Les premiers débats entre candidats aux primaires républicaines ont eu lieu le 6 août à Cleveland (Ohio). Ils étaient organisés par la chaîne de télévision Fox News et ont été diffusés en direct. Il faut parler de débats au pluriel puisqu’ils étaient au nombre de deux. Étant donné le nombre très élevé de candidats (17), Fox News avait en effet décidé de répartir les candidats en deux groupes en fonction de leur position dans les sondages. Seuls les dix candidats les mieux classés ont eu le droit de participer au grand débat diffusé en prime-time (à 21h, heure locale). Les sept autres candidats se sont exprimés lors d’un premier débat, rapidement baptisé Happy Hour Debate, et ayant lieu plus tôt dans la journée (à 17h, heure locale). Compte-rendu de ces deux débats.
NB : Par compte-rendu, nous n’entendons pas vous retranscrire l’entièreté des débats mais vous proposer une sélection des propos que nous jugeons avoir été les plus intéressants et/ou significatifs et/ou ceux qui ont été largement repris et commentés par la presse américaine. Il s’agit donc d’une sélection subjective, même si elle se veut la plus objective possible.
HAPPY HOUR DEBATE
Participants : Rick Perry, Rick Santorum, Bobby Jindal, Carly Fiorina, Lindsey Graham, George Pataki, Jim Gilmore

Modérateurs : Bill Hemmer & Martha Maccallum
Durée du débat : environ 1h
Vainqueur : Carly Fiorina
Compte-rendu : Le débat a commencé par une première série de questions durant lesquelles les journalistes n’ont pas manqué de rappeler aux candidats présents qu’ils étaient mal classés dans les sondages. Par exemple, Bobby Jindal s’est vu rappeler qu’il n’avait pour l’instant qu’une cote de popularité d’un peu plus de 30% dans l’état de Louisiane dont il est le gouverneur. Ce à quoi il a répondu :
We got a lot of politicians that will kiss babies, cut ribbons, do whatever it takes to be popular. That’s not why I ran for office. (Nous avons beaucoup de politiciens qui embrasseront des bébés, couperont des rubans, feront tout ce qu’il faut pour être populaire. Ce n’est pas pour cela que je me suis présenté)
Carly Fiorina a quant à elle rappelé qu’au début de leurs campagnes présidentielles, personne ne pensait que Jimmy Carter, Ronald Reagan, Bill Clinton ou Barack Obama puissent l’emporter.
Les candidats ont ensuite été interrogés sur l’inévitable Donald Trump, leader de leur camp dans les sondages. Rick Perry, qui avait pris durement position contre lui cet été, a déclaré que Trump faisait campagne en jouant sur sa notoriété mais ne défendait pas de vraies valeurs conservatrices. Il a ajouté qu’il ne fallait pas voter pour quelqu’un qui ne faisait que parler mais pour quelqu’un qui avait déjà obtenu des résultats. Carly Fiorina a elle profité de cette question sur Donald Trump pour se distinguer une première fois. À la question de savoir si Donald Trump était en train de prendre le dessus, elle a répondu :
Well I don’t know. I didn’t get a phone call from Bill Clinton before I jumped in the race. […] Maybe it’s because I hadn’t given money to the foundation or donated to his wife’s Senate campaign. (Et bien je ne sais pas. Je n’ai pas reçu de coup de téléphone de la part de Bill Clinton avant de déclarer ma candidature. […] Peut-être est-ce parce que je n’avais pas donné d’argent à la fondation ou donné à la campagne de sa femme pour le Sénat)*
*La presse américaine a en effet rapporté récemment des rumeurs faisant état d’une conversation téléphonique entre Bill Clinton et Donald Trump peu avant que celui-ci ne se déclare candidat aux primaires républicaines.
Fiorina a ensuite expliqué que Trump avait du succès parce que les gens en avaient assez de la classe politique traditionnelle qui ne cessait de décevoir. Mais elle a souligné qu’il n’avait pas l’air digne de beaucoup plus de confiance puisqu’il avait changé d’avis au fil du temps sur de nombreux sujets.
Since he has changed his mind on amnesty, on health care and on abortion, I would just ask : what are the principles by which he will govern? (Puisqu’il a changé d’avis sur l’amnistie, sur les soins de santé et sur l’avortement, je demanderais simplement : quels sont les principes selon lesquels il gouvernera?)
La question de la politique étrangère et de la sécurité nationale a ensuite été largement abordée. C’est même sans doute le thème qui a été le plus longuement évoqué. Les candidats ont d’abord été interrogés sur le groupe terroriste Etat Islamique. Bobby Jindal en a profité pour attaquer Barack Obama et afficher sa volonté de combattre le groupe.
We’ve got a president who […] says we’re going to change hearts and minds. Well, you know what? Sometimes you win a war by killing murderous evil terrorists. (Nous avons un président qui dit […] que nous allons changer les cœurs et les esprits. Et bien, vous savez quoi? Parfois on gagne une guerre en tuant des terroristes meurtriers diaboliques)
Lindsey Graham, qui milite pour l’envoi de 20.000 soldats américains en Irak, a défendu sa position. Il a affirmé que la campagne aérienne menée actuellement ne permettrait pas de détruire l’Etat Islamique. Pour cela, il faut des troupes au sol et il est urgent d’agir car le groupe menace directement la sécurité des Etats-Unis. George Pataki a été dans le même sens que Graham. Il faut attaquer les terroristes avant qu’ils n’attaquent les Etats-Unis et aussi lutter contre leur capacité de recrutement sur Internet. Rebondissant sur ce sujet, les journalistes ont interrogé Carly Fiorina (qui a elle-même été à la tête d’une grande entreprise de technologie) pour savoir si elle pensait que les géants du web tels que Google devaient dévoiler les données privées de leurs clients au FBI ou aux services de renseignements. Ou bien si elle pensait, à l’instar d’un Rand Paul, que ce serait une dérive dangereuse pour les libertés. Elle a répondu qu’elle incitait les grandes compagnies à collaborer avec le gouvernement. Il faut plus de collaboration car on se rend souvent compte après une attaque que les coupables étaient déjà suspectés mais que l’on n’a pas pu avoir tous les renseignements nécessaires pour prévoir quand ils allaient passer à l’action. Pour autant, elle estime que plus de collaboration ne doit pas non plus mener à une surveillance de masse systématique de tous les citoyens américains. Elle a également ajouté qu’il fallait se préoccuper des cyberattaques menées par la Chine et la Russie.
