Martin O’Malley pourrait-il gêner Hillary Clinton dans sa course à l’investiture démocrate? Même si sa campagne semble pour l’instant avoir un peu de mal à démarrer, l’ancien maire de Baltimore et ancien gouverneur du Maryland a des atouts à faire valoir. Portrait.
SA CARRIÈRE POLITIQUE EN UN COUP D’ŒIL
Maire de Baltimore (1999-2006)
Gouverneur du Maryland (2007-2015)
SON PARCOURS
Martin O’Malley est né à Washington le 18 janvier 1963. Son père a servi comme pilote dans l’armée de l’air durant la Seconde Guerre Mondiale. Il a participé à trente-trois missions dans le Pacifique. Il a ensuite mené une carrière d’avocat. Il est décédé en 2006. Sa mère travaille quant à elle depuis presque trente ans au Congrès. Elle fait partie du staff de la sénatrice démocrate Barbara Mikulski.
Martin étudie le droit à l’Université du Maryland. Il obtient son diplôme en 1988 et devient avocat au service de la ville de Baltimore. Il raconte qu’il a alors été témoin des problèmes de violence, de drogue et de pauvreté qui y sévissaient. C’est ce qui lui a donné envie de s’engager en politique pour faire changer les choses. Il siégera d’abord pendant huit ans au City Council (le conseil municipal) avant de devenir maire de la ville en 1999. Il mettra notamment en place une politique de tolérance zéro vis-à-vis de la délinquance ainsi qu’un programme innovant nommé CitiStat. Ce programme utilise des statistiques afin d’évaluer l’efficacité des politiques mises en place par la municipalité. Les habitants y ont également accès. En 2007, O’Malley grimpe encore un échelon en devenant gouverneur du Maryland (l’état dans lequel se situe la ville de Baltimore). En tant que gouverneur, il fera passer de nombreuses mesures importantes. Il a notamment augmenté le salaire minimum, légalisé le mariage gay et aboli la peine de mort. Il quitte son poste en début d’année et annonce sa candidature à la présidence. Il vit actuellement toujours à Baltimore avec sa femme et leurs quatre enfants.
O’Malley est également guitariste et chanteur dans son propre groupe de rock celtique qu’il a créé en 1988. Le groupe s’appelle O’Malley’s March. Lorsqu’il était maire de Baltimore, le groupe jouait régulièrement dans les bars de la ville.
L’ANNONCE DE SA CANDIDATURE
Martin O’Malley a annoncé sa candidature à la présidence le 30 mai. Il a prononcé un discours dans un parc de la ville de Baltimore.
LE DISCOURS
Comme beaucoup de candidats à la présidence, Martin O’Malley a commencé son discours en évoquant le rêve américain. Il a insisté sur le fait que tout le monde devait y être inclus.
All of us are included. Women and men. Black people and white people. Native Americans, Irish Americans, Asian Americans, Latino Americans. Jewish, Christian and Muslim Americans. Young and old. Rich and poor. Workers and business owners. Gay, lesbian and transgender and straight Americans. (Nous sommes tous inclus. Femmes et hommes. Noirs et blancs. Natifs [le terme Native Americans désigne aux Etats-Unis les Indiens d’Amérique], Irlando-américains, Asiatique-américains, Latino-américains. Juifs, chrétiens et musulmans américains. Jeunes et vieux. Riches et pauvres. Travailleurs et patrons. Gay, lesbiennes et transgenres et hétéros américains)
O’Malley a dédié une bonne partie de son discours à la dénonciation des inégalités sociales et du dysfonctionnement du système économique. Il a par exemple évoqué le fait que 70% des américains gagnent aujourd’hui la même chose ou moins qu’il y a douze ans. Ou bien qu’il y a cinquante ans, le premier employeur du pays était General Motors et qu’un employé de General Motors pouvait payer les études de son enfant avec l’équivalent de deux semaines de salaire.
