Le deuxième débat démocrate a eu lieu samedi 14 novembre, soit au lendemain des tragiques attentats terroristes ayant frappé la ville de Paris. En voici le compte-rendu.
INTRODUCTION
Ce deuxième débat démocrate était organisé par la chaîne CBS et avait lieu à la Drake University, située dans la ville de Des Moines, en Iowa. Ils n’étaient plus que trois candidats à s’y s’affronter : Hillary Clinton, Bernie Sanders et Martin O’Malley. Ce sont en effet les trois seuls candidats encore en lice pour l’investiture démocrate. Jim Webb et Lincoln Chafee, qui avaient participé au premier débat, ont depuis mis fin à leur campagne.
Le débat avait lieu au lendemain des attentats de Paris, revendiqués par l’Etat Islamique. CBS avait prévenu les candidats le jour même que le programme du débat serait quelque peu bouleversé afin d’évoquer ces attaques. C’est ainsi que les trente premières minutes d’un débat qui devait en principe être consacré majoritairement aux questions économiques ont finalement porté sur la politique étrangère. Ce changement de programme imposé par l’actualité n’a sans doute pas fait les affaires des candidats démocrates qui, depuis le début de leur campagne, insistent bien davantage sur les questions économiques et sociales que sur la politique extérieure. Hillary Clinton est certes expérimentée en la matière mais elle sait qu’elle peut se retrouver mise en difficulté lorsque le sujet est abordé. En raison notamment de l’affaire Benghazi ou de son ancien vote en faveur de la guerre en Irak. Bernie Sanders et Martin O’Malley n’ont quant à eux que très peu d’expérience dans ce domaine et ce n’est clairement pas leur sujet de prédilection.
Dans un registre plus léger, ce débat a permis au chien Griff, mascotte de la Drake University, de faire parler de lui sur Twitter. Ses photos en ont semble-t-il fait craquer plus d’un puisqu’il a fait partie des sujets les plus évoqués sur le réseau social pendant une partie de la soirée. Certains internautes appelaient même à l’élire à la présidence avec le hashtag #VoteGriff.
Signalons aussi que le Parti Démocrate avait choisi de répondre au Parti Républicain, qui avait obligé les journalistes présents lors de son dernier débat à taper le mot de passe StopHillary pour accéder à la connexion Wifi. Les Démocrates avaient choisi comme nom de réseau Wifi 13MillionNewJobs (13 millions de nouveaux emplois) et il était accessible sans mot de passe car « Le Parti Démocrate est le parti de l’intégration ».
LE DÉBAT
Participants : Hillary Clinton, Bernie Sanders, Martin O’Malley
Modérateurs : John Dickerson, journaliste à CBS et présentateur de la célèbre émission politique Face the Nation, était le modérateur principal du débat. Il était assisté de Nancy Cordes (CBS), Kevin Cooney (CBS) & Kathie Obradovich (Des Moines’ Register)
Durée du débat : 2h
Compte-rendu :
- La lutte contre l’Etat Islamique au cœur du débat après les attentats de Paris
Le débat a commencé par une minute de silence en hommage aux victimes des attentats de Paris qui avaient eu lieu la veille. Les trente premières minutes du débat (soit un quart de la durée totale) ont ensuite été consacrées au thème de la sécurité nationale. Les trois candidats démocrates sont d’accord sur l’essentiel : les américains doivent combattre l’Etat Islamique mais au sein d’une coalition internationale, pas de manière unilatérale. Ils s’opposent également tous les trois à l’envoi d’un contingent important de troupes au sol en Syrie.