La question de l’Iran a également été abordée. Tous les candidats ont critiqué l’accord ratifié récemment par l’administration Obama (le fameux Iran Deal). Rick Perry a profité d’une question à ce sujet pour jeter des fleurs à Carly Fiorina en déclarant :
I would a whole lot rather had Carly Fiorina over there doing our negotiation than John Kerry. (J’aurais largement préféré avoir Carly Fiorina pour négocier là-bas plutôt que John Kerry)
La même Carly Fiorina s’est encore une fois distinguée en délivrant une réponse claire et pleine de détermination sur le sujet. Elle a déclaré :
On day one in the Oval Office, I would make two phone calls. The first one would be to my good friend Bibi Netanyahu, to reassure him we will stand with the State of Israel. The second will be to the supreme leader of Iran. He might not take my phone call, but he would get the message. And the message is this : until you open every nuclear and every military facility to full, open, anytime, anywhere, for real inspections, we are going to make it as difficult as possible for you to move money around the global financial system. (Le premier jour dans le Bureau Ovale, je passerais deux coups de téléphone. Le premier serait à mon bon ami Bibi Netanyahu, pour le rassurer que nous nous tiendrons aux côtés de l’état d’Israël. Le second sera au guide suprême de l’Iran. Il ne répondra peut-être pas à mon appel, mais il aura le message. Et le message est le suivant : jusqu’à ce que vous ouvriez chaque installation nucléaire et militaire à de réelles inspections complètes, ouvertes, n’importe quand, n’importe où, nous ferons en sorte de rendre le plus difficile possible pour vous de faire circuler de l’argent dans le système financier international)
Elle a ensuite ajouté que sa seconde action serait de réunir un sommet avec les alliés arabes des Etats-Unis afin de discuter des moyens de les aider à combattre l’Etat Islamique, ce que Barack Obama n’a pas fait.
King Abdullah of Jordan, a man I’ve known for a long time, has been asking for bombs and material. We have not provided them. He has gone to China. The Kurds have been asking us to arm them for three years. We haven’t done so. The Egyptians have asked us to share intelligence. We’re not doing it. We have Arab allies […] But they need to see leadership, support and resolve from the United States of America, and we can help them defeat ISIS. (Le roi Abdallah de Jordanie, un homme que je connais depuis longtemps, a demandé des bombes et du matériel. Nous ne les avons pas fournis. Il est allé en Chine. Les Kurdes nous demandent de les armer depuis trois ans. Nous ne l’avons pas fait. Les Egyptiens nous ont demandé de partager des renseignements. Nous ne le faisons pas. Nous avons des alliés arabes […] mais ils ont besoin de voir du leadership, du soutien et de la détermination de la part des Etats-Unis d’Amérique, et nous pouvons les aider à vaincre l’Etat Islamique)
À noter que Fiorina n’a donc pas ouvertement déclaré être favorable à l’envoi de troupes américaines au sol (même si la question ne lui a pas directement été posée). Elle semble plutôt vouloir fournir davantage de soutien aux alliés afin qu’ils combattent eux-mêmes l’organisation terroriste. Lindsey Graham est d’ailleurs revenu sur les propos de Fiorina en disant qu’il ne suffirait pas de compter sur les alliés mais qu’il fallait envoyer des troupes sur place.
Autre sujet abordé : celui de l’immigration. Rappelons que la question de l’immigration illégale reste un sujet très important aux Etats-Unis. 11 millions de sans-papiers vivraient aujourd’hui dans le pays. Rick Santorum a affiché une position très stricte sur le sujet. Selon lui, les Etats-Unis sont un pays où on respecte les lois. Il n’est donc pas question d’accorder une quelconque amnistie aux immigrés arrivés clandestinement. Il a annoncé vouloir mettre en place un plan nommé pro-worker immigration plan visant à réduire l’immigration de 25%. Le but est de protéger les travailleurs américains qui seraient les premières victimes de la concurrence déloyale des travailleurs immigrés non-qualifiés. Rick Perry a quant à lui déclaré être le candidat le plus apte à gérer la question de l’immigration puisqu’il a eu à gérer pendant quatorze ans la frontière de 1200 miles qui sépare le Texas du Mexique. Il dit vouloir mettre les moyens nécessaires en troupes et en technologie pour pouvoir surveiller l’entièreté de la frontière 7j/7 et 24h/24.
Les candidats ont également été interrogés au sujet de l’économie et notamment des aides sociales. Rick Santorum, se posant toujours en défenseur des travailleurs américains, a déclaré qu’il fallait prendre des mesures contre l’assistanat mais aussi réduire les taxes et permettre aux gens non-qualifiés de trouver un emploi. Pour cela, il veut relancer l’industrie manufacturière. Pour Jim Gilmore, la solution passe avant tout par la réforme du système de taxation. Il faut diminuer les impôts afin de relancer l’économie et d’inciter les Américains à investir. Bobby Jindal s’est quant à lui fait remarquer en assimilant Obama et Clinton à des socialistes.
They’re [Obama and Clinton] working hard to change the American dream into the European nightmare. They do celebrate more dependence on the government. Give Bernie Sanders credit. At least he’s honest enough to call himself a socialist. Barack Obama, Hillary Clinton, they’re no better. (Ils [Obama et Clinton] travaillent dur pour changer le rêve américain en cauchemar européen. Ils célèbrent plus de dépendance vis-à-vis du gouvernement. Reconnaissons cela à Bernie Sanders. Au moins il est suffisamment honnête pour se définir comme un socialiste. Barack Obama, Hillary Clinton, ils ne sont pas mieux)
Enfin, les questions du mariage homosexuel et de l’avortement ont également été brièvement évoquées. En raison de la récente décision de la Cour Suprême ayant eu pour effet de légaliser le mariage homosexuel dans tout le pays, Bobby Jindal et Rick Santorum ont déclaré vouloir mettre en place des mesures garantissant la liberté religieuse dès leur arrivée au pouvoir.
So Christian business owners and individuals don’t face discrimination for having a traditional view of marriage. (Pour que les chefs d’entreprise et les individus chrétiens ne fassent pas face à des discriminations pour avoir une vision traditionnelle du mariage), dixit Bobby Jindal.
Concernant l’avortement, c’est surtout George Pataki qui a été interrogé. Les journalistes l’ont présenté comme le seul candidat républicain favorable à l’avortement, ce qu’il a nié. Il a déclaré être catholique et donc personnellement opposé à l’avortement, tout en pensant que celui-ci étant légal dans le pays depuis 42 ans, il était inutile de continuer à essayer de revenir sur cet état de fait. Par contre, il a déclaré vouloir faire passer une loi pour interdire la pratique au-delà de vingt semaines de grossesse, limite à partir de laquelle un fœtus serait capable de ressentir la douleur selon certains scientifiques.
