La question du mariage homosexuel se retrouve encore une fois au cœur de l’actualité aux Etats-Unis. En effet, la Cour Suprême a débuté hier des auditions à ce sujet. Elle doit débattre de la constitutionnalité du mariage entre personnes de même sexe et devrait rendre son verdict fin juin. Un verdict capital puisqu’il pourrait entraîner la légalisation du mariage gay dans tout le pays.
LE MARIAGE GAY AUX ETATS-UNIS : ÉTAT DES LIEUX
Il n’existe actuellement aucune loi fédérale autorisant ou interdisant le mariage gay aux Etats-Unis. Cette décision relève de la compétence des différents états.
Le premier état américain à avoir légalisé le mariage gay est le Massachusetts. C’était en mai 2004. Aujourd’hui, 37 des 50 états l’autorisent. Le processus ayant mené à la légalisation n’a toutefois pas été le même partout :
- 26 états ont légalisé le mariage gay suite à une décision des tribunaux
- Le parlement a voté la légalisation du mariage gay dans 8 états
- Dans 3 états, les citoyens ont voté pour la légalisation du mariage gay lors d’un référendum
Les 13 autres états américains ont amendé leur Constitution afin de rendre le mariage gay illégal.

LE MARIAGE GAY À L’ÉPREUVE DE LA COUR SUPRÊME
Suite à la plainte de seize citoyens issus de quatre états interdisant le mariage gay (Michigan, Tennessee, Kentucky et Ohio), la Cour Suprême a accepté de se saisir de la question de la constitutionnalité de cette interdiction. L’argument principal des plaignants est que leur état, en leur interdisant de se marier, viole leurs droits constitutionnels en tant que citoyens des Etats-Unis. La Cour Suprême a commencé hier par entendre les arguments des différentes parties sur la question. Les juges vont maintenant débattre avant de rédiger leurs conclusions qui devraient être rendues publiques fin juin. Ils doivent répondre à deux questions :
- Les états n’autorisant pas le mariage gay doivent-ils tout de même reconnaître les mariages contractés légalement dans d’autres états?
- Les couples gays ont-ils le droit constitutionnel de se marier?
C’est bien sûr la réponse à la deuxième question qui pourrait avoir une importance capitale. Si la Cour Suprême y répond par la négative, ce sera le status quo. Chaque état continuera de décider s’il autorise ou non le mariage homosexuel. Mais si la Cour Suprême répond par l’affirmative, les amendements constitutionnels instaurés dans certains états afin d’empêcher les citoyens homosexuels de se marier seront désormais considérés comme illégaux car non conformes à la Constitution fédérale. Tous les états devront alors se conformer à la décision de la Cour Suprême et légaliser le mariage gay. Celui-ci deviendra de facto légal dans tout le pays.
UNE OPINION PUBLIQUE TOUJOURS PLUS FAVORABLE AU MARIAGE GAY
Selon un récent sondage Washington Post/ABC News, 61% des américains seraient aujourd’hui favorables au mariage gay et ils ne seraient plus que 35% à y être catégoriquement opposés. Ce graphe présente l’évolution des opinions entre 1996 et 2014 selon les tranches d’âge.

Les démocrates sont plus nombreux que la moyenne à se déclarer favorables au mariage homosexuel (75%) alors que les républicains ne sont qu’environ 35% dans ce cas. Ce chiffre étonnera toutefois peut-être le lecteur francophone tant les républicains ont tendance à être présentés comme unanimement conservateurs à ce sujet.