Understanding precedes action. And we must understand that what happened to our economy, the damage done to the American dream we share, did not happen by chance nor was it merely the result of global forces somehow beyond our reach. Powerful, wealthy, special interests here at home have used our government to create in our own country an economy that is leading a majority of our people behind. An economy that has so concentrated wealth and power in the hands of the very few that it has taken opportunity out of the homes of the many. (La compréhension précède l’action. Et nous devons comprendre que ce qui est arrivé à notre économie, les dégâts causés au rêve américain que nous partageons, ne se sont pas produits par hasard et n’étaient pas non plus simplement le résultat de forces globales hors de notre portée. Des intérêts spéciaux, puissants, fortunés ici aux Etats-Unis ont utilisé notre gouvernement pour créer dans notre propre pays une économie qui laisse une majorité de gens à la traîne. Une économie qui a concentré tellement de richesse et de pouvoir dans les mains de quelques-uns qu’elle a retiré la possibilité de réussir des maisons de la majorité)
Il dira aussi qu’il estime anormal qu’aucun PDG de Wall Street n’ait été condamné après la crise financière de 2008. Notons qu’il a également lancé une attaque contre Jeb Bush et Hillary Clinton (dont il était pourtant l’un des soutiens lors de sa campagne de 2008) au sujet de leurs liens présumés avec Wall Street :
Recently, the CEO of Goldman Sachs let his employees know that he’d be just fine with either Bush or Clinton… I bet he would. (Récemment, le PDG de Goldman Sachs a fait savoir à ses employés qu’il serait satisfait avec Bush ou Clinton… Je parie qu’il le serait)
En tant qu’ancien maire de Baltimore, O’Malley a également tenu à évoquer les émeutes qui avaient ébranlé la ville quelques semaines plus tôt. Ces émeutes faisaient suite au décès de Freddie Gray, un jeune noir américain décédé suite à une arrestation musclée par la police. O’Malley a déclaré qu’en tant qu’habitant de la ville, cette nuit d’émeutes lui avait brisé le cœur (That was a heartbreaking night). Il a ensuite ajouté que ces émeutes n’étaient pas uniquement le résultat d’un problème racial mais qu’elles étaient avant tout la conséquence d’un désespoir profond causé par le chômage et la pauvreté. Pour lui, c’est l’extrême pauvreté qui entraîne l’extrême violence.
Enfin, O’Malley a laissé entrevoir certaines des mesures qu’il entend prendre en cas d’élection :
– Augmenter le salaire minimum
– Investir dans les énergies renouvelables pour lutter contre le changement climatique. Il a présenté le changement climatique comme étant « the greatest business opportunity to come to our country for a hundred years » (la plus grande chance économique à arriver dans notre pays depuis cent ans)
– Réformer le système d’immigration et régulariser les 11 millions d’illégaux vivant dans le pays « because the enduring symbol of our nation is not the barbed wire fence, it is the statue of liberty » (parce que le symbole durable de notre nation n’est pas la clôture de fils de fer barbelés, c’est la statue de la liberté)
– Construire une nouvelle stratégie de sécurité nationale qui impliquerait de lutter contre l’extrémisme mais aussi contre les cyber-attaques ou le changement climatique. Et cela implique de travailler conjointement avec les autres nations.
LE TWEET
LOGO ET SLOGAN DE CAMPAGNE
Le logo de campagne de Martin O’Malley est composé des lettres O et M séparées par une apostrophe et situées au centre d’une carré bleu.
Son slogan est New leadership.
LE SITE WEB OFFICIEL
On trouve sur son site (martinomalley.com) une biographie, la vidéo de son discours d’annonce, des liens vers les réseaux sociaux et pour faire un don à la campagne. La partie consacrée à son programme n’est pas intitulée Issues comme c’est souvent le cas, mais Vision. C’est peut-être une manière de mettre en avant son optimisme concernant l’avenir puisque le mot issue peut signifier problématique mais aussi problème.
