Mardi 15 décembre, les candidats à l’investiture républicaine se sont retrouvés à l’hôtel The Venetian de Las Vegas pour un cinquième débat. Celui-ci a été exclusivement consacré à la lutte contre le terrorisme et à la sécurité nationale. En voici le compte-rendu.
INTRODUCTION
Ce cinquième débat républicain était organisé par CNN. Les candidats avaient une fois de plus été séparés en deux groupes. Neuf d’entre eux participaient au grand débat diffusé en prime-time alors que les quatre autres étaient relégués au Happy Hour Debate. La répartition avait comme d’habitude été effectuée en fonction de la position des candidats dans les sondages (ndlr: sondages effectués du 29 octobre au 13 décembre). Avec une nouveauté néanmoins. CNN avait en effet décidé de ne pas se baser uniquement sur des sondages effectués au niveau national. Les sondages effectués en Iowa et dans le New Hampshire étaient également pris en considération. Rappelons qu’il s’agit là des deux états dont les électeurs seront les premiers à se prononcer pour les primaires. Le caucus de l’Iowa aura lieu le 1er février et la primaire du New Hampshire le 9 février. Pour être admis sur la scène du débat principal, les candidats devaient donc soit être crédités de plus de 3,5% des voix dans les sondages effectués au niveau national, soit être crédités de plus de 4% en Iowa ou dans le New Hampshire. C’est ce nouveau critère qui a permis à Rand Paul de sauver sa place sur la scène du débat principal, en raison de bons scores dans les derniers sondages réalisés en Iowa (alors qu’il ne disposait plus de la moyenne nécessaire au niveau national). Chris Christie, qui avait été contraint de participer pour la première fois au Happy Hour Debate lors du débat précédent, faisait lui son retour parmi les « grands ».
Plus d’un mois s’était écoulé depuis le dernier débat. Période durant laquelle ont eu lieu les attentats terroristes de Paris et de San Bernardino, en Californie. Le jour même du débat, toutes les écoles de la ville de Los Angeles avaient été contraintes de fermer leurs portes en raison de menaces terroristes jugées crédibles (mais qui se sont ensuite avérées être un canular). Un récent sondage suggérait également que la lutte contre le terrorisme était désormais devenue la préoccupation politique majeure des américains. C’est pourquoi CNN avait décidé de consacrer l’entièreté de son débat au terrorisme et à la sécurité nationale. La conséquence directe de ce choix a été de voir les candidats réaffirmer leurs positions sur ces questions, sans grand changement par rapport aux débats précédents. On a donc parfois eu l’impression d’assister à un certain nombre de répétitions et de tourner un peu en rond. Mais pas le temps de véritablement s’ennuyer pour autant puisque la soirée a été animée par des discussions tendues entre Jeb Bush et Donald Trump ou entre Marco Rubio et Ted Cruz. Le tout sous les yeux de l’ex-candidate à la vice-présidence Sarah Palin.
HAPPY HOUR DEBATE
Participants: Mike Huckabee, Rick Santorum, George Pataki, Lindsey Graham
Modérateurs: Le modérateur principal du débat était Wolf Blitzer, journaliste bien connu à CNN. Il était assisté de Dana Bash, journaliste politique à CNN et de Hugh Hewitt, journaliste conservateur animant son propre talk show à la radio et par ailleurs ancien membre de l’administration Reagan.
Durée du débat: 1h30
Compte-rendu:
- Les réactions à la récente proposition de Donald Trump visant à interdire toute « immigration musulmane »
La toute première question posée aux quatre candidats par Wolf Blitzer était relative à la récente proposition de Donald Trump d’interdire l’accès au territoire américain à tous les musulmans. Lindsey Graham a répété ce qu’il avait déjà dit dans les jours suivant l’annonce de Trump, à savoir que déclarer la guerre à toute une religion n’était pas la bonne solution et n’augmenterait certainement pas la sécurité des américains. Au contraire, de tels propos contribuent selon lui à renforcer l’Etat Islamique qui cherche précisément à créer ce genre de divisions au sein de nos sociétés occidentales afin de pouvoir démontrer à d’éventuelles nouvelles recrues que les musulmans y sont discriminés. De plus, les Etats-Unis ont plus que jamais besoin de leurs alliés musulmans dans la lutte contre l’Etat Islamique et ce n’est pas ce genre de propos qui va les convaincre de lutter à leurs côtés. Graham a également rappelé que très peu de musulmans adhéraient au discours de l’Etat Islamique et que des milliers de musulmans étaient morts en tentant de combattre le groupe terroriste.
George Pataki a lui aussi vigoureusement dénoncé la proposition de Trump, comparant ce dernier aux membres du Know Nothing Party, un parti nativiste américain du dix-neuvième siècle qui voulait à l’époque mettre fin à toute immigration en provenance d’Irlande, de peur que les catholiques ne prennent le pouvoir aux Etats-Unis.