UNE RÉACTION TRÈS PRO-LGBT DE LA PART D’HILLARY CLINTON
Hier, peu avant le début des auditions de la Cour Suprême, Hillary Clinton a surpris tout le monde en mettant son logo de campagne (qui lui sert de photo de profil sur les réseaux sociaux) aux couleurs de l’arc-en-ciel, symbole de la lutte LGBT.
Elle a également publié le tweet suivant :
Le message de la candidate démocrate est clair. Elle est favorable à la légalisation du mariage homosexuel dans tout le pays et espère que la Cour Suprême tranchera en ce sens.
De nombreux observateurs ont toutefois fait remarquer que sa position sur le sujet avait évolué au fil du temps. Elle s’est longtemps déclarée opposée au mariage entre personnes de même sexe (le mariage devant rester l’union d’un homme et d’une femme en raison de sa signification religieuse) mais favorable à des unions civiles garantissant les mêmes droits aux couples homosexuels qu’aux couples hétérosexuels. C’était d’ailleurs sa position officielle lorsqu’elle était candidate à la primaire démocrate en 2008. Elle dit avoir depuis changé d’avis sur la question. Est-elle sincère ou s’agit-il seulement là d’opportunisme politique? Difficile à dire mais il semble toutefois plausible qu’Hillary Clinton ait pu changer d’avis sur le sujet comme bon nombre de ses concitoyens ces dernières années.
ET LES RÉPUBLICAINS ?
Nous l’avons vu, même l’électorat républicain évolue sur la question du mariage homosexuel. De plus en plus de républicains s’y déclarent favorables. Ils seraient environ 35% aujourd’hui. Le mois dernier, 300 personnalités républicaines ont même adressé une lettre ouverte à la Cour Suprême pour lui demander de reconnaître le mariage gay au niveau national. Parmi les signataires figurent des membres importants du parti dont 23 anciens ou actuels membres du Congrès et 7 anciens ou actuels gouverneurs. Y figurent également l’ancien maire de la ville de New York Rudy Giuliani, le général à la retraite Stanley McChrystal ou encore Meghan McCain, la fille de l’ancien candidat à la présidence John McCain. Mais la majorité des élus républicains restent opposés au mariage gay, tout comme la majorité de leurs électeurs.
Quelles sont les positions des trois candidats déjà déclarés à la primaire républicaine?
Le très conservateur Ted Cruz a publié un communiqué dans lequel il déclare notamment que :
For millennia, the union of a man and a woman has been the fundamental building block of society, and the Judeo-Christian value of traditional marriage is a cornerstone upon which the strength of our Nation rests. (Depuis des millénaires, l’union d’un homme et d’une femme a été le fondement de la société, et le valeur judéo-chrétienne du mariage traditionnel est la pierre angulaire sur laquelle s’appuie la force de notre nation)
Il déclare espérer que la Cour Suprême choisira de laisser la responsabilité aux états de légaliser ou non le mariage gay.
La position de Marco Rubio n’est pas bien différente. Sur son site web, il déclare qu’il pense que le mariage doit rester une union entre un homme et une femme et que la décision de légaliser ou non le mariage gay devrait rester une prérogative des états. Toutefois, dans une récente interview, il a déclaré qu’il se rendrait sans aucun problème à un mariage gay s’il y était invité. Il s’est justifié en déclarant que même lorsque vous n’êtes pas d’accord avec la décision d’un ami, vous continuez tout de même de l’aimer.
Rand Paul se fait encore plus discret sur la question. On ne trouve ainsi pas trace de sa position officielle sur son site web alors qu’il se prononce sur de nombreux autres sujets. Il est donc difficile de savoir où il se situe exactement. Néanmoins, lors d’une récente interview, il a lui aussi expliqué que le mariage traditionnel avait pour lui une connotation religieuse qu’il fallait préserver. Mais il a ensuite ajouté que tous les citoyens devaient être traités de manière égale par la loi et que l’idéal serait d’avoir un autre type d’union pour les couples gays, leur donnant les mêmes droits que le mariage.
Les positions des différents candidats à la primaire républicaine à ce sujet seront finalement sans doute assez semblables et ne constitueront probablement pas le facteur le plus important pour les départager. Il sera néanmoins intéressant de voir comment ils réagiront à la décision de la Cour Suprême. Si celle-ci légalise le mariage gay dans tout le pays, il est probable qu’ils la déploreront mais qu’ils la respecteront. Il est en effet extrêmement rare que les décisions de la Cour Suprême soient remises en cause.
De plus, si la légalisation du mariage gay était acquise six mois avant le début des primaires, on peut supposer que la question du mariage homosexuel aurait moins d’importance lors de la campagne électorale de 2016 que lors des campagnes présidentielles précédentes.