de les transmettre au Département d’Etat si elle n’avait rien à cacher?
CONCLUSION
Hillary Clinton remportera probablement les primaires démocrates et elle a toutes ses chances de devenir la prochaine présidente des Etats-Unis. Son expérience politique joue en sa faveur, tout comme l’absence d’un véritable leader charismatique dans le camp adverse. Mais elle devra néanmoins convaincre de son honnêteté et répondre à de violentes critiques, notamment sur l’affaire Benghazi, la gestion de ses e-mails lorsqu’elle était secrétaire d’état et le financement de la fondation qui porte son nom.