There was a group that tried to do that 150 to 160 years ago, they were called the Know Nothing Party. They wanted to ban Catholics. They thought they were going to destroy America. Well, Donald Trump is the Know Nothing candidate of the 21st century. (Il y a un groupe qui a essayé de faire cela il y a 150 ou 160 ans, ils étaient appelés le Know Nothing Party. Ils voulaient interdire les catholiques. Ils pensaient qu’ils allaient détruire l’Amérique. Et bien, Donald Trump est le candidat Know Nothing du 21ème siècle)
Rick Santorum et Mike Huckabee se sont eux montrés beaucoup plus conciliants vis-à-vis de Donald Trump. Ils se disent en fait tous les deux opposés à la proposition du milliardaire parce qu’elle est inconstitutionnelle et donc impossible à mettre en pratique. Mais ils ne l’ont jamais clairement condamnée en tant que telle. Notons que ce sont les deux seuls candidats républicains dans ce cas, tous les autres ayant exprimé leur désaccord avec le contenu même de la proposition.
Mike Huckabee a déclaré qu’il n’avait pas peur de Donald Trump (I’m not that afraid of Donald Trump) et qu’il ferait de toute façon un meilleur boulot pour garantir la sécurité des américains que l’administration actuelle. Rick Santorum est lui allé jusqu’à déclarer que la proposition de Trump ne visait pas les musulmans mais qu’il avait seulement voulu mettre en évidence le problème de l’efficacité des contrôles aux frontières.
What Donald Trump was saying was nothing against Muslims. His comment was against this administration who doesn’t have a policy to properly vet people coming into this country. (Ce que Donald Trump a dit n’était pas contre les musulmans. Sa remarque était contre cette administration qui n’a pas de politique pour contrôler correctement les personnes entrant dans ce pays)
Il a aussi ajouté que « si tous les musulmans ne sont pas djihadistes, tous les djihadistes sont musulmans » et que c’est une réalité que l’on ne peut pas ignorer.
Plus tard dans le débat, Huckabee et Santorum ont tenu des propos très critiques (certains diront dérangeants) vis-à-vis de l’Islam. Mike Huckabee a expliqué qu’il ne voyait pas d’objection à ce que des agents du FBI aillent écouter ce qu’il se dit dans les mosquées américaines pour prévenir la radicalisation. Il a rappelé que les lieux de culte étaient des lieux publics. Si n’importe qui peut entrer dans une église et écouter ce qui y est prêché, il n’y a pas de raison que ce ne soit pas pareil pour les mosquées. Et d’ajouter :
If Islam is as wonderful and peaceful as its adherents say, shouldn’t they be begging us to all come in and listen to these peaceful sermons? Shouldn’t they be begging us all to come and listen and bring the FBI so we’d all want to convert to Islam? (Si l’Islam est aussi merveilleux et pacifique que ne le disent ses partisans, ne devraient-ils pas nous supplier de tous venir et écouter ces sermons pacifiques? Ne devraient-ils pas nous supplier de tous venir et écouter et amener le FBI pour que nous ayons tous envie de nous convertir à l’Islam?)
La réponse se voulait sans doute en partie humoristique mais si on y regarde de plus près, Huckabee semble tout de même suggérer ne pas croire que l’Islam soit une religion pacifique.
Santorum a lui déclaré :
Islam is different. […] Islam is not just a religion. It is also a political governing structure. […] And, in fact, that political structure is what is the big problem. (L’Islam est différent. […] L’Islam n’est pas seulement une religion. C’est aussi une structure de gouvernance politique. […] Et, en fait, cette structure politique est le grand problème)
C’en était trop pour Lindsey Graham qui a demandé à prendre la parole. Il semblait vouloir s’excuser auprès des musulmans américains pour la tournure que prenait la conversation.
There are at least 3,500 American muslims serving in the armed forces. Thank you for your service. You are not the enemy. Your religion is not the enemy. (Il y a au moins 3,500 américains musulmans servant dans nos forces armées. Merci pour votre service. Vous n’êtes pas l’ennemi. Votre religion n’est pas l’ennemi)
Graham a d’ailleurs souvent eu du mal à cacher son agacement lorsque Rick Santorum s’exprimait. Il levait régulièrement les yeux au ciel. Ces réactions ont rencontré un certain succès auprès des internautes sur les réseaux sociaux, à tel point qu’une journaliste du Washington Post a réalisé une petite vidéo en compilant cinq.