Les trois candidats sont donc bien globalement sur la même ligne que le président Obama. Seule Hillary Clinton a semblé vouloir s’en détacher quelque peu en affirmant à propos de l’Etat Islamique : It cannot be contained, it must be defeated (Il ne peut pas être contenu, il doit être vaincu). Cette affirmation faisait écho aux propos qu’avait tenus Barack Obama quelques heures seulement avant les attentats de Paris. Il avait déclaré : From the start, our goal has been first to contain, and we have contained them (Dès le départ, notre objectif a d’abord été de les contenir, et nous les avons contenus). Une déclaration qui lui a bien sûr très vite été reprochée par les Républicains. Ceux-ci estiment que de tels propos, tenus quelques jours après l’explosion en plein vol d’un avion russe reliant Sharm El-Sheikh en Egypte à St-Petersbourg (224 morts) et quelques heures avant les attentats de Paris (130 morts, bilan provisoire), prouvent que le président a sous-estimé le pouvoir de l’organisation Etat Islamique et que sa stratégie pour la combattre ne fonctionne pas. Hillary Clinton a donc semble-t-il voulu rappeler qu’elle aurait aimé que l’administration Obama agisse avec un peu plus de fermeté en Syrie. Elle s’est depuis longtemps déclarée favorable à une intensification des frappes ainsi qu’à l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne en Syrie. Mais elle semble toujours opposée à l’envoi d’un contingent massif de troupes américaines au sol. Elle a d’ailleurs déclaré à deux reprises :
It cannot be an American fight. (Cela ne peut pas être une bataille américaine)
Autrement dit, il faut aider davantage les troupes qui combattent l’Etat Islamique sur place (rebelles syriens, kurdes) mais ne pas intervenir unilatéralement.
Bernie Sanders a insisté sur le fait qu’il fallait non seulement agir au sein d’une coalition internationale mais que les pays arabes de la région devaient s’engager dans cette coalition et être au premier rang des combattants. Autrement dit, ce sont ces pays qui devraient envoyer des troupes au sol, car :
This is a war for the soul of Islam. (C’est une guerre pour l’âme de l’Islam)
Martin O’Malley a également tenu à insister sur le fait que l’Amérique avait souvent manqué de vision à long terme lorsqu’elle était intervenue dans la région. D’après lui, l’une des priorités doit être d’investir davantage dans le renseignement afin de mieux connaître la région et aussi de pouvoir prévoir des attaques comme celle de Paris avant qu’elles ne se produisent. Il a aussi plaidé pour que l’on arrête d’utiliser le terme boots on the ground (littéralement chaussures sur le sol, expression qu’utilisent les américains pour parler de l’envoi de soldats au combat) car cela a tendance à faire oublier qu’il s’agit bien de soldats américains, et donc de vies humaines, qui se cachent derrière ce terme.
Bernie Sanders a aussi été interrogé pour savoir s’il pensait toujours que le changement climatique était la menace la plus sérieuse à la sécurité des Etats-Unis. Il a confirmé et ajouté que le changement climatique était directement lié au développement du terrorisme. S’il est vrai que des rapports d’experts en géopolitique prévoient que des problèmes liés au climat, comme celui du manque d’eau, pourraient mener à des conflits internationaux à l’avenir (ce que Sanders a également mentionné), on a du mal à voir en quoi le changement climatique a pu contribuer à la création d’un groupe comme l’Etat Islamique. Si quelqu’un a des arguments en faveur de cette thèse, qu’il se fasse entendre.
Sanders a également attaqué Clinton sur le fait qu’elle ait nié toute responsabilité des Etats-Unis dans le développement de l’Etat Islamique. Il estime que l’invasion de l’Irak en 2003, à laquelle il s’était opposé alors que Clinton avait voté en sa faveur, a largement contribué au développement du terrorisme dans la région. Clinton a donc été amenée une nouvelle fois à reconnaître que son vote en faveur de l’intervention en Irak avait été une erreur. Mais elle a ajouté qu’attribuer tous les problèmes actuels uniquement à cette intervention n’était pas une bonne analyse car le terrorisme existait déjà (et avait déjà fait beaucoup de victimes américaines) bien avant l’intervention en Irak (attaque contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie et bien sûr, attentats du 11 septembre 2001).
- Les Etats-Unis sont-ils en guerre contre l’Islam radical ?
