COMPTE-RENDU DU PREMIER DÉBAT DÉMOCRATE

Le tout premier débat entre candidats démocrates a eu lieu ce mardi 13 octobre à Las Vegas. Après deux débats républicains très animés, les observateurs attendaient avec impatience la première confrontation au sein du camp adverse. Hillary Clinton allait-elle confirmer son statut de favorite? Bernie Sanders allait-il pouvoir lui faire de l’ombre? L’un des autres candidats allait-il créer la surprise? 

INTRODUCTION

Cinq candidats démocrates se sont retrouvés ce mardi 13 octobre à l’hôtel Wynn de Las Vegas pour s’affronter lors d’un débat télévisé organisé par CNN, en partenariat avec Facebook. Le Parti Démocrate et CNN n’ont pas échappé à quelques critiques concernant la sélection des participants. En effet, le professeur de droit et activiste Lawrence Lessig, candidat à l’investiture démocrate, n’avait pas été invité. Et ce malgré le fait qu’il ait réussi à récolter plus d’un million de dollars de dons pour sa campagne en quelques semaines à peine. Dans une pétition mise en ligne sur son site web, il critiquait à la fois le Parti Démocrate qui lui aurait fait comprendre qu’il n’était pas le bienvenu et les chaînes de télévision réalisatrices des sondages (dont CNN), qui n’incluaient la plupart du temps même pas son nom dans leurs enquêtes. Dans ces conditions, comment atteindre le seuil de 1% d’intentions de vote requis pour pouvoir participer au débat? L’éviction de Lessig pose d’autant plus question que le nom du vice-président américain Joe Biden figurait lui parfois dans les sondages, alors même qu’il n’est pas officiellement candidat (et qu’on ignore encore s’il le sera). Biden avait même été invité à prendre part au débat et un pupitre supplémentaire était prévu pour lui au cas où il déciderait de s’ajouter à la liste des participants à la dernière minute ! Ce qui aurait constitué un énorme coup de théâtre n’a finalement pas eu lieu. Joe Biden n’est pas venu et ils étaient bien cinq à écouter la chanteuse Sheryl Crow interpréter l’hymne américain avant le coup d’envoi du débat.

Le plateau du débat à l'hôtel Wynn de Las Vegas
Le plateau du débat à l’hôtel Wynn de Las Vegas

Comme lors des débats républicains, nous n’avons pas appris grand-chose de nouveau concernant le programme des candidats. Par contre, les attaques personnelles ont été moins nombreuses (mais la présence de Donald Trump côté républicain y est sans doute pour beaucoup). Le choix des thèmes abordés était aussi quelque peu différent. Comme d’habitude, nous vous présentons ici une sélection des propos que nous jugeons avoir été les plus significatifs. Bonne lecture 😉

LE DÉBAT

Participants : Hillary Clinton, Bernie Sanders, Martin O’Malley, Jim Webb, Lincoln Chafee

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Modérateur : Anderson Cooper, assisté de Dana Bash et de Juan Carlos Lopez (tous journalistes à CNN)

Durée du débat : 2h

Compte-rendu :

  • Le socialisme et le capitalisme

Bernie Sanders se décrit lui-même comme un socialiste, ce qui n’est pas courant pour un homme politique aux Etats-Unis. Les candidats ont donc brièvement débattu autour de ce terme et d’une éventuelle remise en cause du capitalisme. Sanders a tout d’abord clarifié ce qu’il entend par socialisme. Il s’agit pour lui de considérer comme immoral (c’est le terme qu’il a utilisé) le fait que 1% de la population américaine détienne autant de richesses que les 90% restants réunis ou que tous les américains n’aient pas accès à une assurance maladie. Il a également cité le Danemark, la Suède et la Norvège comme des pays à prendre en exemple.

I believe in a society where all people do well. Not just a handful of billionaires. (Je crois en une société où tout le monde s’en sort bien. Pas seulement une poignée de milliardaires)

Hillary Clinton s’est exprimée de manière beaucoup plus modérée. Pour elle, il ne faut pas tourner le dos au capitalisme car celui-ci est synonyme de liberté d’entreprendre. Et c’est cette liberté qui a fait le succès de l’Amérique. Mais il faut réguler les excès du capitalisme (save capitalism from itself) pour faire en sorte qu’il y ait moins d’inégalités.