SON PROGRAMME
Voici les principales mesures du programme de Martin O’Malley :
– Augmenter le salaire minimum à 15$ de l’heure
– Contrôler davantage Wall Street et les grandes banques
– Faire de l’égalité des chances une réalité en démocratisant encore davantage l’accès aux soins de santé et en réduisant le coût des études supérieures.
– Investir dans des projets qui améliorent la vie des citoyens (infrastructures, transport, logement etc). Il insiste sur le fait que ce type d’investissements devrait être la priorité et non pas la baisse des impôts. En tant que gouverneur, il n’avait d’ailleurs pas hésité à augmenter les impôts pour financer des politiques sociales et il semble être prêt à faire pareil au niveau fédéral.
– Faire en sorte que les femmes aient droit au même salaire que les hommes et qu’elles ne soient pas pénalisées lorsqu’elles prennent un congé maternité.
– Réduire la pauvreté de moitié en dix ans. C’est une promesse de campagne importante mais il ne détaille pas véritablement comment il compte y parvenir.
– Réformer le système d’immigration et régulariser la situation des sans-papiers vivants dans le pays, à la fois pour des raisons humaines mais aussi parce que cela sera bénéfique à l’économie.
– Assurer une retraite convenable aux seniors. Trop de retraités vivent actuellement dans la pauvreté. Il ne faut pas réduire les bénéfices de la Sécurité Sociale ni la privatiser mais au contraire faire en sorte qu’elle assure une retraite correcte à tous.
– Créer des emplois dans le secteur des énergies renouvelables.
– Relancer la compétition dans l’économie américaine. Quelques grandes entreprises sont aujourd’hui devenues tellement puissantes qu’elles dominent leur secteur de manière à ce que la concurrence ne puisse plus s’exercer. Et en plus, ces grandes entreprises ont tendance à délocaliser. Il faut renforcer les lois anti-trust et mettre fin aux accords commerciaux qui favorisent les grandes entreprises au détriment des travailleurs américains.
– Réglementer davantage le rôle de l’argent dans les élections. Il propose que les petites contributions de particuliers fassent l’objet d’une déduction fiscale. Cela encouragerait plus de personnes à participer. Il veut aussi rendre la procédure de vote plus aisée, notamment en simplifiant la procédure d’inscription sur les listes électorales.
– Rendre l’action du gouvernement plus efficace et plus transparente. Les citoyens doivent être mieux informés de ce que fait leur gouvernement, ce qui rendra aussi les élus plus responsables. L’information doit être facilement accessible et transparente. Lorsqu’il était maire de Baltimore, O’Malley avait créé le programme CitiStat qui utilisait des statistiques pour mesurer la performance des différents services publics et les inciter à améliorer leurs résultats. Lors d’une interview datant de 2013, il avait déclaré qu’il trouverait intéressant de créer un système semblable au niveau fédéral.
– Renforcer la législation concernant le port d’armes. Comme Barack Obama, O’Malley est un fervent défenseur d’une révision de la législation en matière de port d’armes. Il a laissé éclaté sa colère de manière très explicite sur Twitter après la récente fusillade de Charleston.

– Enfin, O’Malley est un fervent opposant à la peine de mort qu’il a abolie au Maryland lorsqu’il en était le gouverneur. Récemment interrogé sur le verdict condamnant à la peine capitale l’auteur de l’attentat du marathon de Boston, il a déclaré :
The nations responsible for the vast majority of public executions include North Korea, Iran, Iraq, Yemen, China and the United States of America. Our country does not belong in that company. (Les nations responsables de la vaste majorité des exécutions publiques incluent la Corée du Nord, l’Iran, l’Irak, le Yémen, la Chine et les Etats-Unis d’Amérique. Notre pays n’appartient pas à cette compagnie)
SES ATOUTS ET SES POINTS FAIBLES
Martin O’Malley se présente comme un candidat plus progressiste qu’Hillary Clinton mais moins révolutionnaire que Bernie Sanders. Mais alors qu’Hillary Clinton reste la grandissime favorite des primaires démocrates et que Bernie Sanders fait de plus en plus parler de lui (un récent sondage montre qu’il n’aurait plus que huit points de retard sur Clinton dans le New Hampshire), Martin O’Malley stagne aux alentours de 1% des intentions de vote. Il va donc maintenant devoir impérativement se démarquer de Clinton et de Sanders.