Le débat sur la lutte contre l’Etat Islamique a aussi mis en lumière la question du nom à donner à l’ennemi. Lors de chacune de ses prises de parole, Clinton parlait de « djihadistes radicaux » pour désigner les ennemis de l’Amérique. Le journaliste John Dickerson lui a demandé pourquoi elle ne semblait pas vouloir utiliser le terme « Islam radical » comme le font les Républicains.
DICKERSON : Secretary Clinton, you mentioned radical jihadists. Marco Rubio, also running for president, said that this attack showed and the attack in Paris showed that we are at war with radical Islam. Do you agree with that characterization, radical Islam? (Secrétaire Clinton, vous avez mentionné des djihadistes radicaux. Marco Rubio, qui est également candidat à la présidence, a déclaré que cette attaque à Paris montrait que nous étions en guerre contre l’Islam radical. Etes-vous d’accord avec cette description, Islam radical?)
CLINTON : I don’t think we’re at war with Islam. I don’t think we’re at war with all Muslims. I think we’re at war with jihadists who have… (Je ne pense pas que nous soyons en guerre avec l’Islam. Je ne pense pas que nous soyons en guerre avec tous les musulmans. Je pense que nous sommes en guerre avec des djihadistes qui ont…)
DICKERSON : Just to interrupt. He didn’t say all Muslims. He just said radical Islam. Is that a phrase you don’t… (Je vous interromps. Il n’a pas dit tous les musulmans. Il a juste dit Islam radical. Est-ce que c’est une phrase que vous…)
CLINTON : I think that you can talk about Islamists who clearly are also jihadists […] That was one of the real contributions, despite all the other problems, that George W. Bush made after 9/11, when he basically said after going to a Mosque in Washington, we are not at war with Islam or Muslims. We are at war with violent extremism. We are at war with people who use their religion for purposes of power and oppression. And, yes, we are at war with those people. But I don’t want us to be painting with too broad a brush. (Je pense que l’on peut parler d’Islamistes qui sont clairement aussi des djihadistes […] Ce fut l’une des réelles contributions, malgré tous les autres problèmes, qu’a faite George W. Bush après le 11 septembre, lorsqu’il a dit après avoir été dans une mosquée à Washington, nous ne sommes pas en guerre contre l’Islam ou les musulmans. Nous sommes en guerre avec l’extrémisme violent. Nous sommes en guerre avec des gens qui utilisent leur religion à des fins de pouvoir et d’oppression. Et, oui, nous sommes en guerre contre ces gens-là. Mais je ne veux pas que nous mettions tout le monde dans le même sac)
Hillary Clinton a donc fait référence à George W. Bush pour lui adresser un compliment, ce qui était assez inattendu. Ce dernier s’était en effet rendu dans une mosquée quelques jours après les attentats du 11 septembre. Il y avait déclaré que l’Islam était une religion de paix et que les Etats-Unis n’étaient en aucun cas en guerre contre elle. Il avait par la suite répété ce message à plusieurs reprises, faisant toujours la distinction entre musulmans et terroristes. Il n’utilisait d’ailleurs lui-même pas le terme « guerre contre l’Islam radical » mais sa fameuse expression « guerre contre le terrorisme » (War on Terror), qui lui a par ailleurs valu de nombreuses critiques. Clinton refuse donc d’employer le terme « Islam radical » car il contribuerait à l’amalgame Islam = terrorisme. Mais les Républicains estiment que refuser de parler de guerre contre l’Islam radical revient à refuser de nommer l’ennemi pour ce qu’il est. D’après eux, c’est une grave erreur car comment combattre un ennemi si l’on refuse de reconnaître ce qu’il est? Plusieurs candidats républicains à la présidence ont d’ailleurs tout de suite réagi aux propos de Clinton sur Twitter, dont Jeb Bush.