  • L’économie, Glass-Steagall et Wall Street

Bernie Sanders a rappelé ses priorités en cas d’élection :

– Créer des millions d’emplois grâce à un programme de reconstruction des infrastructures du pays

– Augmenter le salaire minimum (à 15$ de l’heure)

– Garantir le même salaire aux femmes qu’aux hommes

– Rendre l’enseignement supérieur totalement gratuit

Martin O’Malley a dit partager de nombreux points de vue avec Sanders, notamment la volonté d’augmenter le salaire minimum ou de rénover les infrastructures. Mais il a surtout lourdement insisté sur sa volonté de rétablir le Glass-Steagall Act* afin d’éviter qu’un crash boursier comme celui de 2008 ne puisse se reproduire.

*Le Glass-Steagall Act (du nom du sénateur démocrate Carter Glass et du représentant démocrate Henry B. Steagall) est une loi qui fut adoptée par le Congrès en 1933. Elle interdisait principalement aux banques de cumuler des activités de dépôt et d’investissement. Mais elle fut abrogée en 1999, sous l’administration de Bill Clinton.

Contrairement à O’Malley, Hillary Clinton est opposée au rétablissement du Glass-Steagall Act mais dit avoir un plan qui permettra d’encadrer davantage les pratiques des banques et d’autres institutions comme les compagnies d’assurance. Pour Sanders, le plan de Clinton n’est clairement pas suffisant. Elle reste trop complaisante à l’égard de Wall Street. En faisant référence au plan de Clinton, il a déclaré :

Congress does not regulate Wall Street, Wall Street regulates Congress. And we have gotta break off these banks. Going to them and saying « please, do the right thing » is kind of naive. (Le Congrès ne réglemente pas Wall Street, Wall Street réglemente le Congrès. Et nous devons en finir avec ces banques. Aller les voir et leur dire « s’il-vous-plaît, agissez correctement » est un peu naïf)

  • Les armes à feu

La question d’une législation plus sévère concernant les armes à feu a été abordée. Bernie Sanders a dû se défendre d’être trop modéré à ce sujet, notamment parce qu’il a voté contre la Brady Bill* en 1993.

*Cette loi porte le nom de James Brady, ancien porte-parole de la Maison Blanche, qui a frôlé la mort après avoir été touché par un tir lors d’une tentative d’assassinat contre le président Reagan en 1981. Suite à cet incident, il est devenu un défenseur d’un contrôle plus strict de la vente d’armes à feu et a contribué à l’adoption de la loi portant son nom. Cette loi a été adoptée par le Congrès en 1993. Elle a mis en place des background checks, c’est-à-dire une vérification des antécédents des personnes désirant acheter une arme. Les personnes ayant un casier judiciaire ou atteintes de troubles mentaux ne peuvent ainsi en principe plus se procurer d’armes.

Sanders a déclaré que s’il avait voté contre cette loi à l’époque, c’était parce qu’il estimait injuste que le responsable d’une boutique vendant légalement des armes puisse être tenu responsable si quelqu’un lui achetait une arme et commettait ensuite un acte criminel. Il a également insisté sur le fait que les personnes victimes de troubles mentaux n’ont souvent pas les moyens de se faire soigner. Il semblait suggérer qu’il était plus urgent de régler ce problème-là que d’interdire la vente libre des armes à feu.

Jim Webb a lui été encore plus direct que Sanders. S’il faut faire en sorte que les criminels et les malades mentaux ne puissent pas se procurer d’armes, le droit de posséder une arme pour se défendre est une tradition qu’il ne faut pas supprimer.

There are people at high levels in this government who have bodyguards 24 hours a day, 7 days a week. The average American does not have that and deserves the right to be able to protect their family. (Il y a des gens haut-placés dans ce gouvernement qui ont des gardes du corps 24 heures/24 et 7 jours/7. L’américain moyen n’a pas cela et mérite le droit de pouvoir protéger sa famille)

Pour Hillary Clinton et Martin O’Malley, Sanders et Webb ne sont pas assez fermes à ce sujet. Clinton a notamment déclaré :

I think that we have to look at the fact that we lose 90 people a day from gun violence. This has gone on too long and it’s time the entire country stood up against the NRA. (Je pense que nous devons examiner le fait que nous perdons 90 personnes par jour en raison de la violence liée aux armes à feu. Cela dure depuis trop longtemps et il est temps que le pays entier résiste à la NRA)

Il est intéressant de constater que contrairement à certaines idées reçues, un renforcement drastique de la législation concernant les armes à feu ne fait pas encore l’unanimité, même dans le camp démocrate.

