Carly Fiorina a une longue et brillante carrière de businesswoman derrière elle. Elle est notamment connue pour avoir dirigé l’entreprise Hewlett-Packard de 1999 à 2005. À tout juste 60 ans, elle se lance un nouveau défi en présentant sa candidature à la Maison Blanche. Portrait d’une femme de caractère.
SON PARCOURS
Carly Fiorina est née le 6 septembre 1954 à Austin (Texas) sous le nom de Cara Carleton Sneed. Son père était juge et sa mère était peintre. La famille déménagera à plusieurs reprises avant de s’établir définitivement en Californie. Hormis ces nombreux déménagements, la petite Carly vit une enfance paisible.
Carly étudie l’histoire médiévale et la philosophie à l’Université de Stanford. Elle obtient son diplôme en 1976. Elle décide ensuite de s’inscrire à l’école de droit de l’Université de Californie mais elle abandonne ces études juridiques au bout d’un semestre. Elle ne sait alors pas vraiment ce qu’elle veut faire de sa vie et accepte un job de secrétaire dans une agence immobilière. Elle occupera ce poste pendant plusieurs mois avant de partir en Italie pour y enseigner l’anglais. Elle rentre ensuite aux Etats-Unis et décide de reprendre des études. Elle s’inscrit à la Robert H. Smith School of Business qui dépend de l’Université du Maryland. Elle a trouvé sa vocation. Après avoir obtenu son nouveau diplôme, elle travaillera pendant vingt ans dans le domaine des télécommunications, principalement chez AT&T. Elle s’y occupe de la vente et du marketing. En parallèle, elle continue à suivre des cours et obtient un diplôme du prestigieux MIT (Massachusetts Institute of Technology).
Elle raconte qu’à ses débuts dans le monde des affaires, elle a été confrontée à des réactions très machistes. Certains clients lui proposaient même de se rencontrer dans des clubs de strip-tease pour discuter affaires ! Mais elle parvient à s’imposer et à gravir les échelons. À tel point qu’en 1999, la firme Hewlett-Packard la recrute comme PDG. Elle devient alors la première femme à diriger une entreprise membre du Fortune 50 – le classement des 50 entreprises les plus riches établi par le célèbre magazine Fortune ! Elle sera PDG de Hewlett-Packard pendant six ans. Ses années à la tête du groupe seront marquées par de nombreux licenciements. En 2005, elle est elle-même remerciée. Officiellement, il ne s’agit pas d’une remise en cause de ses résultats à la tête de l’entreprise mais d’un désaccord sur son style managérial. Elle est indemnisée à hauteur de 21 millions de dollars.
Depuis son départ d’Hewlett-Packard, Carly Fiorina s’est impliquée dans plusieurs organisations caritatives. En 2008, elle a collaboré à la campagne présidentielle de John McCain en tant que conseillère. En 2009, on lui diagnostique un cancer du sein. Elle est contrainte de subir une intervention chirurgicale et des séances de chimiothérapie mais elle parvient à vaincre la maladie. En 2010, elle se présente pour la première fois à une élection. Elle est candidate au poste de sénatrice de Californie. Elle est battue par la candidate démocrate Barbara Boxer. Suite à cette défaite, elle et son mari décident de quitter la Californie. Ils emménagent dans une nouvelle propriété située en Virginie, tout près de Washington D.C.
Côté vie privée, Carly est mariée à Frank Fiorina, qu’elle a rencontré alors qu’ils travaillaient tous les deux chez AT&T. Il s’agit de son second mariage. Elle n’a pas eu d’enfants mais elle a élevé les deux filles de son mari (issues d’une précédente union). L’une d’entre elles est décédée en 2009.
L’ANNONCE DE SA CANDIDATURE
Carly Fiorina a annoncé qu’elle était candidate à la présidence le 4 mai. Elle s’est contentée pour cela d’une vidéo postée en ligne et d’une courte apparition dans l’émission télévisée Good Morning America. Elle n’a donc pas prononcé de discours.