La dernière question posée par les journalistes a été de demander aux candidats de décrire Hillary Clinton, leader du camp adverse, en deux mots. Voici leurs réponses :
Pataki : Divisive and with no vision at all. (Qui crée la division et sans vision)
Fiorina : Not trustworthy. No accomplishment. (Pas digne de confiance. Pas de réussite)
Santorum : Secretive and untrustworthy. (Secrète et pas digne de confiance)
Perry : Let’s go with three : good at email. (Allons-y en trois mots : bonne en email)
Jindal : socialist and government dependent. (Socialiste et dépendante du gouvernement)
Graham : Not the change we need at a time we need it. (Pas le changement dont nous avons besoin à un moment où nous en avons besoin)
Gilmore : Professional politician that cannot be trusted. (Politicienne professionnelle à qui on ne peut pas faire confiance)
Enfin, chaque candidat a eu le droit de délivrer un closing statement. Rick Perry y a insisté sur son bilan en tant que gouverneur du Texas. Il a déclaré que ces huit dernières années, le Texas avait créé 1,5 millions d’emplois alors que le pays en avait perdu 400.000. Ou encore que le Texas était devenu l’état où le plus d’Hispaniques et d’Afro-américains obtiennent un diplôme. Il a voulu terminer sur une note d’espoir : ce qui a été fait au Texas, on peut le faire au niveau national. Rick Santorum a surtout insisté sur sa volonté de défendre les travailleurs américains. Bobby Jindal a glissé un petit tacle à Jeb Bush, qu’il considère certainement comme un candidat trop modéré.
Jeb Bush says we’ve got to be willing to lose the primary in order to win the general. Let me translate that for you. That’s the establishment telling us to hide our conservative principles to get the left and the media to like us. That never works. If we do that again, we will lose again, we will deserve to lose again. (Jeb Bush dit que nous devons être disposés à perdre la primaire afin de gagner l’élection générale. Laissez-moi traduire cela pour vous. C’est l’establishment qui nous dit de cacher nos principes conservateurs pour que la gauche et les médias nous apprécient. Cela ne fonctionne jamais. Si nous faisons de nouveau cela, nous perdrons de nouveau, nous mériterons de perdre à nouveau)
Il a ensuite donné l’exemple de l’immigration où il ne faut pas hésiter à dire les choses :
We must insist on assimilation. Immigration without assimilation is invasion. (Nous devons insister sur l’assimilation. L’immigration sans assimilation est une invasion)
Les immigrés doivent venir légalement, apprendre l’anglais, adopter les valeurs du pays et travailler.
Carly Fiorina est encore apparue très sûre d’elle :
I am not a member of the political class. I am a conservative. I can win this job. I can do this job. (Je ne suis pas membre de la classe politique. Je suis une conservatrice. Je peux gagner ce job. Je peux faire ce job)
Lindsey Graham est encore une fois revenu à son mot d’ordre :
We need somebody ready to be commander-in-chief on day one. (Nous avons besoin de quelqu’un prêt à être commandant en chef dès le premier jour)
George Pataki a insisté sur le fait qu’il s’était imposé dans un état traditionnellement démocrate et avait réussi à y mettre en place des mesures efficaces en collaboration avec une législature démocrate. Par exemple, l’état de New York est passé d’état le plus dangereux du pays au quatrième état le plus sûr du pays durant la période où il en a été le gouverneur. Enfin, Jim Gilmore a également insisté sur son bilan.
L’après-débat : Ce débat entre candidats à la traîne dans les sondages était bien sûr bien moins attendu que le grand débat qui a suivi entre les dix favoris. Il n’était cependant pas dépourvu d’importance pour les participants qui pouvaient espérer qu’une bonne performance leur permette de grimper dans les sondages et de participer au prochain « grand débat » (qui aura lieu en septembre et sera organisé par CNN). Tous les observateurs s’accordent pour dire qu’à ce petit jeu, c’est Carly Fiorina qui a été la plus convaincante. Elle s’était apparemment très bien préparée et elle a paru sérieuse et fluide. Juste après le débat, Fox News a organisé un sondage sur Twitter et 83% des personnes interrogées estimaient que Fiorina était la vainqueure du débat. Bien sûr, tous les téléspectateurs ne possèdent pas un compte Twitter et ce sondage a donc ses limites. Mais tous les analystes politiques semblent être eux aussi d’accord pour dire que Fiorina a été la meilleure.

Interrogée après le débat par la presse sur ses espoirs de se qualifier pour le prochain grand débat de CNN, elle a déclaré :
Everybody here can admit it : when I announced my candidacy on May 4, you didn’t think I would have come this far. So I’m just going to keep doing what I’m doing. (Tout le monde ici peut l’admettre : lorsque j’ai annoncé ma candidature le 4 mai, vous ne pensiez pas que j’irais aussi loin. Donc je vais juste continuer de faire ce que je fais)
PRIME-TIME DEBATE
Participants : Donald Trump, Jeb Bush, Scott Walker, Mike Huckabee, Ben Carson, Ted Cruz, Marco Rubio, Rand Paul, Chris Christie, John Kasich

Modérateurs : Megyn Kelly, Chris Wallace & Brett Baier
Durée du débat : 2h
Vainqueur : Pas de grand vainqueur clairement identifié
Compte-rendu : La soirée a commencé sur les chapeaux de roue puisque d’entrée de jeu, Donald Trump a refusé de s’engager à soutenir le candidat qui remporterait les primaires et à ne pas se présenter en tant que candidat indépendant. Les journalistes avaient en effet choisi de débuter la soirée en demandant aux candidats qui n’étaient pas prêts à prendre un tel engagement de lever la main. Donald Trump est le seul à l’avoir fait. Rand Paul a tout de suite tenté de l’attaquer en suggérant que s’il n’était pas prêt à prendre un tel engagement, c’est qu’il ne voyait peut-être pas tellement d’objection à une victoire d’Hillary Clinton. Mais les journalistes ont rapidement mis fin à l’affrontement entre les deux hommes.
Le débat a ensuite véritablement commencé et comme lors du Happy Hour Debate, les journalistes ont poussé les candidats dans leurs retranchements afin de savoir s’ils se sentaient vraiment légitimes pour devenir président. À commencer par Ben Carson auquel il a été reproché d’avoir déclaré récemment qu’il avait beaucoup à apprendre sur la politique étrangère. Il s’est défendu en disant qu’au-delà de l’expérience, le plus important était « d’avoir un cerveau » et de pouvoir apprendre rapidement. Marco Rubio a quant à lui déclaré que le CV ne devait pas être le seul critère de l’élection.
It’s important to be qualified. But if this election is a resume competition, then Hillary Clinton’s gonna be the next president because she’s been in office and in government longer than anybody else running here tonight. (Il est important d’être qualifié. Mais si cette élection est une compétition de CV, alors Hillary Clinton sera la prochaine présidente parce qu’elle a été au pouvoir et au gouvernement pendant plus longtemps que n’importe qui présent ici ce soir)
Jeb Bush a été rapidement interrogé sur son statut de membre d’une « dynastie » politique. Le journaliste qui l’interrogeait lui a rappelé que certains de ses adversaires avaient même déclaré lors de meetings que le pays n’avait pas besoin d’un autre Bush à la Maison Blanche. Sa réponse :
I’m gonna have to earn this. Maybe the barrier – the bar’s even higher for me. That’s fine. I’ve got a record in Florida. I’m proud of my dad, and I’m certainly proud of my brother. In Florida, they called me Jeb because I earned it. (Je vais devoir gagner cette élection. Peut-être que la barrière – la barre est encore plus haute pour moi. C’est bien. J’ai un bilan en Floride. Je suis fier de mon père, et je suis évidemment fier de mon frère. En Floride, ils m’appellaient Jeb parce que je l’avais gagné)
Il a ensuite évoqué son bilan en Floride, notamment le fait d’avoir réduit les impôts et créé 1,3 millions d’emplois.
