Le président Obama a dominé l’actualité politique de la semaine, en raison de son allocution lors de l’Assemblée Générale des Nations Unies et de sa réaction suite à une nouvelle fusillade de masse en Oregon. Décryptage de tout ceci (et bien plus encore) dans notre huitième Weekly News Flash.
LES DISCOURS DE LA SEMAINE
Les discours de la semaine sont ceux prononcés par Barack Obama et Vladimir Poutine devant l’Assemblée Générale des Nations Unies, à New York. Les discours respectifs du président américain et du président russe ont mis en évidence leur vision diamétralement opposée concernant la gestion du conflit syrien et la nécessité ou non de s’allier au président syrien Bachar El-Assad pour combattre l’Etat Islamique.
Pour Vladimir Poutine, l’Etat Islamique est l’ennemi prioritaire et toutes les nations devraient s’unir pour le combattre. Il a même comparé cette lutte contre l’organisation terroriste à celle ayant eu lieu contre les Nazis.
Similar to the anti-Hitler coalition, it could unite a broad range of forces that are resolutely resisting those who, just like the Nazis, sow evil and hatred of humankind. And, naturally, the Muslim countries are to play a key role in the coalition, even more so because the Islamic State does not only pose a direct threat to them but also desecrates one of the greatest world religions by its bloody crimes. (Tout comme la coalition anti-Hitler, cela pourrait unir un large éventail de forces qui résisteraient résolument à ceux qui, tout comme les Nazis, disséminent le mal et la haine de l’humanité. Et, naturellement, il faut que les pays musulmans jouent un rôle clé dans la coalition, d’autant plus que l’Etat Islamique ne pose pas seulement une menace directe pour eux, mais profane aussi l’une des plus grandes religions du monde par ses crimes sanglants)
Or, toujours d’après Poutine, le régime d’Assad est aujourd’hui la seule force qui combat véritablement l’Etat Islamique. Il faut donc lui venir en aide et ceux qui refusent de le faire commettent une « énorme erreur ». Poutine a également accusé les Etats-Unis d’être les responsables du chaos actuel au Moyen-Orient, en raison de leur intervention en Irak en 2003.
Barack Obama, qui avait pris la parole une heure avant son homologue russe, a quant à lui indiqué que Bachar El-Assad est un « tyran » auquel la Russie a tort de venir en aide. Il pense qu’il faut à la fois combattre l’Etat Islamique et le régime d’Assad. La critique que l’on peut évidemment faire à Obama (et que beaucoup de ses opposants n’hésitent d’ailleurs pas à lui faire) est qu’il ne donne pas l’impression de savoir comment s’y prendre pour y parvenir efficacement.
Obama n’a pas seulement parlé de la situation en Syrie. Il a aussi insisté sur la nécessité de toujours privilégier le dialogue au conflit, comme son administration l’a fait avec l’Iran et Cuba.
If we cannot work together more effectively, we will all suffer the consequences. That is true for the United States as well. (Si nous ne parvenons pas à travailler ensemble plus efficacement, nous en payerons tous les conséquences. Cela est vrai également pour les Etats-Unis)
Il a également déclaré que si elle ne devait pas être imposée par la force, la démocratie devait être encouragée partout dans le monde. Il a critiqué les régimes autoritaires qui contrôlent la presse et emprisonnent les dissidents politiques.
Repression cannot forge the social cohesion for nations to succeed. The history of the last two decades proves that in today’s world, dictatorships are unstable. The strongmen of today become the spark of revolution tomorrow. You can jail your opponents, but you can’t imprison ideas. You can try to control access to information, but you cannot turn a lie into truth. (La répression ne peut pas forger la cohésion sociale dont les nations ont besoin pour réussir. L’histoire des deux dernières décennies prouve que dans le monde d’aujourd’hui, les dictatures sont instables. Les hommes forts d’aujourd’hui deviennent le déclencheur de la révolution de demain. Vous pouvez mettre vos opposants en prison, mais vous ne pouvez pas emprisonner des idées. Vous pouvez essayer de contrôler l’accès à l’information, mais vous ne pouvez pas transformer un mensonge en vérité)
Après leurs discours, les deux présidents se sont retrouvés assis côte à côté lors d’un déjeuner réunissant plusieurs chefs d’état et de gouvernement. Ils ont froidement trinqué, ce qui nous a valu ce remarquable cliché.