LA VIDÉO
La vidéo d’annonce de Carly Fiorina dure environ 1 minute. On l’y voit d’abord de dos en train de regarder la télévision. Celle-ci diffuse le clip d’annonce de candidature d’Hillary Clinton. Lorsque Clinton déclare I am running for president, on voit Fiorina prendre sa télécommande et éteindre la télévision. La caméra change alors d’angle de vue. Carly Fiorina apparaît de face et commence à parler. Elle se présente comme une candidate qui ne fait pas partie de la classe politique et qui a l’intention de mettre fin à la bureaucratie, à la corruption et à la politique identitaire.
(La vidéo est visible à l’adresse www.carlyforpresident.com/meet-carly)
L’APPARITION DANS L’ÉMISSION GOOD MORNING AMERICA
Il s’agit d’une très courte interview. Carly Fiorina met en avant sa connaissance du fonctionnement de l’économie, sa maîtrise de la technologie (qu’elle présente comme un moyen important pour réengager les citoyens dans le processus politique) et sa capacité à prendre des décisions, y compris lorsqu’elles sont impopulaires.
Le journaliste lui demande ensuite comment elle compte convaincre les électeurs de lui faire confiance alors qu’elle n’a jamais occupé de fonction politique jusqu’ici. Elle répond que cela ne devrait pas être un problème puisqu’au départ, les pères fondateurs avaient imaginé un gouvernement de citoyens. De plus, elle pense que les citoyens en ont aujourd’hui assez de la classe politique traditionnelle.
Le journaliste lui parle enfin d’Hillary Clinton. Fiorina lui reconnaît des qualités et confie même avoir de l’admiration pour elle. Mais elle considère que la candidate démocrate n’est pas digne de confiance, comme en témoignent l’affaire de Benghazi, l’affaire de ses e-mails et les financements de la Clinton Foundation.
LE TWEET
LOGO ET SLOGAN DE CAMPAGNE
Son logo de campagne indique Carly for President sur fond bleu. Une étoile à cinq branches rouge remplace la barre du A de Carly. On peut y voir une référence au drapeau américain.
Son slogan est New Possibilities. Real Leadership.
LE SITE WEB OFFICIEL
La page d’accueil du site web carlyforpresident.com affiche sur la droite une photo d’elle tout sourire et sur la gauche deux liens (Meet Carly et Join Us) surmontés de son slogan et de son logo de campagne. En bas de page, on trouve les liens vers les profils de la candidate sur les réseaux sociaux, ainsi que l’indispensable lien pour faire un don à la campagne.
Lorsque l’on clique sur le lien Meet Carly, on arrive au contenu du site. Le tout est présenté de manière très moderne et attractive. Le design du site est clairement très réussi. On retrouve sa vidéo d’annonce de candidature ainsi qu’une courte biographie. Les premiers mots de cette biographie sont une phrase que lui répétait régulièrement sa mère et qui semble être devenue son leitmotiv :
What you are is God’s gift to you. What you make of yourself is your gift to God. (Ce que tu es est le cadeau de Dieu. Ce que tu fais de toi-même est ton cadeau à Dieu)
Fiorina met ensuite surtout en avant son expérience de PDG chez Hewlett-Packard, qui prouve selon elle sa capacité à prendre des décisions et à résoudre les problèmes. Elle se vante notamment du fait qu’en six ans (1999-2005), Hewlett-Packard est passé du 28ème au 11ème rang des plus grandes entreprises du pays et que son chiffre d’affaires a doublé.

Enfin, Fiorina fait aussi la liste des activités auxquelles elle s’est consacrée depuis qu’elle a quitté Hewlett-Packard. Elle a notamment été membre du comité consultatif extérieur de la CIA (ce qui pourra certainement lui permettre d’affirmer qu’elle possède les connaissances nécessaires dans le domaine de la politique étrangère) et présidente de diverses organisations. Par exemple, Opportunity International, qui se consacre à aider les gens à sortir de la pauvreté grâce à un système de micro-crédit.