- Hillary Clinton, Wall Street et le 11 septembre
Hillary Clinton a été quelque peu malmenée par ses deux adversaires, qui lui ont notamment reproché ses liens avec Wall Street. En raison de ces liens, ils ont des doutes sur la capacité et même la volonté réelle de Clinton de réformer Wall Street et son fonctionnement. Bernie Sanders a par exemple qualifié le plan de réforme de Clinton de Not good enough (Pas assez bon), avant d’ajouter :
Why, over her political career, has Wall Street been the major campaign contributor to Hillary Clinton? You know, maybe they’re dumb and they don’t know what they’re going to get, but I don’t think so. (Pourquoi, au cours de sa carrière politique, Wall Street a-t-il été le contributeur majeur aux campagnes d’Hillary Clinton? Vous savez, peut-être qu’ils sont idiots et ne savent pas ce qu’ils vont obtenir, mais je ne le pense pas)
D’après lui, si de grandes firmes contribuent à la campagne électorale d’un candidat, c’est qu’elles attendent forcément quelque chose en retour. Les contributions financières influencent forcément le candidat qui les reçoit. Et cela fait partie de la corruption générale du système politique qu’il dénonce depuis le début de sa campagne. Hillary Clinton s’est un peu emportée, estimant que Sanders avait porté atteinte à son intégrité. Elle a alors tenté de se justifier d’une manière pour la moins étrange :
You know, not only do I have hundreds of thousands of donors, most of them small. And I’m very proud that for the first time a majority of my donors are women, 60%. So, I represented New York and I represented New York on 9/11 when we were attacked. Where were we attacked? We were attacked in downtown Manhattan where Wall Street is. I did spend a whole lot of time and effort helping them rebuild. That was good for New York. It was good for the economy and it was a way to rebuke the terrorists who had attacked our country. (Vous savez, non seulement j’ai des centaines de milliers de donateurs, la plupart d’entre eux petits. Et je suis très fière que pour la première fois une majorité de mes donateurs soient des femmes, 60%. Donc, je représentais New York et je représentais New York le 11 septembre lorsque nous avons été attaqués. Où avons-nous été attaqués? Nous avons été attaqués à Manhattan où Wall Street se trouve. J’ai passé beaucoup de temps et d’effort à les aider à se reconstruire. C’était une bonne chose pour New York. C’était une bonne chose pour l’économie et c’était un moyen de réprimander les terroristes qui avaient attaqué notre pays)
Autrement dit, Clinton justifie ses liens avec Wall Street par le fait qu’elle les ait aidés à se reconstruire après qu’ils aient été victimes des attentats du 11 septembre (ndlr: elle était à l’époque sénatrice de l’état de New York) ! Drôle d’explication et sans doute aussi grosse gaffe. Ces propos ne manqueront certainement pas d’être réutilisés contre elle, que ce soit par les Républicains ou par ses adversaires au sein du camp démocrate.
- L’augmentation du salaire minimum
Bernie Sanders a réaffirmé sa volonté d’augmenter le salaire minimum à 15$ de l’heure dans tout le pays. C’est l’une de ses grandes promesses de campagne.
It is not a radical idea to say that if somebody works 40 hours a week, that person should not be living in poverty. (Ce n’est pas une idée radicale que de dire que quelqu’un qui travaille 40 heures par semaine ne devrait pas vivre dans la pauvreté)
Hillary Clinton s’est quelque peu distancée de Sanders en affirmant être favorable à un salaire minimum fédéral de 12$ de l’heure, et non 15$. Tout en précisant que certaines villes où le coût de la vie est plus élevé pourraient aller au-delà, ce qui est en réalité déjà le cas puisque certaines villes comme New York, Seattle ou Los Angeles ont déjà fixé le salaire minimum à 15$.