Les deux présidents se sont ensuite retrouvés en tête-à-tête durant une heure et demie. Il s’agissait de leur première rencontre depuis deux ans. La discussion n’aurait pas été très fructueuse.
LA TRAGÉDIE DE LA SEMAINE
Ce jeudi 1er octobre, l’Amérique a une nouvelle fois été endeuillée par une fusillade de masse (mass shooting comme disent les américains). Elle a eu lieu sur le campus de l’Umpqua Community College, une université située à Roseburg, dans l’Oregon. Neuf personnes sont mortes et plusieurs autres ont été blessées. Le tireur, un jeune homme de vingt-six ans, s’est suicidé à l’arrivée de la police. C’est bien sûr loin d’être la première fusillade de ce type aux Etats-Unis et à chaque fois, le débat sur la question de la détention d’armes à feu est relancé. Nous avions déjà consacré un article à cette question suite à la fusillade de Charleston : Fusillade de Charleston : des armes et un drapeau.
Barack Obama, qui déclare depuis longtemps vouloir durcir la législation sur le port d’armes mais qui se retrouve confronté à l’opposition du Congrès dominé par les Républicains, a réagi avec exaspération à cette nouvelle tragédie. Lors d’un bref discours, il a déclaré que les prières pour les victimes ne suffisaient pas et qu’il n’était pas normal que ces tueries continuent de se produire régulièrement. Quelque peu désabusé, il a regretté qu’elles soient devenues une routine à laquelle les américains semblent être de plus en plus insensibles.
This is a political choice that we make to allow this to happen every few months in America. (C’est un choix politique que nous faisons de permettre que cela arrive tous les deux ou trois mois en Amérique)
Lors de son allocution, le président a aussi déclaré que si les américains étaient capables de mettre en œuvre, à juste titre, de grands moyens pour lutter contre le terrorisme, ils devraient aussi le faire pour que ce genre de tueries ne se reproduisent plus. Il a même lancé un défi à la presse. Celui de comparer le nombre d’américains tués par des attaques terroristes et par des homicides par armes à feu ces dernières années. Un journaliste de Vox a décidé de relever ce défi. Voici le graphique qu’il a obtenu pour la période 2001-2011 :

On comprend bien ce que le président Obama a voulu souligner. Beaucoup plus d’américains sont victimes d’un de leur propre compatriote armé que d’un acte revendiqué par une organisation terroriste. Ce que l’on constate aussi sur ce graphique, c’est que plus de 10,000 personnes sont tuées par balle chaque année aux Etats-Unis. Un chiffre considérable et bien plus élevé que dans les autres pays dits développés. Et on ne parle bien ici que des homicides auxquels on pourrait ajouter les suicides, encore bien plus nombreux. D’ailleurs, toujours d’après un calcul effectué par Vox, si l’on additionne les homicides, les suicides et les accidents, le nombre de décès par armes à feu aux Etats-Unis entre 2001 et 2013 aurait été plus important que le nombre de victimes du terrorisme, le nombre de soldats morts en Irak et en Afghanistan, le nombre de morts du SIDA et le nombre de morts d’overdose réunis.

D’après la base de données Mass Shooting Tracker, il y aurait eu 986 mass shootings aux Etats-Unis depuis janvier 2013 (une fusillade étant considérée comme mass shooting à partir du moment où quatre personnes ou plus sont blessées et/ou tuées). 1234 personnes y auraient laissé la vie et 3565 autres y auraient été blessées.