Le premier véritable grand sujet abordé fut celui de l’immigration. C’est Jeb Bush qui a été interrogé en premier en raison de sa position jugée modérée sur la question. On lui a demandé s’il était toujours d’accord avec une déclaration qu’il avait faite l’an dernier concernant les immigrants illégaux : « They broke the law, but it’s not a felony. It’s an act of love. It’s an act of commitment to your family » (Ils ont enfreint la loi, mais ce n’est pas un crime. C’est un acte d’amour. C’est un acte d’engagement envers sa famille).
Réponse du principal intéressé :
I do. I believe that the great majority of people coming here illegally have no other option. They want to provide for their family. (Oui. Je crois que la grande majorité des gens qui viennent ici illégalement n’ont pas d’autre option. Ils veulent subvenir aux besoins de leur famille)
Il a également rappelé être favorable à ce que les illégaux déjà présents aux Etats-Unis puissent obtenir un statut légal sous certaines conditions.
Not amnesty, earned legal status, which means you pay a fine and do many things over an extended period of time. (Pas une amnistie, mais un statut légal gagné, ce qui signifie que vous payez une amende et que vous faites un certain nombre de choses sur une période de temps prolongée)
Les journalistes ont ensuite interrogé Donald Trump et lui ont demandé s’il voulait bien partager les preuves qu’il a dit détenir et qui prouveraient que le gouvernement mexicain envoie volontairement des criminels à la frontière avec les Etats-Unis. Trump n’a pas présenté de preuves concrètes mais a réitéré ses propos. Voici sa déclaration :
Border Patrol. I was at the border last week. Border Patrol, people that I deal with, that I talk to, they say this is what’s happening. Because our leaders are stupid. Our politicians are stupid. And the Mexican government is much smarter, much sharper, much more cunning. And they send the bad ones over because they don’t want to pay for them. They don’t want to take care of them. Why should they when the stupid leaders of the United States will do it for them? And that’s what is happening whether you like it or not. (Les gardes-frontières. J’étais à la frontière la semaine dernière. Les gardes-frontières, les gens dont je m’occupe, les gens avec qui je parle, ils disent que c’est ce qu’il se passe. Parce que nos leaders sont stupides. Nos politiciens sont stupides. Et le gouvernement mexicain est plus intelligent, plus malin, beaucoup plus rusé. Et ils envoient les mauvais parce qu’ils ne veulent pas payer pour eux. Ils ne veulent pas prendre soin d’eux. Pourquoi devraient-ils quand les leaders stupides des Etats-Unis le font pour eux? Et c’est ce qu’il se passe que cela vous plaise ou non)
On peut peut-être s’étonner qu’aucun des autres candidats n’ait voulu intervenir pour répondre à ces affirmations. Marco Rubio, interrogé un peu plus tard, a tout de même tenu à préciser qu’aujourd’hui, la majorité des immigrés traversant la frontière n’étaient plus mexicains mais venaient du Guatemala, du Salvador ou du Honduras. Il a aussi dit être favorable à la construction d’un mur mais accompagnée d’autres mesures, telles qu’un entry-exit tracking system (autrement dit, un système de contrôle permettant de savoir qui pénètre sur le territoire américain). Il a aussi laissé sous-entendre qu’il fallait rendre plus attractive l’immigration légale. Il dit en effet avoir reçu des témoignages de personnes qui effectuent les démarches nécessaires pour entrer aux Etats-Unis légalement depuis de nombreuses années sans jamais en recevoir l’autorisation.
Deuxième grand sujet abordé : le terrorisme et la sécurité nationale. On a alors assisté à l’un des moments les plus mémorables du débat. Un vif échange a opposé Chris Christie et Rand Paul concernant les écoutes téléphoniques de masse pratiquées par la NSA. Rappelons que Rand Paul a fait de l’arrêt de ces écoutes systématiques l’un de ses combats prioritaires. Il a récemment fait un filibuster de plus de dix heures au Sénat pour s’opposer à la reconduction du Patriot Act (la loi qui permet la pratique de ces écoutes). Chris Christie avait été à l’époque très critique vis-à-vis de l’action de Rand Paul car selon lui, les écoutes sont indispensables pour empêcher une nouvelle attaque terroriste sur le sol américain. Voici la retranscription de l’échange musclé entre les deux hommes :
Megyn Kelly : Governor Christie. You’ve said that Senator Paul’s opposition to the NSA’s collection of phone records has made the United States weaker and more vulnerable, even going so far as to say that he should be called before Congress to answer for it if we should be hit by another terrorist attack. Do you really believe you can assign blame to Senator Paul just for opposing the bulk collection of people’s phone records in the event of a terrorist attack? (Gouverneur Christie. Vous avez déclaré que l’opposition du Sénateur Paul à la collecte d’archives téléphoniques par la NSA a rendu les Etats-Unis plus faibles et plus vulnérables, allant même jusqu’à dire qu’il devrait être appelé à en répondre devant le Congrès si nous devions être touchés par une autre attaque terroriste. Croyez-vous vraiment que vous puissiez attribuer la responsabilité d’une attaque terroriste au Sénateur Paul juste pour s’être opposé à la collecte de la majeure partie des archives téléphoniques des citoyens?)
Christie : Yes, I do. […] I was appointed U.S. attorney by President Bush on September 10th, 2001, and the world changed enormously the next day. And that happened in my state. This is not theoretical to me. I went to the funerals. We lost friends of ours in the Trade Center that day. My own wife was two blocks from the Trade Center that day […] And I will make no apologies, ever, for protecting the lives and the safety of the American people. We have to give more tools to our folks to be able to do that, not fewer, and then trust those people and oversee them to do it the right way. As president, that is exactly what I’ll do. (Oui, je le crois. […] J’ai été nommé procureur par le Président Bush le 10 septembre 2001 et le monde a énormément changé le jour suivant. Et cela s’est passé dans mon état. Ce n’est pas théorique pour moi. Je suis allé aux funérailles. Nous avons perdu des amis dans le World Trade Center ce jour-là. Ma propre femme était à deux blocs du World Trade Center ce jour-là. […] Et je ne ferai jamais d’excuses, jamais, pour protéger les vies et la sécurité des citoyens américains. Nous devons donner plus d’outils à nos gars pour être capable de faire cela, pas moins, et puis faire confiance à ces gens et les surveiller pour qu’ils le fassent de la bonne manière. En tant que président, c’est exactement ce que je ferai)
Paul : Megyn, may I respond? (Megyn, puis-je répondre?)