- Martin O’Malley s’en prend à Donald Trump
Alors que la question de l’immigration était évoquée, Martin O’Malley en a profité pour se faire remarquer en s’en prenant à Donald Trump. Il l’a qualifié de immigration-bashing carnival barker (que l’on pourrait traduire par aboyeur anti-immigration de carnaval) et a été longuement applaudi. Il a déclaré que Trump ne précisait jamais qu’en réalité, l’immigration nette en provenance du Mexique l’an dernier avait été nulle. Cette affirmation semble justifiée puisqu’une toute récente étude du très réputé Pew Research Center montre qu’entre 2009 et 2014, davantage de mexicains ont quitté les Etats-Unis pour le Mexique que l’inverse. Ce graphique du Washington Post, qui reprend les chiffres de l’étude du Pew Research Center, montre en bleu les mexicains quittant les Etats-Unis pour rentrer au Mexique et en orange les mexicains entrant aux Etats-Unis.

O’Malley a également plaidé pour que les millions d’illégaux présents aux Etats-Unis puissent accéder à la citoyenneté.
Our symbol is the Statue of Liberty. It is not a barbed wire fence. (Notre symbole est la Statue de la Liberté. Ce n’est pas une clôture de fil de fer barbelé)
Notons que Donald Trump semble ne pas avoir apprécié l’attaque d’O’Malley puisqu’il a rapidement publié le tweet suivant :

- Les armes à feu
La question du renforcement de la législation sur le port d’armes à feu a de nouveau été abordée. Hillary Clinton a déclaré que depuis le dernier débat il y a un mois, 3000 personnes étaient mortes par armes à feu dans le pays. It’s an emergency (C’est une urgence), a-t-elle déclaré. Elle a réaffirmé qu’elle ferait tout ce qui est en son pouvoir pour lutter contre la NRA et rendre l’acquisition d’armes à feu plus compliquée, en instaurant notamment un système de vérification d’antécédents universel. Comme lors du premier débat, elle a aussi reproché à Bernie Sanders l’un de ses anciens votes lorsqu’il était sénateur, contre une loi qui aurait rendu pénalement complices les vendeurs d’armes des crimes commis par leurs clients. Ce dernier a refusé de dire que son vote avait été une erreur. Martin O’Malley a lui insisté sur le fait qu’il ait pris des mesures concrètes en matière de lutte contre les armes à feu lorsqu’il était gouverneur. Il essaye d’ailleurs souvent de s’opposer à Hillary Clinton de cette manière, en disant qu’elle ne fait que parler là où lui a un bilan d’actions concrètes à son actif.
- Les e-mails d’Hillary
Les e-mails d’Hillary Clinton ont été à nouveau évoqués, mais très brièvement. On a demandé à Bernie Sanders s’il pensait toujours que les médias en parlaient trop, comme il l’avait affirmé lors du premier débat. Il a confirmé :
I was sick and tired of Hillary Clinton’s e-mails. I am still sick and tired of Hillary Clinton’s e-mails. (J’en avais marre des e-mails d’Hillary Clinton. J’en ai toujours marre des e-mails d’Hillary Clinton)
Il a ajouté que les médias feraient bien d’aborder des questions plus importantes. On a ensuite demandé à Hillary Clinton si les électeurs démocrates ne devaient pas s’inquiéter d’un nouveau rebondissement dans cette affaire, qui pourrait nuire à l’image de leur Parti. Hillary Clinton a déclaré que non.
I think after 11 hours, that’s pretty clear. (Je pense qu’après 11 heures, c’est très clair)
Référence bien sûr à son audition devant le Congrès qui a duré 11 longues heures et qui, d’après elle, a définitivement démontré qu’elle n’avait rien à se reprocher, même si elle a reconnu que l’usage d’un serveur privé n’avait sans doute pas été une bonne décision.
- Une dernière question piège
La dernière question posée à chaque candidat fut la suivante : Tout président traverse au moins une grave crise au cours de son mandat. Quelle est la crise que vous avez expérimenté et qui vous fait dire que vous serez capable d’en affronter une lorsque vous serez président(e) ?
