En tant qu’ancienne Secrétaire d’Etat, Hillary Clinton a été interrogée hier au Congrès par les membres du Benghazi Committee. Voici la réponse à toutes les questions que vous pourriez vous poser à ce sujet.
1. QUE S’EST-IL PASSÉ À BENGHAZI ?
Le soir du 11 septembre 2012, un groupe armé composé d’islamistes radicaux – certains appartenant au groupe Ansar Al-Sharia et d’autres à des groupuscules proches d’Al-Qaïda – prend d’assaut le consulat américain de Benghazi, en Libye. Les hommes forcent les portes du consulat, parviennent à y pénétrer et y mettent le feu. Une demi-heure plus tard, une équipe de la CIA arrive sur place pour secourir le personnel diplomatique assiégé et l’aider à évacuer les lieux. L’évacuation a lieu sous les coups de feu et tout le monde se réfugie dans les bureaux de la CIA, situés à environ 1,5 km du consulat. Mais l’ambassadeur américain Christopher Stevens ainsi que Sean Smith, un autre diplomate, manquent à l’appel. Ce sont des libyens qui les retrouveront dans les décombres du consulat et les emmèneront à l’hôpital. Ils ne survivront pas. Le bâtiment de la CIA est ensuite à son tour attaqué pendant plusieurs heures. Deux agents de la CIA, Tyrone Woods et Glen Doherty, perdront la vie en tentant de repousser les assaillants. Finalement, l’armée libyenne viendra à la rescousse et escortera l’ensemble du personnel américain jusqu’à l’aéroport. Les américains quitteront la ville.
2. POURQUOI UNE « AFFAIRE BENGHAZI » ?
L’attaque de Benghazi a conduit à la mort de quatre ressortissants américains : l’ambassadeur Christopher Stevens, un autre diplomate et deux agents de la CIA. Dix autres personnes ont également été blessées. On comprend donc que cette attaque ait suscité beaucoup d’émotion aux Etats-Unis, et aussi de nombreuses questions. Fallait-il vraiment envoyer des hommes en mission en Libye alors que le pays était plongé dans le chaos? Les mesures mises en place pour assurer leur sécurité étaient-elle suffisantes? Aurait-on pu prévoir cette attaque?
Le Département d’Etat a reconnu dans un rapport qu’il y avait eu des failles dans le système de sécurité mis en place à Benghazi. Mais cela n’a pas convaincu les Républicains qui portent des accusations plus graves envers l’administration Obama et le Département d’Etat, dirigé à l’époque par Hillary Clinton. Quelles sont-elles ?
1 – Ne pas avoir suffisamment renforcé la sécurité du personnel américain sur place, malgré les demandes répétées de l’ambassadeur Stevens.
2 – Avoir menti dans les jours ayant suivi l’attaque, en la qualifiant de manifestation populaire qui aurait dégénéré alors qu’il s’agissait bien d’une attaque terroriste. Tout cela pour ne pas compromettre la réélection de Barack Obama (ndlr: l’élection présidentielle avait lieu quelques semaines plus tard).
3. QU’EST-CE QUE LE BENGHAZI COMMITTEE ?
Il s’agit d’une commission d’enquête parlementaire qui a été mise en place il y a dix-huit mois. Elle enquête depuis sur les événements ayant eu lieu à Benghazi afin de faire toute la lumière sur cette affaire. Notons que c’est cette commission qui, en voulant se procurer les e-mails d’Hillary Clinton pour les besoins de son enquête, a découvert que celle-ci avait utilisé uniquement un serveur privé alors qu’elle était Secrétaire d’Etat. Le Benghazi Committee est composé de douze membres, tous députés à la Chambre des Représentants. Sept sont républicains – Trey Gowdy (qui est aussi le président de cette commission), Susan Brooks, Jim Jordan, Mike Pompeo, Martha Roby, Peter Roskam et Lynn Westmoreland – et cinq sont démocrates – Elijah Cummings, Adam Smith, Adam Schiff, Linda Sanchez et Tammy Duckworth.
4. POURQUOI HILLARY CLINTON A-T-ELLE ÉTÉ APPELÉE À TÉMOIGNER HIER DEVANT LE BENGHAZI COMMITTEE ?
Parce qu’elle était Secrétaire d’Etat, et donc en charge de la diplomatie américaine, lorsque les événements de Benghazi ont eu lieu. Mais elle n’est pas la seule personne à avoir été invitée à témoigner par la commission. Celle-ci a déjà interrogé une cinquantaine de témoins.