On ne trouve rien de plus sur le site web de la candidate Fiorina. Autrement dit, pas l’ombre d’un programme électoral !
LE BUZZ CARLYFIORINA.ORG
Au lendemain de l’annonce de sa candidature à la présidence, on a beaucoup parlé de Carly Fiorina en raison d’un site web qui a fait le buzz. Elle s’en serait sans doute bien passé. En effet, elle n’avait pas pensé à acheter le nom de domaine carlyfiorina.org. Or, si l’on se connecte à cette page web, voici ce qui apparaît :
Le détenteur du site tient apparemment à rappeler que 30.000 employés ont été licenciés pendant les six années qu’a passées Carly Fiorina à la tête de Hewlett-Packard. Alors que celle-ci présente son expérience de PDG comme la meilleure preuve de ses compétences, l’existence de ce site web est bien sûr un coup dur.
Mais qu’en est-il réellement? Le bilan de Carly Fiorina à la tête de Hewlett-Packard est-il positif comme elle se plaît à le dire ou catastrophique comme le disent ses opposants?
Lorsqu’elle arrive à la tête de l’entreprise en 1999, celle-ci est en difficulté. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle a été recrutée. Elle entame donc immédiatement un processus de restructuration et licencie des milliers d’employés. En 2002, elle décide de fusionner avec l’entreprise Compaq. Cette volonté de fusion la mènera au clash avec Walter Hewlett, l’un des membres du conseil d’administration et fils du fondateur de l’entreprise, qui y était opposé. Elle parviendra néanmoins à imposer sa décision et la fusion aura bien lieu. Mais le résultat ne sera pas positif puisque cette fusion fera perdre de l’argent à l’entreprise et mènera à de nouveaux licenciements. En 2005, Carly Fiorina est remerciée et quitte l’entreprise avec un parachute doré de 21 millions de dollars.
Carly Fiorina ne ment pas lorsqu’elle affirme avoir doublé les revenus de l’entreprise. Entre 1999 et 2005, les revenus issus des ventes sont en effet passés de 42 milliards de dollars à 87 milliards de dollars. Mais ce qu’elle ne dit pas, c’est que le bénéfice net a lui chuté. Sur la même période, il est passé de 3,1 milliards de dollars à 2,4 milliards de dollars.
QUE SAIT-ON DE SES IDÉES POLITIQUES ?
Comme nous l’avons signalé, Carly Fiorina n’a rendu public aucun programme électoral. On ne trouve aucune allusion aux mesures qu’elle entend prendre en cas d’élection sur son site web. Et comme elle n’a jamais occupé de fonction politique auparavant, on ne sait pas grand-chose de ses positions. Elle a néanmoins déjà donné quelques indications en ce début de campagne. Voici ce que nous pouvons en retenir.
– Elle veut forcer toutes les agences fédérales à adopter la méthode du zero-based budgeting, populaire dans de nombreuses grandes entreprises privées. Le principe est simple : repartir de zéro avant d’établir chaque nouveau budget, au lieu de se baser sur les budgets des années précédentes sans réévaluer la situation.
– Elle veut favoriser les petites entreprises en réduisant les taxes et les régulations.
– Elle est opposée à l’avortement.
– Elle se déclare favorable aux unions civiles entre personnes de même sexe et à ce que les couples homosexuels aient droit aux mêmes avantages que les couples hétérosexuels. Elle se déclare par contre opposée au mariage homosexuel, pour la simple raison que le mariage est une institution religieuse. Il ne faut pas choquer les nombreux croyants pour qui cela a une valeur symbolique importante. Toutefois, dans une récente interview, elle a déclaré que si la Cour Suprême rendait cet été une décision qui légalisait de facto le mariage homosexuel dans tout le pays, il faudrait accepter cette décision.