  • La politique étrangère

Concernant la politique étrangère, c’est essentiellement la question de la Syrie qui a été abordée. Pas un mot sur l’Iran Deal ni sur Israël. Si tous les candidats s’opposent à l’envoi de troupes au sol en Syrie, c’est Hillary Clinton qui s’est montrée la plus ferme et « interventionniste ». Elle a appelé à continuer les frappes contre Daesh et à installer une zone d’exclusion aérienne au-dessus du territoire syrien. Sanders et O’Malley se sont eux déclarés opposés à l’établissement de cette zone d’exclusion aérienne.

Hillary Clinton a également été amenée à justifier l’action menée par les Etats-Unis en Libye lorsqu’elle était Secrétaire d’Etat. Elle a rappelé que Kadhafi était un dictateur qui menaçait à ce moment-là de massacrer une grande partie de son propre peuple. Les Etats-Unis ont donc pris la bonne décision en aidant matériellement les européens et les rebelles sur place, sans pour autant envoyer de troupes au sol. Et concernant l’attaque du consulat de Benghazi, elle a simplement déclaré qu’il y avait toujours un risque pour les diplomates qui exerçaient leurs fonctions dans des endroits dangereux.

Clinton a aussi été critiquée par Chafee et Sanders pour avoir voté en faveur de l’intervention américaine en Irak en 2002.

Enfin, Anderson Cooper a demandé à chaque candidat quelle était selon lui la plus grande menace pour la sécurité nationale des Etats-Unis à l’heure actuelle. Voici leurs réponses :

CHAFEE : Le chaos au Moyen-Orient (dont les Etats-Unis sont les premiers responsables en raison de leur intervention en Irak en 2003)

O’MALLEY : Un Iran nucléaire, l’organisation terroriste Etat Islamique et le changement climatique

CLINTON : Que des armes nucléaires tombent entre les mains de groupes terroristes

SANDERS : Le changement climatique

WEBB : La Chine et la crise au Moyen-Orient

  • La NSA et Edward Snowden

Les candidats ont été interrogés au sujet des écoutes pratiquées par la NSA. Lincoln Chafee et Hillary Clinton ont affirmé qu’ils ne regrettaient pas leur vote en faveur du Patriot Act en 2001 car la version originale du texte ne permettait les écoutes téléphoniques qu’après obtention d’un mandat. De plus, cette loi était nécessaire car après les attentats du 11 septembre, on avait besoin de moyens de surveillance supplémentaires pour garantir la sécurité des américains. Mais il y a ensuite eu des dérives de la part de la NSA, permises par l’administration Bush. Aujourd’hui, il faut trouver un nouvel équilibre entre respect de la vie privée d’une part et sécurité de l’autre. Bernie Sanders s’est montré beaucoup plus critique vis-à-vis de la NSA. Contrairement à Clinton et Chafee, il avait voté contre le Patriot Act. Il dit que s’il est élu, il mettra fin au programme de surveillance de la NSA. Il estime qu’il n’est pas normal que dans un pays libre, tous les appels téléphoniques passés par les citoyens finissent dans les dossiers d’une agence de renseignement. Il pense qu’on peut se protéger du terrorisme sans renoncer pour autant à nos libertés. Sur ce point, le discours de Sanders est très proche de celui du républicain Rand Paul.

Les candidats ont ensuite été interrogés sur Edward Snowden*. Est-il un héros ou un traître? Faut-il abandonner les charges qui pèsent contre lui?

*Snowden est un ancien employé de la NSA qui a dénoncé les pratiques de surveillance de masse de l’agence en 2013. Il a transmis dans ce but des documents classés top-secret à la presse. Ces agissements lui valent d’être inculpé par la justice américaine pour espionnage. Pour échapper à la justice, il s’est d’abord exilé à Hong Kong puis à Moscou. Vladimir Poutine lui a accordé un droit de résidence pour une période de trois ans, ce qui a d’ailleurs été l’une des raisons du refroidissement des relations entre les Etats-Unis et la Russie.