Face à ce triste constat, deux camps s’opposent. D’un côté, ceux qui pensent, comme le président Obama (ainsi qu’Hillary Clinton), qu’il existe une corrélation entre le nombre d’armes à feu en circulation dans le pays et le nombre d’homicides. Rappelons que les citoyens américains détiendraient aujourd’hui entre 270 millions et 357 millions d’armes à feu (les chiffres varient considérablement selon les sources). La logique des partisans d’un renforcement de la législation est simple : les criminels parviennent à se procurer des armes (y compris des armes de guerre) beaucoup trop facilement et il faut donc légiférer afin de leur rendre la tâche plus difficile. Face à eux, l’autre camp, celui qui refuse de légiférer davantage et qui s’appuie sur le second amendement de la Constitution qui garantit le droit à tout citoyen américain de posséder une arme. D’après eux, on ne peut pas restreindre cette liberté fondamentale du citoyen qui n’aurait alors plus les moyens de se défendre face à des criminels qui, de toute manière, trouveront un moyen de se procurer les armes qu’ils veulent (même si c’est illégal). C’est grosso modo la position du camp républicain et de tous les candidats républicains à la présidence. Marco Rubio résume bien la pensée générale :
Criminals don’t follow gun laws. Only law-abiding people follow gun laws. (Les criminels ne respectent pas les lois sur le port d’armes. Seuls les citoyens respectueux de la loi les respectent)
Par conséquent, en renforçant la législation, on ne réglera pas le problème et on privera les bons citoyens du droit qu’ils ont de pouvoir posséder une arme pour se défendre.
LA POLÉMIQUE DE LA SEMAINE
Stuff happens
Ces mots, que l’on peut traduire par Ce sont des choses qui arrivent, ont été prononcés par Jeb Bush alors qu’il était interrogé sur la question du renforcement de la législation sur le port d’armes suite à la fusillade dans l’Oregon. La déclaration a rapidement été reprise par les médias, diffusée sur les réseaux sociaux et très critiquée, notamment par le Parti Démocrate. Mais précisons tout de même que ce « stuff happens » faisait partie d’une phrase plus longue que voici :
Look, stuff happens, there’s always a crisis and the impulse is always to do something and it’s not necessarily the right thing to do. (Écoutez, ce sont des choses qui arrivent, il y a toujours une crise et l’impulsion est toujours de faire quelque chose et ce n’est pas toujours la bonne chose à faire)
Jeb Bush a d’ailleurs déclaré que les Démocrates et la presse avaient rapporté ses propos hors contexte et que le stuff de sa phrase ne désignait pas directement la fusillade qui venait d’avoir lieu en Oregon. Il a expliqué qu’il avait voulu dire qu’en général, lorsque des choses tragiques se produisaient, on avait tendance à réagir systématiquement en réduisant les droits et les libertés des gens et que ce n’était pas la bonne solution.
LE PLAN DE LA SEMAINE
Après son plan de lutte contre l’immigration (qui était jusque-là son unique véritable proposition politique), Donald Trump a rendu public son plan concernant la fiscalité. En voici les grandes lignes :
1 – Les personnes seules gagnant moins de 25,000$ et les personnes vivant en couple et gagnant moins de 50,000$ ne devront plus payer aucun impôt sur le revenu. Cette mesure devrait permettre à 75 millions de foyers américains supplémentaires de ne payer aucun impôt. Trump précise toutefois (c’est écrit noir sur plan dans le texte qui figure sur son site web) que ces personnes devront encore s’acquitter du renvoi au service des impôts d’un document d’une page contenant la mention I win.
2 – Le système fiscal sera simplifié. Il n’y aura plus que quatre tranches d’imposition au lieu de sept actuellement : 0% (pour les personnes dont nous venons de parler au point 1), 10%, 20% et 25%. Le plan de Trump devrait donc également bénéficier aux personnes les plus riches puisque le taux d’imposition le plus élevé ne sera plus que de 25% alors qu’il est de 40% actuellement.

3 – Le taux d’imposition pour les entreprises sera abaissé à 15% (alors qu’il est de 35% actuellement). Ce qui devrait permettre de mettre fin aux délocalisations et de relancer l’économie.