– Enfin, Carly Fiorina a eu une réaction surprenante après les émeutes de Baltimore. Elle a déclaré que tous les policiers et véhicules de police devraient être obligatoirement équipés de caméras afin de lutter plus efficacement contre les violences policières.
SES ATOUTS ET SES POINTS FAIBLES
Carly Fiorina peut se targuer d’une connaissance approfondie du monde économique et c’est probablement son meilleur atout. Mais celui-ci est néanmoins fragile puisque, comme nous l’avons vu, son bilan à la tête d’Hewlett-Packard n’est pas unanimement considéré comme positif.
Carly Fiorina dispose d’un autre avantage : sa fortune personnelle, qui s’élève à 59 millions de dollars. Cela en fait la candidate la plus riche de tous les candidats en lice pour 2016 ! Mais on a déjà connu mieux. En 2012, Mitt Romney avait déclaré un patrimoine de 250 millions de dollars. L’avantage pour Fiorina est que, même si elle ne parvenait pas à récolter énormément de dons, elle serait en mesure de financer elle-même sa campagne.
Mais Carly Fiorina n’a quasiment aucune chance de remporter les primaires républicaines. La principale raison? Son manque d’expérience politique. Rappelons qu’elle n’a jamais exercé aucun mandat public et que sa seule tentative de se présenter à une élection (pour le Sénat en Californie en 2010) fut un échec. Or, on sait que les américains considèrent l’expérience politique comme un critère important au moment de voter. Selon un récent sondage réalisé par NBC News et le Wall Street Journal, 69% des électeurs américains se déclarent réticents à voter pour un candidat à la présidence n’ayant aucune expérience passée à un poste d’élu. Le fait de n’avoir aucune expérience à un poste d’élu est même la caractéristique qui déplaît le plus aux électeurs.

D’ailleurs, les résultats électoraux semblent le prouver. Depuis 1948, il y a eu 21 candidats aux primaires démocrates ou républicaines qui n’avaient aucune expérience en politique avant de se présenter. Un seul est parvenu à l’emporter. Il s’agit de Dwight Eisenhower, général héros de la Seconde Guerre Mondiale, en 1952. D’autres étaient pourtant connus et relativement populaires, comme le révérend Jesse Jackson qui s’est présenté deux fois aux primaires démocrates (1984 et 1988) ou le journaliste conservateur Pat Buchanan qui s’est présenté deux fois aux primaires républicaines (1992 et 1996). Mais malgré une certaine popularité, ils n’ont jamais réussi à s’imposer dans les urnes.
Ce sondage nous apprend également que le fait d’élire une femme fait encore peur à un certain nombre d’électeurs. Carly Fiorina (qui est la seule femme candidate côté républicain) pourrait néanmoins tirer un avantage de sa féminité : pouvoir attaquer violemment Hillary Clinton sans être accusée de misogynie. Clinton semble d’ailleurs être la cible principale de Fiorina en ce début de campagne. Fiorina semble vouloir mettre en lumière le contraste qui existerait entre elle et l’ex-First Lady. Elle insiste sur le manque de transparence de celle-ci, alors qu’elle veut mettre fin à la corruption du système politique.
CONCLUSION
Carly Fiorina a une brillante carrière de businesswoman à faire valoir, même si son bilan à la tête d’Hewlett-Packard reste mitigé. Mais elle aura bien du mal à convaincre les électeurs de lui accorder leur confiance, notamment en raison de son manque d’expérience politique. Certains observateurs pensent que sa candidature ne serait en réalité qu’un tremplin pour obtenir le statut de candidate à la vice-présidence sur le ticket républicain. En effet, si Hillary Clinton remporte bien l’investiture démocrate (ce qui ne fait guère de doute), il pourrait être intéressant pour le candidat républicain de choisir une femme comme colistière. Carly Fiorina, future vice-présidente des Etats-Unis?