Les premiers mots d’Hillary Clinton furent les suivants : Well, there are so many. I don’t know where to start (Et bien, il y en a tellement. Je ne sais pas par où commencer). Elle a ensuite choisi d’évoquer l’assaut ayant mené à la mort d’Oussama Ben Laden lorsqu’elle était Secrétaire d’Etat. Elle a expliqué que décider de lancer ou non l’assaut avait été une décision difficile à prendre car même si les services de renseignement étaient quasiment certains qu’Oussama Ben Laden se trouvait à l’intérieur du bâtiment visé, la certitude n’est jamais totale. Elle a aussi expliqué que l’opération était tellement secrète qu’elle n’en avait même pas parlé à son mari et ancien président Bill Clinton. Elle estime que c’est une situation qui lui a bien fait réaliser les prises de décision difficiles auxquelles un président peut être confronté.
Martin O’Malley s’exprimait juste après Hillary Clinton et n’a pas été très convaincant puisqu’il n’est pas parvenu à citer un exemple comme on le lui demandait. Il s’est contenté d’affirmer qu’il avait été confronté à plusieurs situations délicates en tant que maire et gouverneur, sans parvenir à en détacher une en particulier.
Bernie Sanders a lui évoqué une législation importante sur les vétérans pour laquelle il a été amené à travailler en collaboration avec des collègues républicains.
- La phrase de la soirée
I’m not that much of a socialist compared to Eisenhower. (Je ne suis pas tellement socialiste que cela comparé à Eisenhower)
Bernie Sanders
Rappelons que Dwight Eisenhower fut président des Etats-Unis de 1953 à 1961 et qu’il était Républicain. Sanders répondait à la question de savoir jusqu’où il avait l’intention d’augmenter l’impôt sur le revenu pour les plus riches. Il a répondu qu’il n’avait pas encore de chiffre exact en tête mais que ce serait moins que les 90% sous Eisenhower. En effet, le taux d’imposition pour les personnes gagnant plus de 400,000$ par an était de plus de 90% sous la présidence d’Eisenhower. La boutade de Sanders a fait sourire beaucoup de monde et il a donc réussi à faire oublier le reste de sa réponse, qui nous semble pourtant problématique. En effet, alors que presque tous les candidats ont désormais un plan précis concernant les taux d’imposition qu’ils voudraient appliquer, lui dit ne pas savoir exactement à quel taux il imposerait les plus riches. Et ce, alors même que la lutte contre les « privilèges des milliardaires » est au cœur de sa campagne.
QUI A REMPORTÉ LE DÉBAT ?
Difficile de dégager un vainqueur et un perdant pour ce débat. Aucune des trois performances n’a été extraordinaire ni catastrophique. Voici ce que l’on peut dire de la performance de chacun des candidats.
Martin O’Malley a attaqué Hillary Clinton à plusieurs reprises, ce qu’il n’avait pas osé faire durant le premier débat. Il s’est donc montré plus combatif. Son attaque contre Donald Trump a aussi eu beaucoup de succès. Bref, il a été bien meilleur que lors du premier débat et est parvenu à se faire remarquer. Les statistiques de Google ont d’ailleurs montré que de nombreuses personnes avaient fait des recherches à son sujet pendant le débat. Pour un homme qui se situe très loin derrière ses deux adversaires dans les sondages, cela suffit sans doute à le considérer comme gagnant au sortir de ce débat, même si sa performance n’a pas pour autant été exceptionnelle.
Hillary Clinton a été attaquée à plusieurs reprises par ses deux adversaires et donc mise davantage en difficulté que lors du premier débat. On ne peut pas dire que sa performance ait été globalement mauvaise mais il nous semble qu’elle a commis trois erreurs importantes :
1 – La plus grave est sans doute son invocation des attentats du 11 septembre pour justifier ses liens avec Wall Street. Une explication peu crédible qui ne manquera pas d’être réutilisée contre elle par ses adversaires.
2 – Son refus de parler de guerre contre l’Islam radical qui va servir d’argument aux Républicains. De même pour la phrase It cannot be an American fight.