4 – La death tax (droits de succession) sera supprimée
5 – Trump déclare que toute ces baisses d’impôts n’augmenteront pas le déficit de l’état (ce dont certains spécialistes semblent douter). Pourquoi? Parce qu’il supprimera par ailleurs de nombreuses déductions fiscales et niches fiscales dont profitent actuellement les américains les plus riches. Il a aussi l’intention d’encourager les américains ayant des avoirs à l’étranger à les rapatrier et à régulariser leur situation fiscale.
Notons que ce plan n’est pas très différent de celui de Jeb Bush qui a également l’intention de réduire le nombre de tranches d’imposition (la plus élevée serait à 28% contre 25% pour Trump) et d’abaisser le taux d’imposition pour les entreprises à 20% (contre 15% pour Tump).
LA DÉMISSION DE LA SEMAINE
Arne Duncan, le Secrétaire d’Etat à l’Education, a annoncé cette semaine qu’il quitterait son poste à la fin de l’année. Il a justifié sa décision par le fait qu’il souffrait de plus en plus de l’éloignement avec sa famille restée vivre à Chicago. Duncan occupe la fonction de Secrétaire d’Etat à l’Education depuis janvier 2009, soit depuis l’arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche. Jamais un Secrétaire d’Etat à l’Education n’était resté aussi longtemps à son poste ! Il a notamment encouragé la mise en place de Common Core, ces fameux standards éducatifs auxquels la plupart des candidats républicains à la présidence sont opposés, estimant que l’éducation doit être gérée davantage au niveau des états qu’au niveau fédéral. Barack Obama a annoncé que ce serait le plus proche adjoint de Duncan, John B. King Jr., qui le remplacerait.
LE POURCENTAGE DE LA SEMAINE
3%. C’est le pourcentage que devront atteindre les candidats républicains dans les sondages effectués entre le 17 septembre et le 21 octobre pour pouvoir participer au prochain débat qui aura lieu le 28 octobre prochain. C’est la chaîne CNBC, organisatrice de ce troisième débat républicain, qui a annoncé ce critère de sélection. C’est un changement important par rapport aux deux premiers débats où il fallait figurer parmi les dix candidats les mieux classés et/ou atteindre 1% dans les sondages. Rand Paul, Chris Christie et Mike Huckabee, qui ont participé aux deux premiers grands débats et qui se situent aujourd’hui tous les trois aux alentours de la barre fatidique des 3%, ne sont pas assurés de se qualifier.
LA DÉCLARATION DE LA SEMAINE
How could anyone in my party think that this clown is fit to be president? (Comment quiconque au sein de mon parti peut penser que ce clown est compétent pour être président?)
Déclaration de Rand Paul lors d’une interview sur CNN. Il parlait évidemment de Donald Trump. Il a aussi assuré que contrairement aux prédictions de ce dernier (qui avait assuré un peu plus tôt que Paul serait l’un des prochains candidats républicains à se retirer de la course à la présidence), il n’avait nullement l’intention de mettre un terme à sa campagne.
LE TWEET DE LA SEMAINE
Un petit nouveau a fait son apparition sur Twitter cette semaine. Il s’agit d’Edward Snowden, l’ancien employé de la NSA qui avait dénoncé les pratiques de l’agence de renseignement américaine et qui vit aujourd’hui en exil en Russie. Voici son tout premier tweet :
Cette phrase est issue d’une célèbre publicité de l’opérateur téléphonique Verizon, qui a été accusé d’avoir fourni les données privées de ses utilisateurs à la NSA.
L’arrivée d’Edward Snowden sur Twitter a provoqué la colère de l’un des candidats républicains à la présidence : George Pataki. Il a qualifié Snowden de « traître » et a même appelé le patron de Twitter à supprimer son compte.

LA PHOTO DE LA SEMAINE
Terminons par la photo de la semaine. Il s’agit de ce cliché posté par Barack Obama sur son compte Twitter à l’occasion de son vingt-troisième anniversaire de mariage avec sa femme Michelle.