Megyn Kelly : Go ahead, sir (Allez-y)
Paul : I want to collect more records from terrorists, but less records from innocent Americans. The Fourth Amendment was what we fought the Revolution over ! John Adams said it was the spark that led to our war for independence. And I’m proud of standing for the Bill of Rights. And I will continue to stand for the Bill of Rights. (Je veux rassembler plus d’enregistrements de terroristes, mais moins d’enregistrements d’américains innocents. Le quatrième amendement est ce pour quoi nous nous sommes battus pendant la Révolution ! John Adams a dit que c’était l’étincelle qui a guidé notre guerre d’indépendance. Et je suis fier de défendre le Bill of Rights. Et je continuerai de défendre le Bill of Rights)
Christie : That’s a completely ridiculous answer. « I want to collect more records from terrorists, but less records from other people. » How are you supposed to know, Megyn? (C’est une réponse complètement ridicule. « Je veux rassembler plus d’enregistrements de terroristes, mais moins d’enregistrements d’autres personnes ». Comment êtes-vous supposé savoir, Megyn?)
Paul : Use the Fourth Amendment ! (Utilisez le quatrième amendement !)
Christie : What are you supposed to… (Qu’êtes-vous supposés…)
Paul : Use the Fourth Amendment ! (Utilisez le quatrième amendement !)
Christie : How are you supposed to – no, I’ll tell you how you, look… (Comment êtes-vous supposés – non, je vais vous dire comment, regardez…)
Paul : Get a warrant ! (Obtenez un mandat !)
Christie : Let me tell you something, you go… (Laissez-moi vous dire quelque chose, vous allez…)
Paul : Get a judge to sign the warrant ! (Cherchez un juge pour signer le mandat !)
Christie : When you – you know, Senator… (Quand vous – vous savez, Sénateur…)
Megyn Kelly : Governor Christie, make your point (Gouverneur Christie, dites ce que vous avez à dire)
Christie : Listen Senator, you know, when you’re sitting in a subcommittee just blowing hot air about this, you can say things like that. When you’re responsible for protecting the lives of the American people, then what you need to do is to make sure… (Ecoutez Sénateur, vous savez, lorsque vous siégez dans un sous-comité en brassant de l’air à propos de tout cela, vous pouvez dire des choses comme ça. Quand vous êtes responsables de la protection de la vie des citoyens américains, alors ce que vous devez faire est vous assurer…
Paul : See, here’s the problem (Vous voyez, voilà le problème)
Christie : Is to make sure that you use the system the way it’s supposed to work (Vous assurer que vous utilisez le système de la façon dont il est supposé fonctionner)
Paul : Here’s the problem, Governor. You fundamentally misunderstand the Bill of Rights. Every time you did a case, you got a warrant from a judge. I’m talking about searches without warrants… (Voilà le problème, Gouverneur. Vous interprétez fondamentalement mal le Bill of Rights. Chaque fois que vous avez eu une affaire, vous avez obtenu un mandat d’un juge. Je parle des écoutes sans mandat…)
Christie : There is no (Il n’y en a pas)
Paul : Indiscriminately, of all Americans’ records. And that’s what I fought to end. I don’t trust President Obama with our records. I know you gave him a big hug, and if you want to give him a big hug again, go right ahead ! (Sans distinction, de tous les américains. Et c’est pour mettre fin à cela que je me suis battu. Je ne fais pas confiance au Président Obama avec nos enregistrements. Je sais que vous lui avez fait une grosse accolade, et si vous voulez encore lui faire une grosse accolade, allez-y !)*
Christie : And you know, you know Senator Paul? Senator Paul, you know, the hugs that I remember are the hugs that I gave to the families who lost their people on September 11th. Those are the hugs I remember. And those had nothing to do – and those had nothing to do with politics, unlike what you’re doing by cutting speeches on the floor of the Senate, then putting them on the Internet within half an hour to raise money for your campaign and still putting our country at risk. (Et vous savez, vous savez Sénateur Paul? Sénateur Paul, vous savez, les accolades dont je me souviens sont les accolades que j’ai données aux familles qui ont perdu leurs proches le 11 septembre. Ce sont les accolades dont je me souviens. Et elles n’avaient rien à voir – elles n’avaient rien à voir avec la politique, contrairement à ce que vous faites en coupant des discours au Sénat, puis en les mettant sur Internet dans la demi-heure pour récolter de l’argent pour votre campagne et en mettant notre pays en péril).
*Paul faisait ici référence à l’accolade amicale qu’avait donnée Chris Christie au Président Obama en 2012 lorsque celui-ci s’était déplacé dans le New Jersey suite au passage de la tempête Sandy. L’accolade avait à l’époque valu de nombreuses critiques à Chris Christie car l’élection présidentielle qui allait opposer Barack Obama à Mitt Romney avait lieu six jours plus tard.
Concernant l’Etat Islamique, c’est Ted Cruz qui s’est distingué par une position très ferme vis-à-vis des terroristes. Il veut que tout américain partant au Moyen-Orient rejoindre les rangs de l’Etat Islamique soit définitivement privé de sa nationalité et ne puisse donc pas rentrer aux Etats-Unis.
What we need is a commander-in-chief that makes clear that if you join ISIS, if you wage jihad on America, then you are signing your death warrant. (Ce dont nous avons besoin est d’un commandant en chef qui dise clairement que si vous rejoignez l’Etat Islamique, si vous menez le jihad contre l’Amérique, alors vous signez votre arrêt de mort)
Les journalistes ont aussi interrogé Jeb Bush sur la guerre en Irak déclenchée par son frère. Il a répété que vu ce que l’on savait aujourd’hui, cette guerre avait été une erreur. Mais il a ensuite dit que Barack Obama « avait abandonné l’Irak » et que le retrait des troupes d’Irak avait permis la progression de l’Etat Islamique. Donald Trump a quant à lui tenu à ajouter qu’il était le seul présent sur le plateau à avoir dit dès 2004 que la guerre en Irak était une erreur qui allait déstabiliser le Moyen-Orient.
Concernant l’Iran, tous les candidats ont confirmé leur opposition à l’Iran Deal ratifié par la Maison Blanche. Scott Walker s’est engagé à le supprimer et à rétablir les sanctions contre l’Iran. Rand Paul s’est dit opposé à l’accord mais pas au principe même des négociations avec l’Iran. Il a rappelé que Reagan lui-même avait négocié avec les soviétiques. Mais il faut négocier en position de force. Or il estime que dans ce cas-ci, le deal est mauvais car Barack Obama a trop vite fait confiance aux Iraniens, sans exiger suffisamment de garanties de leur part. Mike Huckabee a lui aussi vivement critiqué l’accord.