Lincoln Chafee a déclaré qu’il laisserait rentrer Snowden aux Etats-Unis et qu’il ne méritait pas d’être envoyé en prison puisque les tribunaux avaient reconnu que les agissements de la NSA qu’il avait dénoncés étaient bien illégaux. Hillary Clinton s’est montrée bien plus sévère. Elle estime que Snowden a enfreint la loi des Etats-Unis et doit en payer les conséquences. Il aurait pu devenir un informateur en respectant la loi mais au lieu de cela, il a volé des informations secrètes qui se sont retrouvées par sa faute entre de mauvaises mains. Martin O’Malley est allé dans le même sens que Clinton :

Snowden put a lot of Americans’ lives at risk. Snowden broke the law. Whistleblowers do not run to Russia and try to get protection from Putin. (Snowden a mis de nombreuses vies américaines en danger. Snowden a enfreint la loi. Les lanceurs d’alerte ne s’enfuient pas en Russie et n’essayent pas d’obtenir la protection de Poutine)

Bernie Sanders a quant à lui estimé que Snowden devait être jugé puisqu’il avait enfreint la loi mais qu’il serait bon que la justice tienne compte du fait qu’il a fait des révélations importantes et utiles. Enfin, Jim Webb s’est contenté de déclarer que c’était à la justice de trancher.

  • Les e-mails d’Hillary

Il était inévitable qu’Hillary Clinton soit interrogée sur la fameuse affaire liée à ses e-mails et à son usage d’un serveur privé alors qu’elle était Secrétaire d’Etat. Une affaire dont elle a du mal à se dépêtrer depuis le début de sa campagne. Elle a d’abord répété ce qu’elle a toujours dit, à savoir que l’usage d’un serveur privé n’était pas interdit par le Département d’Etat à l’époque et qu’elle n’avait donc pas enfreint la loi. Mais elle a reconnu que cela n’avait pas été un bon choix et qu’elle avait fait une erreur. Elle a aussi rappelé qu’elle avait accepté de témoigner publiquement devant le Congrès à ce sujet (ndlr: cela aura lieu le 22 octobre), malgré que la commission d’enquête mise en place par des parlementaires républicains soit d’après elle avant tout destinée à nuire à son image. Après ces quelques clarifications, elle a déclaré qu’elle aimerait pouvoir parler des vrais sujets qui intéressent les américains plutôt que de ses e-mails.

But tonight, I want to talk not about my e-mails but about what the American people want from the next president of the United States. (Mais ce soir, je ne veux pas parler de mes e-mails mais de ce que le peuple américain attend du prochain président des Etats-Unis)

Alors même qu’il aurait pu profiter de l’occasion pour l’attaquer, Bernie Sanders est intervenu pour prendre la défense d’Hillary Clinton :

The American people are sick and tired of hearing about your damn e-mails ! (Les américains en ont plus qu’assez d’entendre parler de vos fichus e-mails !)

Clinton l’a remercié et lui a serré chaleureusement la main.

Crédit photo: REUTERS/Lucy Nicholson
Crédit photo: REUTERS/Lucy Nicholson

Ce moment fut clairement l’un des moments forts du débat. Et le public semble avoir apprécié puisque les deux candidats ont été très longuement applaudis. Toutefois, Lincoln Chafee a réaffirmé qu’il pensait, contrairement à Sanders, que l’affaire des e-mails de Clinton était un problème important qui mettait à mal la crédibilité des Etats-Unis sur la scène internationale. Lorsqu’Anderson Cooper a demandé à Clinton si elle désirait réagir aux propos de Chafee, celle-ci a tout simplement répondu « Non », ce qui a déclenché une nouvelle salve d’applaudissements dans la salle. Cooper a alors renoncé à insister davantage et est passé à autre chose.

  • Les inégalités raciales et la justice pénale

Bernie Sanders et Martin O’Malley ont vigoureusement dénoncé le racisme dont sont victimes les membres de la communauté afro-américaine. Sanders a été jusqu’à parler d’un « racisme institutionnel » à combattre. O’Malley a lui déclaré que les vies des afro-américains n’étaient pas considérées comme aussi importantes que celles des blancs. Clinton n’est pas allée jusqu’à tenir de tels propos mais a déclaré qu’une réforme du système judiciaire était nécessaire et que concernant la communauté afro-américaine, il fallait également améliorer ses conditions de vie et son accès à l’éducation.