5. LE BENGHAZI COMMITTEE, VRAIE ENQUÊTE OU COMPLOT POLITIQUE ?
La raison d’être officielle du Benghazi Committee est d’enquêter afin de faire éclater toute la vérité sur l’attaque de Benghazi. Son président Trey Gowdy l’a encore affirmé hier : les familles des victimes et les américains ont le droit de connaître la vérité sur un événement aussi grave. Mais pour de nombreux Démocrates ainsi que pour Hillary Clinton elle-même, cette commission d’enquête n’était pas nécessaire puisque d’autres enquêtes sur Benghazi ont déjà eu lieu. Il ne s’agirait que d’une manœuvre politicienne diligentée par les Républicains et qui aurait pour unique but de discréditer l’ex-Secrétaire d’Etat et de nuire à sa campagne électorale pour la présidence. Des tensions ont même vu le jour au sein même de la commission, ses membres démocrates accusant ouvertement leurs collègues républicains de chercher davantage à nuire à la réputation d’Hillary Clinton qu’à chercher la vérité ! Enfin, Kevin McCarthy, un député républicain (qui n’est pas membre de la commission) a déclaré récemment dans une interview :
Everybody thought Hillary Clinton was unbeatable, right? But we put together a Benghazi special committee, a select committee, what are her numbers today? Her numbers are dropping. (Tout le monde pensait qu’Hillary Clinton était imbattable, n’est-ce pas? Mais nous avons mis sur pied une commission d’enquête sur Benghazi et quels sont ses chiffres [dans les sondages] aujourd’hui? Ses chiffres chutent)
Pour certains, c’est tout comme s’il avait admis que le seul but de la commission était de nuire à la campagne électorale de Clinton pour la présidence. McCarthy a d’ailleurs fait l’objet de vives critiques de la part de ses collègues républicains, ce qui l’a poussé à retirer sa candidature au poste de speaker alors qu’il était pressenti comme le favori pour succéder à John Boehner à ce poste.
6. QUE FAUT-IL RETENIR DU TÉMOIGNAGE D’HILLARY CLINTON ?
Le témoignage d’Hillary Clinton devant la commission a duré 11 longues heures ! Nous éviterons donc ici d’en faire un compte-rendu détaillé qui risquerait d’être indigeste. Que fallait-il retenir, en bref?
1 – Hillary Clinton a très bien géré la situation puisqu’elle a répondu à toutes les questions qui lui ont été posées sans jamais perdre son calme (même si certaines de ses expressions faciales ont parfois trahi un certain agacement). Cela n’avait pas été le cas lorsqu’elle avait témoigné devant la Commission des Affaires Étrangères du Sénat en janvier 2013. Alors qu’elle était interrogée sur les circonstances exactes de l’attaque, elle s’était emportée et avait déclaré : What difference, at this point, does it make? (Quelle différence, à ce stade, cela peut-il bien faire?).
Elle a dit assumer la responsabilité de ce qui s’était passé et appelé à ce qu’on en tire les leçons pour le futur, notamment si cela peut aider à mieux protéger les diplomates américains déployés à l’étranger. Mais elle a ajouté que le travail de diplomate resterait toujours risqué et qu’il ne fallait pas pour autant renoncer à envoyer des diplomates à l’étranger, même dans les endroits les plus dangereux. De plus, ces diplomates ne peuvent pas travailler correctement si on les enferme dans un bunker, a-t-elle déclaré :
If you ask our most experienced ambassadors, they’ll tell you they can’t do their jobs for us from bunkers. (Si vous interrogez nos ambassadeurs les plus expérimentés, ils vous diront qu’ils ne peuvent pas faire leur travail pour nous depuis des bunkers)
2 – Les sceptiques et les détracteurs de Clinton continueront probablement d’estimer que des zones d’ombre subsistent, même en l’absence de preuves concrètes l’incriminant. Les Républicains qui l’ont interrogée ont ainsi révélé (peut-être le seul élément véritablement nouveau ayant fait surface hier) que le lendemain de l’attaque, Clinton avait déclaré lors d’une rencontre avec le Premier Ministre égyptien que les événements de Benghazi étaient une attaque planifiée et non pas une manifestation qui aurait mal tourné. Rappelons que la Maison Blanche déclarait alors officiellement l’inverse. Elle écrivait également dans un mail adressé à sa famille juste après l’attaque :
Two officers were killed today in Benghazi by an al Qaeda-like group. (Deux officiers ont été tués aujourd’hui à Benghazi par un groupe du type Al-Qaïda)
Hillary Clinton a aussi admis que l’ambassadeur Christopher Stevens ne connaissait ni son adresse e-mail ni son numéro de téléphone personnel. Il adressait donc ses demandes pour un renforcement de la sécurité à d’autres membres du Département d’Etat, dont le travail était de répondre à ce genre de requêtes. Mais pour les Républicains, le fait que Stevens, un ambassadeur en poste dans l’une des zones les plus dangereuses du monde à l’époque, n’ait pas disposé d’un accès direct à la Secrétaire d’Etat est accablant.
Finalement, la journée d’hier n’aura amené aucune nouvelle réponse sur l’ « affaire Benghazi ». Tout le monde risque de camper encore longtemps sur ses positions.