Alors qu’il était l’un des soutiens d’Hillary Clinton lors des primaires démocrates de 2008 (qu’elle avait perdues face à Barack Obama), il attaque désormais cette dernière sur ses liens présumés avec les puissants de Wall Street. Il a aussi laissé sous-entendre qu’elle était quelque peu opportuniste dans son soutien actuel au mariage homosexuel alors qu’en 2008, elle lui préférait les unions civiles.
Leadership is about making the right decision and the best decision before sometimes it becomes entirely popular. (Le leadership, c’est de prendre la bonne décision et la meilleure décision avant que celle-ci ne devienne totalement populaire)
Mais surtout, O’Malley a décidé de mettre la question de l’immigration au cœur de sa campagne. Il a promis que s’il était élu, il réformerait le système d’immigration dans les 100 premiers jours de son mandat. O’Malley semble donc vouloir attirer à lui l’électorat latino-américain démocrate. Quelques jours après l’annonce de sa candidature, il accordait une interview à Univision (la plus grande chaîne de télévision américaine diffusant en langue espagnole) et il participait à une séance de questions/réponses à la Chambre de Commerce Hispano-Américaine. Ce thème lui permet pour l’instant de se démarquer de Bernie Sanders, qui n’en parle quasiment pas. Mais il aura sans doute du mal à détourner les électeurs latinos d’Hillary Clinton. Cette dernière s’est en effet également engagée à réformer le système d’immigration et elle avait attiré plus de voix latinos que Barack Obama lors des primaires démocrates de 2008. O’Malley pourrait néanmoins mettre en avant le fait que, contrairement à Hillary, il a prouvé être capable de prendre des décisions en faveur des immigrants illégaux lorsqu’il était gouverneur du Maryland. Il avait par exemple rendu possible l’accès au permis de conduire pour les sans-papiers et avait limité la coopération entre son état et les forces fédérales d’immigration.
En tant qu’ancien maire de Baltimore, les récentes émeutes qui ont enflammé la ville pourraient nuire à son image. Certains de ses opposants l’accusent en effet d’y avoir fait monter les tensions entre habitants et forces de l’ordre avec sa politique de tolérance zéro vis-à-vis de la délinquance. Lui met en avant la réussite de cette politique et si l’on en croit les statistiques officielles du FBI, il a raison. Entre 1999 et 2009, le nombre de crimes pour 100 000 habitants a chuté de 48% à Baltimore, soit plus que dans n’importe quelle autre ville du pays. Et si l’on prend uniquement en compte les crimes de catégorie 1 (c’est-à-dire les plus violents comme les homicides ou les viols), la ville de Baltimore a enregistré sur la même période la troisième diminution la plus importante derrière Los Angeles et New York. En 1999, Baltimore était classée comme la ville la plus violente du pays. En 2009, elle n’était plus que treizième de ce classement.
O’Malley peut mettre en avant son bilan en tant que maire et surtout en tant que gouverneur. Il a prouvé ne pas avoir peur de mettre en place des réformes très progressistes, comme l’augmentation du salaire minimum, la légalisation du mariage gay ou l’abolition de la peine de mort. Le fait d’être plus jeune qu’Hillary Clinton et Bernie Sanders pourrait aussi jouer en sa faveur.
CONCLUSION
Hillary Clinton reste la grandissime favorite des primaires démocrates et si l’on en croit les derniers sondages, seul Bernie Sanders semble en mesure de l’inquiéter. Mais Martin O’Malley a des arguments à faire valoir et il lui reste plusieurs mois pour convaincre les électeurs démocrates qu’il est l’homme qu’il leur faut.
lu l’article avec intérêt. Jacqueline
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