  • Le changement climatique

Après avoir déjà déclaré que le changement climatique était la menace la plus sérieuse à la sécurité nationale, Bernie Sanders a pu réaffirmer que la lutte pour la sauvegarde de la planète serait l’une de ses priorités s’il était élu président. Il s’agit selon lui d’un devoir moral vis-à-vis des générations futures. Martin O’Malley a lui déclaré être le seul candidat à avoir le projet ambitieux de parvenir à ce que 100% de la production d’électricité aux Etats-Unis soit propre d’ici 2050. Jim Webb veut surtout investir dans le nucléaire, qui est d’après lui une source d’énergie « sûre et propre ».

  • Immigration

La question de l’immigration n’a été que brièvement abordée. Tous les candidats semblent être d’accord pour que les millions de personnes présentes illégalement sur le territoire puissent accéder à la citoyenneté. Martin O’Malley veut aussi que les personnes en situation irrégulière puissent bénéficier de l’Obamacare.

  • La légalisation de la marijuana

La question de la légalisation de la consommation de marijuana a également été brièvement évoquée. En effet, en 2016, cette question figurera sur les bulletins de vote au Nevada (état où se situe la ville de Las Vegas où avait lieu le débat). Anderson Cooper a demandé à Bernie Sanders comment il voterait s’il était citoyen du Nevada. Il a répondu qu’il voterait probablement oui car trop de jeunes gens sont envoyés en prison (et voient ainsi leur vie détruite) simplement parce qu’ils ont consommé de la marijuana. Hillary Clinton a quant à elle refusé de donner un avis définitif sur la question. Elle a dit que puisque certains états avaient déjà franchi le pas de la légalisation (comme le Colorado), c’était l’occasion d’observer ce qu’il se passerait dans ces états dans les années à venir pour en tirer les bonnes conclusions.

  • En quoi votre administration ne serait pas l’équivalent d’un troisième mandat Obama?

Cette question a été posée à chacun des candidats. Voici leurs réponses :

CHAFEE : Mettre définitivement fin aux guerres au Moyen-Orient

O’MALLEY : Défendre davantage l’américain moyen contre les agissements de Wall Street, en rétablissant notamment le Glass-Steagall Act

CLINTON : « Well, I think that’s pretty obvious. I think being the first woman president would be quite a change from the presidents we’ve had up until this point, including President Obama » (Et bien, je pense que c’est assez évident. Je pense qu’être la première femme présidente serait un changement important par rapport aux présidents que nous avons eus jusqu’ici, y compris le président Obama)

SANDERS : Il a insisté sur le fait qu’il voulait déclencher une « révolution politique » dans le pays. « The only way we really transform America and do the things that the middle class and working class desperately need is through a political revolution when millions of people begin to come together and stand up and say : Our government is going to work for all of us, not just a handful of billionaires » (La seule manière de transformer véritablement l’Amérique et de faire les choses dont la classe moyenne et la classe ouvrière ont désespérément besoin est à travers une révolution politique où des millions de gens se rassemblent et se lèvent pour dire : Notre gouvernement va travailler pour nous tous, pas seulement pour une poignée de milliardaires)

WEBB : Il s’agirait surtout d’une différence de méthode. Il travaillerait davantage avec les deux partis au Congrès et laisserait le Congrès légiférer plutôt que d’imposer des executive orders (l’usage fréquent de cette pratique a souvent été reproché à Barack Obama, notamment pas les Républicains)

  • Quel est l’ennemi dont vous êtes le plus fier?

C’est la dernière question qui a été posée aux candidats. Voici leurs réponses :

CHAFEE : Le lobby du charbon

O’MALLEY : La National Rifle Association*

*La fameuse NRA est une association qui compte plus de cinq millions d’adhérents et qui défend les droits des propriétaires d’armes à feu. Afin d’aider ses membres à voter pour des candidats qui défendront le Second Amendement, elle attribue des notes aux hommes politiques en fonction de leurs prises de position concernant la législation sur les armes à feu. Les notes vont de A (la meilleure) à F (la pire). Après avoir adopté une législation très restrictive concernant le port d’armes dans son état lorsqu’il était gouverneur, O’Malley s’est vu attribuer la note F par la NRA.