3 – Elle pourrait aussi regretter d’avoir prononcé une autre petite phrase que nous n’avons pas mentionnée dans notre compte-rendu : I come from the 60s (Je viens des années 60). On imagine bien comment un adversaire républicain plus jeune qu’elle (Marco Rubio par exemple) pourrait réutiliser cette phrase dans un spot télévisé, en la présentant comme la candidate du passé.
Si l’on tient compte de ces quelques erreurs, il nous semble qu’Hillary Clinton puisse être considérée comme la perdante de la soirée. Mais tous les médias ne partagent pas notre avis. Vox, par exemple, présentait Hillary Clinton comme la gagnante du débat.
Enfin, Bernie Sanders a été égal à lui-même. Il a démontré toute sa passion lorsqu’il s’agit d’évoquer les inégalités sociales ou le droit à l’accès aux soins de santé et à l’éducation. Il a aussi attaqué intelligemment Hillary Clinton sur certains points, comme ses liens avec Wall Street. Mais il a encore une fois montré ses limites, notamment en ce qui concerne la politique étrangère.
UN DÉBAT LE SAMEDI SOIR, MAUVAISE IDÉE ?
Le débat avait lieu un samedi soir et n’a rassemblé que 8,5 millions de téléspectateurs, contre 15,3 millions pour le premier débat qui avait eu lieu un mois auparavant sur CNN. C’est aussi l’audience la plus basse de tous les débats (Démocrates et Républicains confondus) depuis le début de la campagne électorale. Or, on sait que le samedi est le jour où les audiences télévisées sont les plus basses aux Etats-Unis. D’ailleurs, depuis 2000, seulement sept débats sur cent ont été programmés un samedi soir.

Certains se posent donc des questions au sujet des dates choisies par les Démocrates pour leurs débats. Et ce d’autant plus que le prochain aura de nouveau lieu un samedi, et qui plus est le dernier samedi avant les fêtes de Noël (ndlr: samedi 19 décembre). Et le débat suivant aura lieu un dimanche soir, veille d’un lundi férié (pour le Martin Luther King’s Day). Il n’en faut pas plus pour que certains affirment que le Parti Démocrate a volontairement programmé ses débats à des dates lors desquelles un moins grand nombre de personnes sont susceptibles de les regarder. Le but serait d’avantager Hillary Clinton. Ces affirmations sont bien sûr impossibles à prouver mais les critiques sur la programmation des débats se font de plus en plus nombreuses au sein même du Parti. On se souvient d’ailleurs que Martin O’Malley lui-même a émis des critiques et laissé sous-entendre qu’il pensait que le Parti faisait tout ce qui était en son pouvoir pour avantager Clinton. La présidente du Parti, Debbie Wasserman Schultz, a expliqué que l’organisation de quatre des six débats démocrates avait été confiée à des chaînes de télévision auxquelles tous les foyers ont accès (contrairement aux chaînes du câble auxquelles il faut être abonné), ce qui démontre une volonté de toucher un public large. Mais, a-t-elle expliqué, ces chaînes sont souvent réticentes à programmer un débat en semaine. En effet, elles diffusent souvent les soirs de semaine des séries très populaires et à très forte audience. Modifier leur programmation pour remplacer ces séries par un débat risquerait donc de mécontenter un grand nombre de téléspectateurs fidèles.
Et puisque nous parlons programmation, voici pour terminer les dates des deux prochains débats, qui seront aussi les derniers débats de l’année 2015 :
Mardi 15 décembre – Cinquième débat républicain sur CNN. Il sera animé par Wolf Blitzer, l’un des journalistes les plus connus de la chaîne.
Samedi 19 décembre – Troisième débat démocrate sur ABC.
BONUS : LES TWEETS DE MIKE HUCKABEE
Comme lors du précédent débat démocrate, le Républicain Mike Huckabee s’est lâché sur Twitter. Nous vous avons sélectionné ses deux meilleurs tweets de la soirée :