What the Iranians have said is « we will wipe Israel off the face of the map and we will bring death to America ». When someone points a gun at your head and loads it, by God, you ought to take them seriously. And we need to take that seriously. (Ce que les Iraniens ont dit est « nous effacerons Israël de la carte et nous apporterons la mort à l’Amérique ». Quand quelqu’un pointe un pistolet contre votre tempe et le charge, vous devez le prendre au sérieux. Et nous devons prendre cela au sérieux)
Ce sont ensuite les questions économiques et sociales qui ont été abordées. Donald Trump a été contraint de se justifier d’avoir autrefois défendu des positions libérales, notamment concernant le système de santé, et d’avoir fait des dons à des personnalités démocrates comme Hillary Clinton. Il a alors affirmé que lorsqu’on leur prête de l’argent, les politiciens sont prêts à vous faire des faveurs. Il a d’ailleurs prétendu avoir prêté beaucoup d’argent à la plupart des gens présents sur le plateau, ce que certains ont nié*. Il a admis avoir donné de l’argent à la fondation Clinton, tout en glissant un tacle à Hillary :
I gave to a foundation that, frankly, that foundation is supposed to do good. I didn’t know her money would be used on private jets going all over the world. (J’ai donné à une fondation qui, franchement, cette fondation est supposée faire le bien. Je ne savais pas que son argent serait utilisé pour des jets privés partout à travers le monde)
* Un article du Washington Post est revenu sur cette affirmation de Trump et a démontré qu’elle était très largement fausse. Selon l’investigation des journalistes, la plupart des candidats présents sur le plateau n’ont jamais reçu le moindre dollar de Donald Trump. Il aurait uniquement donné 10,000 $ à Scott Walker et 500 $ à Jeb Bush par le passé. L’article précise aussi que concernant les sept candidats présents dans l’autre débat, Trump aurait donné 2,600 $ dans le passé à Lindsey Graham et aurait fait un don plus important de 43,500 $ à George Pataki lorsque celui-ci était gouverneur de New York, état où Trump possède de nombreux intérêts.

Les journalistes ont interrogé Chris Christie et Mike Huckabee sur leur vision de la nécessité ou non d’augmenter l’âge du départ à la retraite et de sauver la Sécurité Sociale. Les deux candidats ont en effet fait de ce sujet un point important de leur programme et n’ont pas la même vision des choses. Christie dit vouloir augmenter l’âge du départ à la retraite de deux ans en 25 ans (ce qui signifie l’augmenter d’un mois tous les ans). Cela permettra de sauver le système de sécurité sociale alors que les américains vivent de plus en plus longtemps. Mais surtout Christie a déclaré vouloir supprimer les prestations de la sécurité sociale pour les personnes gagnant plus de 200,000 dollars par an car ils n’ont pas besoin de ce revenu supplémentaire. Huckabee estime quant à lui que supprimer leur retraite à certains citoyens serait une trahison car ces gens ont cotisé comme les autres en échange de la promesse de recevoir une retraite plus tard. Huckabee estime également qu’il n’est pas nécessaire de faire ce genre de réformes pour sauver la Sécurité Sociale. Il pense pouvoir le faire uniquement avec la mise en place d’une FairTax (une taxe sur la consommation qui remplacerait l’ensemble des autres impôts existants).
One of the reasons that Social Security is in so much trouble is that the only funding stream comes from people who get a wage. The people who get wages is declining dramatically. Most of the income in this country is made by people at the top who get dividends and capital gains. (L’une des raisons pour lesquelles la Sécurité Sociale est tellement en difficulté est que son financement vient uniquement des gens qui ont un salaire. Le nombre de gens qui ont un salaire décline de façon spectaculaire. La majorité des revenus dans ce pays sont ceux des gens au sommet qui ont des dividendes et des gains du capital)
Or, avec sa FairTax sur la consommation, tout le monde cotiserait. Comme il l’a dit lui-même :
The money paid in consumption is paid by everybody, including illegals, prostitutes, pimps, drug dealers, all the people that are freeloading off the system now. (L’argent payé sur la consommation est payé par tout le monde, y compris les illégaux, les prostituées, les proxénètes, les trafiquants de drogue, tous les gens qui profitent actuellement du système)
Concernant l’avortement, Marco Rubio a assuré y être opposé en toutes circonstances alors que les journalistes l’interrogeaient sur des déclarations faites par le passé où il aurait déclaré être favorable à son autorisation dans les cas de viol ou d’inceste. Donald Trump a quant à lui dû se justifier d’avoir évolué sur la question. Il se déclarait en effet favorable à l’avortement il y a quelques années. Il a assuré avoir évolué sur la question et être aujourd’hui opposé à cette pratique.
La question du mariage homosexuel a également été brièvement abordée. Et c’est la réponse de John Kasich qui a été particulièrement remarquée. Bien que se disant personnellement opposé à la légalisation du mariage homosexuel, il a ajouté que
The court has ruled and I said we’ll accept it. And guess what? I just went to a wedding of a friend of mine who happens to be gay. Because somebody doesn’t think the way I do doesn’t mean that I can’t care about them or can’t love them. (La Cour a rendu son verdict et j’ai dit que nous l’accepterons. Et devinez quoi? Je viens de me rendre au mariage d’un ami qui est gay. Parce que quelqu’un ne pense pas comme moi ne signifie pas que je ne peux pas être attaché à eux ou les aimer)
Mike Huckabee a été interrogé sur le fait que le Pentagone ait récemment annoncé que les personnes transgenres pourraient bientôt servir dans l’armée sans avoir à cacher leur identité. Sa réponse fut sans doute la plus étrange de la soirée et a rapidement été moquée sur les réseaux sociaux. En effet, Huckabee a déclaré :
The military is not a social experiment. The purpose of the military is kill people and break things. (L’armée n’est pas une expérience sociale. La raison d’être de l’armée est de tuer des gens et de casser des choses)
Notons enfin que l’un des journalistes a demandé à Jeb Bush s’il était vrai qu’il avait traité Trump de « clown, bouffon et autre chose qui ne peut pas être répété à la télévision » comme cela avait été rapporté dans la presse. Bush a nié avoir utilisé ces mots mais a ajouté :
But I have said that Mr. Trump’s language is divisive. […] We’re not going to win by doing what Barack Obama and Hillary Clinton do each and every day. Dividing the country. Saying, creating a grievance kind of environment. We’re going to win when we unite people with a hopeful, optimistic message. (Mais j’ai dit que le langage de Mr. Trump créait la division. […] Nous n’allons pas gagner en faisant ce que Barack Obama et Hillary Clinton font tous les jours. En divisant le pays. En disant, en créant un environnement de récriminations. Nous allons gagner si nous unissons les gens avec un message plein d’espoir et optimiste)
Les candidats ont eu droit à prononcer un closing statement pour clôturer la soirée. Si la plupart d’entre eux en ont profité pour rappeler brièvement leur parcours et insister sur leur bilan pour convaincre les électeurs, Ben Carson et Mike Huckabee ont choisi d’y mettre une note d’humour. Et il faut avouer que c’était assez réussi. Ben Carson a ainsi débuté sa déclaration de la manière suivante :
Well, I haven’t said anything about me being the only one to do anything, so let me try that. I’m the only one to separate siamese twins. (Et bien, je n’ai encore rien dit à propos de moi qui serait le seul à faire quelque chose, donc laissez-moi essayer. Je suis le seul à séparer des frères siamois)
Quant à Huckabee, il a pris la parole d’un air grave :
It seems like this election has been a whole lot about a person who’s very high in the polls, that doesn’t have a clue about how to govern. A person who has been filled with scandals and who could not lead. (Il semble que cette élection tourne autour d’une personne qui est très haut dans les sondages, qui n’a aucune idée de comment on gouverne. Une personne qui a été concernée par les scandales et qui ne pourrait pas diriger)
Tout le monde pensait évidemment qu’il visait son collègue Donald Trump mais il a ensuite enchaîné en disant :
And of course, I’m talking about Hillary Clinton. (Et bien sûr, je parle d’Hillary Clinton)
Ce qui a déclenché les rires du public et même de la plupart des autres candidats.