CLINTON : La NRA, l’industrie pharmaceutique, les Iraniens et les Républicains

SANDERS : Wall Street et l’industrie pharmaceutique

WEBB : « I’d have to say the enemy soldier that threw the grenade that wounded me, but he’s not around right now to talk to » (Je devrais dire le soldat ennemi qui a jeté la grenade qui m’a blessé, mais il n’est plus là pour en parler)

La déclaration de Webb a surpris et suscité de nombreux commentaires, d’autant plus qu’il a prononcé cette phrase évoquant la mort d’un homme avec le sourire. Webb est un ancien Marine. Il a combattu au Vietnam et y a bien été blessé par une grenade. Celle-ci avait été lancée par des ennemis depuis un bunker que lui et ses compagnons d’armes ont ensuite fait exploser.

  • Le closing statement de Martin O’Malley

Comme d’habitude, les candidats ont eu le droit de délivrer un closing statement à la fin du débat. Et c’est celui de Martin O’Malley qui a été le plus applaudi. Il a notamment choisi d’y insister sur la différence entre ce débat et les deux débats républicains ayant déjà eu lieu :

On this stage, you didn’t hear anyone denigrate women, you didn’t hear anyone make racist comments about new American immigrants, you didn’t hear anyone speak ill of another American because of their religious belief. What you heard instead on this stage tonight was an honest search for the answers that will move our country forward. (Sur cette scène, vous n’avez entendu personne dénigrer les femmes, vous n’avez entendu personne faire de commentaires racistes à propos des nouveaux immigrants, vous n’avez entendu personne dire du mal d’un autre américain en raison de ses croyances religieuses. Ce que vous avez entendu à la place sur cette scène ce soir était une recherche honnête de réponses qui permettront à notre pays d’avancer)

QUI A REMPORTÉ LE DÉBAT ?

Tout le monde s’accorde à dire qu’Hillary Clinton est la grande gagnante de ce premier débat démocrate. Malgré quelques accrocs (par exemple, la petite phrase « I never took a position on Keystone until I took a position on Keystone » / « Je n’ai jamais pris position au sujet de Keystone jusqu’à ce que je prenne position au sujet de Keystone »), la favorite a confirmé son statut. Elle est apparue détendue et très sûre d’elle. Et surtout, elle a paru bien supérieure à ses adversaires.

Bernie Sanders s’est montré égal à lui-même. Il a démontré toute sa passion dès qu’il s’agissait d’évoquer les inégalités économiques mais il a paru un peu à court d’arguments sur d’autres sujets, notamment sur la politique étrangère.

Martin O’Malley n’a pas véritablement réussi à se mettre en valeur et on s’attendait peut-être à ce qu’il critique davantage Hillary Clinton, comme il l’avait fait à plusieurs reprises depuis le début de sa campagne (l’accusant notamment de prendre position trop tardivement sur certains sujets ou de changer trop souvent d’avis).

Jim Webb s’est plaint à de nombreuses reprises de ne pas avoir assez de temps pour s’exprimer. S’il n’avait peut-être pas tort (nous y reviendrons), il n’est pas certain que perdre une partie du peu de temps dont il disposait à se plaindre ait été un choix judicieux. Il a aussi souvent évoqué des projets de loi qu’il a introduits au Sénat, et censés refléter ses vues. Si ce n’est pas une mauvaise chose en soi, on avait parfois l’impression qu’il parlait plus du passé que de ses projets pour l’avenir.

Enfin, Lincoln Chafee fut le grand perdant de la soirée. Son temps de parole a certes été extrêmement faible, ce qui n’a pas arrangé les choses. Mais il est loin d’avoir été convaincant, particulièrement lorsqu’il fut interrogé sur son vote en faveur de l’abrogation du Glass-Steagall Act en 1999. Il n’a en effet rien trouvé de mieux que de se justifier en déclarant qu’il venait tout juste d’arriver au Sénat et que c’était son premier vote !