L’après-débat : Qui a remporté ce débat tant attendu? C’est bien sûr la question que tout le monde s’est posée dans les heures qui ont suivi. Mais alors que tout le monde s’était accordé à dire que Carly Fiorina avait été la meilleure lors du premier débat, il a paru presque impossible de se mettre d’accord sur le nom du vainqueur du débat principal. Tous les analystes politiques ne sont pas d’accord entre eux sur le nom du candidat ayant été le plus performant. Néanmoins, le nom qui revient le plus souvent est celui de Marco Rubio. S’il fallait vraiment désigner un vainqueur, ce serait donc probablement lui. Presque tout le monde s’accorde également pour dire que Scott Walker (troisième dans les sondages et favori des bookmakers aux côtés de Jeb Bush) a été particulièrement décevant. Le cas de Jeb Bush fait lui débat. Certains rappellent qu’il s’agissait de son premier débat depuis des années et estiment que sa performance a été plutôt bonne. Mais d’autres estiment qu’il a au contraire été mauvais et que ce débat est un échec pour lui parce qu’il n’a pas su éclipser ses adversaires et démontrer qu’il était le leader naturel de son camp. Bref, il ne serait pas parvenu à démontrer que son statut de favori était justifié. Il semble en tout cas rester confiant puisque peu après la fin du débat, il déclarait sur Fox News :
I got an email from brother George saying « Well done, Tortoise ». That’s my new nickname because I told him I’m the tortoise in the race : slow, steady progress. Stay focused. Stay steady. Do the right thing each and every day. (J’ai reçu un email de mon frère George disant « Bien joué, Tortue ». C’est mon nouveau surnom parce que je lui ai dit que j’étais la tortue de la course : lente, en progrès constant. Rester concentré. Rester constant. Faire la bonne chose chaque jour)
Bush semble donc penser qu’en continuant à affirmer et expliquer ses positions calmement comme il l’a fait jusqu’ici, il finira par l’emporter. Le temps nous dira s’il a raison…
Dans les heures et les jours qui ont suivi le débat, on a également pu lire quelques statistiques intéressantes. Tout d’abord, le temps de parole n’a pas été égal pour tous les candidats. Chaque fois qu’un candidat était interrogé, il avait droit à 1 minute pour répondre. Lorsqu’il dépassait ce temps, une petite sonnerie retentissait. En théorie, un candidat ne pouvait donc pas monopoliser la parole plus longtemps qu’un autre. Mais tous les candidats n’ont pas été interrogés aussi souvent les uns que les autres et certains ont donc tout de même parlé plus longuement. C’est Donald Trump qui a eu le plus de temps de parole, suivi de Jeb Bush. Rand Paul est quant à lui le candidat ayant eu le moins de temps pour s’exprimer.

Le lendemain du débat, on apprenait également que celui-ci avait réuni plus de 24 millions de téléspectateurs, un record pour un débat pré-primaires ! On a aussi appris que Donald Trump avait été le candidat le plus mentionné par les internautes sur Facebook comme sur Twitter durant le débat (mentions positives et négatives réunies). Le moment ayant suscité le plus de commentaires fut le clash entre Chris Christie et Rand Paul concernant les écoutes téléphoniques. Enfin, le tweet politique le plus partagé de la soirée sur Twitter fut ce tweet du candidat démocrate Bernie Sanders.

LA POLÉMIQUE DE TROP POUR DONALD TRUMP?
Impossible de terminer cet article sans évoquer la nouvelle polémique déclenchée par Donald Trump après le débat (et directement en lien avec celui-ci).
Pour bien comprendre, il faut revenir à un épisode tendu qui l’a opposé à la journaliste Megyn Kelly durant le débat. La journaliste avait en effet choisi de lui demander de justifier certains de ses propos tenus contre des femmes. Voici la retranscription complète de cet échange dont on imaginait pas sur le moment qu’il allait avoir de telles conséquences :
Megyn Kelly : Mr. Trump. One of the things people love about you is you speak your mind and you don’t use a politician’s filter. However, that is not without its downsides, in particular when it comes to women. You’ve called women you don’t like « fat pigs », « dogs », « slobs » and « disgusting animals ». Your Twitter account… (Mr. Trump. L’une des choses que les gens apprécient chez vous est que vous dites ce que vous pensez et vous n’utilisez pas de filtre de politicien. Cependant, cela ne va pas sans ses inconvénients, en particulier en ce qui concerne les femmes. Vous avez appelé des femmes que vous n’aimiez pas « grosses cochonnes », « chiennes », « souillons » et « animaux répugnants ». Votre compte Twitter…
Trump interrrompt la journaliste pour dire : Only Rosie O’Donnell* (Seulement Rosie O’Donnell)
*Rosie O’Donnell est une comédienne et animatrice de télévision américaine. Une vieille querelle l’oppose à Donald Trump. Tout aurait commencé en 2006 après qu’elle ait critiqué la décision de Trump de ne pas retirer sa couronne à une Miss USA qui venait d’être convaincue d’usage de drogues. Elle avait alors aussi déclaré que Donald Trump n’était pas, contrairement à ce qu’il prétend, un self-made man et avait critiqué la manière dont il menait sa vie privée. Depuis, ils s’insultent réciproquement de manière régulière (notamment via Twitter) et cette querelle est bien connue du grand public américain.