The Glass-Steagall was my very first vote, I had just arrived, my dad had died in office, I was appointed to the office. It was my very first vote. (Glass-Steagall était mon tout premier vote, je venais d’arriver, mon père était mort dans l’exercice de ses fonctions, j’avais été nommé à ce poste. C’était mon tout premier vote)

Cette déclaration a rapidement fait l’objet de nombreuses moqueries et critiques, aussi bien de la part des internautes sur les réseaux sociaux que dans la presse. Un dessinateur du Houston Chronicle s’en est par exemple inspiré pour dessiner la caricature suivante, imaginant Chafee bombarder le Canada par erreur après avoir été élu président et utilisant le même type d’excuses pour se justifier.

Source: Compte twitter officiel du dessinateur Nick Anderson (twitter.com/Nick_Anderson_)
Source: Compte twitter officiel du dessinateur Nick Anderson (twitter.com/Nick_Anderson_)

On peut le dire, Chafee s’en est un peu pris plein la figure après le débat. Quelques jours plus tard, alors qu’il était l’invité du journaliste Wolf Blitzer sur CNN, celui-ci est même allé jusqu’à lui dire :

You’re going to wind up looking silly if you keep going on like this. (Vous allez finir par paraître stupide en continuant comme cela)

Chafee s’est défendu en insistant sur le fait qu’il n’avait eu que 9 minutes (sur 2h de débat) pour s’exprimer et a affirmé qu’il ne comptait pas mettre un terme à sa campagne. Accroche-toi Lincoln !

QUELQUES STATISTIQUES

Quelques statistiques concernant le débat et tout d’abord, le temps de parole des différents candidats. Nous l’avons déjà évoqué, Jim Webb et Lincoln Chafee se sont plaints de ne pas avoir eu suffisamment de temps pour s’exprimer. Et force est de constater que le temps de parole est en effet loin d’avoir été équitablement réparti.

Source: CNN
Source: CNN

En terme de mots prononcés, seuls Hillary Clinton et Bernie Sanders ont devancé le modérateur du débat Anderson Cooper ! (source: Vox)

On a aussi appris que le débat avait attiré 15,3 millions de téléspectateurs, un record pour un débat démocrate ! C’est cependant moins que les deux débats républicains qui avaient attiré respectivement 24 millions et 23 millions de téléspectateurs.

LA SOIRÉE SUR TWITTER

Comme toujours, le débat a été largement commenté sur le réseau social Twitter. Et comme vous avez sûrement déjà pu le constater, nous aimons parler de Twitter ici. Alors let’s go !

Tout d’abord, le tweet le plus partagé de la soirée par les internautes fut un tweet publié par Bernie Sanders (ou sans doute plus vraisemblablement par son équipe de campagne ayant pris le contrôle du compte pendant le débat). Il s’agit d’un tweet reprenant sa fameuse déclaration sur les e-mails d’Hillary Clinton. Il a été partagé plus de 12,000 fois.

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Petite parenthèse à ce propos. S’il semble effectivement que les sympathisants démocrates en aient marre d’entendre parler des e-mails d’Hillary Clinton, ce n’est apparemment pas le cas de tous les américains, n’en déplaise à Bernie Sanders. Un sondage réalisé par le Washington Post et ABC News au mois de septembre montrait en effet qu’une majorité d’électeurs démocrates jugeait que l’usage d’un serveur privé par Hillary Clinton n’était pas un sujet de campagne légitime mais qu’une majorité d’électeurs républicains pensaient le contraire. Les électeurs indépendants étaient quant à eux partagés.

Source: Washington Post
Source: Washington Post

Revenons-en à notre soirée sur Twitter. L’ex-président Bill Clinton a publié un tweet afin de faire savoir à tout le monde qu’il regardait sa femme à la télévision.

Traduction: Ce qu'il se passe à Vegas... c'est que je regarde Hillary Clinton prouver qu'elle est la candidate la plus qualifiée au poste de président des Etats-Unis.
Traduction: Ce qu’il se passe à Vegas… c’est que je regarde Hillary Clinton prouver qu’elle est la candidate la plus qualifiée au poste de président des Etats-Unis.

Mais ce sont surtout les candidats républicains qui ont animé la soirée. Comme Bernie Sanders l’avait fait lors des débats républicains, ils ont en effet été plusieurs à commenter le débat de leurs adversaires démocrates via le célèbre réseau social. Donald Trump avait officiellement annoncé ses intentions quelques heures auparavant :

Traduction: A la demande de nombreuses personnes, et même si je m'attends à ce que ce soit deux heures très ennuyeuses, je commenterai le débat démocrate en direct sur Twitter!
Traduction: A la demande de nombreuses personnes, et même si je m’attends à ce que ce soit deux heures très ennuyeuses, je commenterai le débat démocrate en direct sur Twitter!

Tous les yeux étaient donc rivés sur le compte Twitter du milliardaire mais, une fois n’est pas coutume, celui-ci est finalement resté assez sage. Il a surtout partagé des tweets qui lui étaient envoyés par ses supporters. Il s’est aussi plaint qu’il y avait trop de publicité ou qu’aucune « star » n’était présente sur le plateau. Et il n’a visiblement pas été convaincu par la discussion des candidats démocrates sur la politique étrangère.

Traduction: Poutine ne se sent pas trop nerveux ou effrayé.
Traduction: Poutine ne se sent pas trop nerveux ou effrayé.

Lindsey Graham a lui aussi publié de nombreux tweets tout au long de la soirée. En voici deux :

Traduction: A entendre ce débat, on croirait que Bush est encore président. Où était le président Obama sur ces questions ces 7 dernières années?
Traduction: A entendre ce débat, on croirait que Bush est encore président. Où était le président Obama sur ces questions ces 7 dernières années?
Traduction: Je ne peux pas en entendre davantage. Je ne ferais même pas endurer cela aux détenus de Guantanamo. Bonne chance les Démocrates, vous allez en avoir besoin.
Traduction: Je ne peux pas en entendre davantage. Je ne ferais même pas endurer cela aux détenus de Guantanamo. Bonne chance les Démocrates, vous allez en avoir besoin.

Mais comment ne pas décerner la médaille d’or du meilleur live-tweet de la soirée (c’est comme cela que l’on désigne la pratique consistant à commenter en direct un événement sur Twitter) à Mike Huckabee? Le candidat républicain était en forme olympique et a clairement volé la vedette à Donald Trump ! Pour terminer ce compte-rendu en beauté, nous vous proposons ses cinq meilleurs (ou pires, à vous de juger) tweets de la soirée :

1 –

Traduction: Au débat démocrate, Hillary va faire une démonstration de son haut niveau d'intelligence en réussissant à se souvenir, sur chaque sujet, de quel côté elle se trouve.
Traduction: Au débat démocrate, Hillary va faire une démonstration de son haut niveau d’intelligence en réussissant à se souvenir, sur chaque sujet, de quel côté elle se trouve.

2 –

Traduction: Ils croient que le changement climatique est une plus grande menace que l'extrémisme islamique, qu'un coup de soleil est pire qu'une décapitation. Cela n'a pas de sens !
Traduction: Ils croient que le changement climatique est une plus grande menace que l’extrémisme islamique, qu’un coup de soleil est pire qu’une décapitation. Cela n’a pas de sens !

3 –

Traduction: Oh par pitié. Poutine roule sur la politique étrangère Obama/Clinton comme des tanks chinois sur la place Tiananmen
Traduction: Oh par pitié. Poutine roule sur la politique étrangère Obama/Clinton comme des tanks chinois sur la place Tiananmen

4 –

Traduction: J'ai autant confiance en Bernie Sanders avec mes impôts qu'en un cuisinier nord-coréen avec mon labrador!
Traduction: J’ai autant confiance en Bernie Sanders avec mes impôts qu’en un cuisinier nord-coréen avec mon labrador!

5 –

Traduction: La question de la marijuana est appropriée. Les Démocrates en fument s'ils pensent que leurs mesures politiques sauveront le pays.
Traduction: La question de la marijuana est appropriée. Les Démocrates en fument s’ils pensent que leurs mesures politiques sauveront le pays.

Il était en forme, on vous avait prévenus ! Notons que son tweet impliquant un cuisinier nord-coréen a été qualifié de raciste par certains internautes et par une association de défense des américains d’origine asiatique. Dans un communiqué, Mike Huckabee a répliqué que ses détracteurs n’avaient aucun sens de l’humour et que le fait de dire que les nords-coréens mangent des chiens n’avait rien de raciste puisqu’il s’agit d’une réalité.

On espère en tout cas que ce cher Mike sera aussi en forme lors du prochain débat républicain (le troisième du nom déjà) qui aura lieu le 28 octobre. Le prochain débat démocrate est lui prévu pour le 14 novembre.

 

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