Megyn Kelly : No, it wasn’t. For the record, it was well beyond Rosie O’Donnell. Your Twitter account has several disparaging comments about women’s looks. You once told a contestant on Celebrity Apprentice it would be a pretty picture to see her on her knees. Does that sound to you like the temperament of a man we should elect as president? And how will you answer the charge from Hillary Clinton, who was likely to be the Democratic nominee, that you are part of the war on women? (Non. Cela allait bien au-delà de Rosie O’Donnell. Votre compte Twitter contient plusieurs commentaires désobligeants sur les looks des femmes. Vous avez un jour dit à une candidate de Celebrity Apprentice que ce serait beau de la voir à genoux. Est-ce que tout cela vous semble être le tempérament d’un homme que nous devrions élire comme président? Et comment répondrez-vous à l’accusation d’Hillary Clinton, qui sera sans doute la candidate démocrate, que vous participez à la guerre contre les femmes?
Trump : I think the big problem this country has is being politically correct. I’ve been challenged by so many people and I don’t frankly have time for total political correctness. And to be honest with you, this country doesn’t have time either. This country is in big trouble. We don’t win anymore. We lose to China. We lose to Mexico both in trade and at the border. We lose to everybody. And frankly what I say, and oftentimes it’s fun, it’s kidding. We have a good time. What I say is what I say. And honestly Megyn, if you don’t like it, I’m sorry. I’ve been very nice to you, although I could probably maybe not be based on the way you have treated me. But I wouldn’t do that. But you know what? We need strength, we need energy, we need quickness and we need brain in this country to turn it around. That, I can tell you right now. (Je pense que le gros problème de ce pays est d’être politiquement correct. J’ai été défié par tellement de personnes et je n’ai franchement pas le temps pour une conformité politique totale. Et pour être honnête avec vous, ce pays n’a pas le temps non plus. Ce pays a de gros problèmes. Nous ne gagnons plus. Nous perdons face à la Chine. Nous perdons face au Mexique en commerce et à la frontière. Nous perdons face à tout le monde. Et franchement ce que je dis, souvent c’est drôle, c’est pour plaisanter. On passe un bon moment. Ce que je dis est ce que je dis. Et honnêtement Megyn, si vous ne l’appréciez pas, je suis désolé. J’ai été très gentil avec vous, même si je pourrais probablement ne pas l’être vu la façon dont vous m’avez traité. Mais je ne ferais pas ça. Mais vous savez quoi? Nous avons besoin de force, nous avons besoin d’énergie, nous avons besoin de rapidité, et nous avons besoin d’intelligence dans ce pays pour le transformer. Ça, je peux vous le dire maintenant)
Après cet échange, le débat a continué tout à fait normalement mais Donald Trump semble être rancunier. En effet, quelques heures après la fin du débat, il publiait plusieurs tweets critiquant les journalistes de Fox News en général et Megyn Kelly en particulier.


Et le lendemain du débat, il déclarait lors d’une interview sur CNN à propos de l’incident avec Megyn Kelly :
She starts asking me all sorts of ridiculous questions. You could see there was blood coming out of her eyes, blood coming out of her… wherever. (Elle commence à me poser toutes sortes de questions ridicules. On pouvait voir qu’il y avait du sang qui sortait de ses yeux, du sang qui sortait de son… peu importe où)
Ce nouveau commentaire douteux a fait scandale et d’autres candidats républicains se sont même mis à réagir pour condamner Donald Trump. Carly Fiorina a été la toute première à s’offusquer en publiant les deux messages suivants sur Twitter.


D’autres candidats lui ont ensuite emboîté le pas.



Jeb Bush a lui aussi dénoncé les propos de Trump lors d’une conférence. Il a posté deux vidéos à ce sujet sur son compte Twitter. Dans la première vidéo, il déclare qu’en s’en prenant aux femmes, Trump insulte 53% des électeurs américains. Il dit que ce n’est ni la manière de rassembler les gens ni de résoudre les problèmes et que Donald Trump devrait s’excuser. Dans la seconde vidéo, Bush déclare que « certains se sont plaints que les questions posées lors du débat étaient trop difficiles. Si cela est difficile, que dire des négociations avec Poutine? »
La guerre semble donc désormais bien déclarée entre Trump et la plupart de ses adversaires. D’autant plus que Donald Trump s’en est ensuite pris à Carly Fiorina qui avait été la première à le critiquer. Il a publié ce tweet à son sujet.

Quelques jours plus tard, c’est Rand Paul (resté relativement silencieux jusque-là mais qui avait été le seul à véritablement essayer de s’en prendre à Trump lors du débat avant d’être rapidement coupé par les journalistes) qui a publié une tribune peu élogieuse à l’encontre de Trump. En voici quelques extraits :
I honestly have no idea what Mr. Trump’s real philosophy is. He was liberal before he was conservative, and has openly professed for decades that his views are those of a Democrat. In 1990, he said if he ever ran for office, he’d do better as a Democrat. He became an independent briefly in 1999 before he switched back to registering as a Democrat. In 2004, he identified more of his beliefs as those of a Democrat, especially on economic policy, stating on CNN that « it just seems that the economy does better under the Democrats than the Republicans ». He only registered as a Republican in 2009 before dropping the party again in 2011, only to re-register in 2012. (Je n’ai honnêtement aucune idée de ce qu’est la vraie philosophie de Mr. Trump. Il était libéral avant d’être conservateur, et a proclamé ouvertement pendant des décennies que ses opinions étaient celles d’un Démocrate. En 1990, il a dit que s’il devait un jour se présenter à une élection, il le ferait sans doute en tant que Démocrate. Il est devenu brièvement indépendant en 1999 avant de revenir en arrière et de s’inscrire à nouveau comme Démocrate. En 2004, il a identifié la plupart de ses croyances à celles d’un Démocrate, en particulier concernant la politique économique, disant sur CNN que « il semble simplement que l’économie se porte mieux sous les Démocrates que sous les Républicains ». Il s’est inscrit comme Républicain seulement en 2009 avant de laisser à nouveau tomber le parti en 2011, et de se réinscrire en 2012)
We don’t need a bully, and we don’t need another President who thinks he is King. We certainly don’t need someone who has driven his companies into bankruptcy four times yet smugly tells us he uses our nation’s Chapter 11 laws to his own personal advantage. All well and good for him – but what of the creditors and vendors he defaulted on? (Nous n’avons pas besoin d’une brute, et nous n’avons pas besoin d’un autre président qui pense être le roi. Nous n’avons certainement pas besoin de quelqu’un qui a conduit ses compagnies à la faillite à quatre reprises et qui nous dit encore d’un air suffisant qu’il utilise les lois de notre nation à son propre avantage personnel. Très bien et tant mieux pour lui – mais que fait-on des créanciers et des vendeurs qu’il n’a pas payés?)
Trump n’a bien sûr pas manqué de répliquer en publiant un nouveau tweet incendiaire.

Tout cela promet une bonne ambiance lors du prochain débat. Rendez-vous le 16 septembre sur CNN.