- L’action en Syrie
Si Lindsey Graham fait clairement la distinction entre musulmans et terroristes, il préconise toujours une politique très interventionniste pour lutter contre ceux-ci en Irak et en Syrie. Rappelons qu’il appelle depuis le début de sa campagne à l’envoi de troupes au sol (10,000 hommes en Irak et 10,000 hommes en Syrie, en coalition avec des troupes arabes). D’après lui, l’envoi d’un contingent important de troupes au sol est la seule manière de détruire l’Etat Islamique. Les frappes aériennes ne peuvent pas suffire. Et il est urgent d’agir avant que l’Etat Islamique ne frappe les Etats-Unis comme il a frappé Paris. Graham a d’ailleurs qualifié Rand Paul et Ted Cruz (qui s’opposent à l’envoi de troupes au sol) d’isolationnistes dont les solutions ne sont pas meilleures que celles de Barack Obama.
- I miss George W. Bush
Graham a également accusé Obama d’être largement responsable de l’essor de l’Etat Islamique en raison de sa décision de retirer les troupes américaines d’Irak en 2011. Il estime que ce retrait était prématuré. Il a ensuite affirmé qu’il regrettait George W. Bush.
George W. Bush made mistakes, but he did adjust. I blame Obama for ISIL, not Bush. I’m tired of beating on Bush. I miss George W. Bush. I wish he were president right now. We wouldn’t be in this mess. (George W. Bush a fait des erreurs, mais il s’est adapté. Je tiens Obama pour responsable pour l’Etat Islamique, pas Bush. J’en ai assez de frapper sur Bush. George W. Bush me manque. J’aimerais qu’il soit président en ce moment. Nous ne serions pas dans ce pétrin)
Ce fut l’un des moments les plus mémorables de ce Happy Hour Debate, tant Graham semblait ému au moment de prononcer ces mots. C’était aussi assez inattendu. En effet, George W. Bush reste un président plutôt impopulaire et son action en Irak est souvent décriée. On s’attendait donc plutôt à ce que les candidats républicains essayent de faire oublier cet héritage.
- La place des femmes dans l’armée
Le Pentagone a récemment ouvert tous les postes de combat au sein de l’armée aux femmes. Certaines positions leur étaient jusque-là encore interdites. Rick Santorum avait critiqué cette décision. Il a donc été interrogé à ce sujet et semble sceptique sur la capacité des femmes à effectuer certaines tâches. Il a affirmé que plusieurs études avaient démontré que les femmes n’avaient pas les capacités physiques nécessaires pour mener à bien certaines missions. Il envisagerait donc de revenir sur la décision du Pentagone s’il était élu à la présidence. Lindsey Graham semblait une fois de plus en désaccord complet avec son collègue et a déclaré qu’en ce qui le concernait, il soutiendrait toute femme qui avait la volonté de « tuer des terroristes ».
- Le message de Mike Huckabee à la jeunesse américaine
Mike Huckabee tenait apparemment à faire passer un message fort aux jeunes américains, qui sont de moins en moins nombreux à s’engager dans l’armée.
All over America I hear young people say, would you tell me what you’re going to do? Would you give me free college? Will you make sure that I can have medical marijuana? You know what we ought to tell young people? We aren’t going to give you anything. We’ll give you the opportunity to get off your butt and go serve your country and secure your freedom. Because if you don’t, nobody else is. (Partout en Amérique j’entends des jeunes gens dire, qu’allez-vous faire? Allez-vous me donner un accès gratuit à l’université? Allez-vous vous assurer que j’ai accès à la marijuana? Vous savez ce que nous devrions dire aux jeunes? Nous n’allons rien vous donner du tout. Nous allons vous donner l’occasion de vous bouger les fesses et d’aller servir votre pays et protéger votre liberté. Parce que si vous ne le faites pas, personne ne le fera)
Le message est passé…
- Les bons mots de Lindsey Graham
Lindsey Graham s’est distingué tout au long de la soirée par des petites formules dont il a le secret, et qui n’ont pas manqué de retenir l’attention. En voici deux :
ISIL would be dancing in the streets, they just don’t believe in dancing / L’Etat Islamique danserait dans les rues, sauf qu’ils ne croient pas à la danse. (Si l’idée de Donald Trump d’interdire l’accès au territoire américain à tous les musulmans était mise en place)
I’m not afraid of a guy riding around on a horse without his shirt / Je n’ai pas peur d’un homme qui se promène à cheval torse nu. (Au sujet de Vladimir Poutine)
- L’information capitale de la soirée
World War III has begun. (La Troisième Guerre Mondiale a commencé)
– Rick Santorum
DÉBAT PRINCIPAL
Participants: Donald Trump, Ben Carson, Ted Cruz, Marco Rubio, Jeb Bush, Carly Fiorina, Chris Christie, John Kasich, Rand Paul
Modérateurs: Wolf Blitzer, assisté de Dana Bash et Hugh Hewitt. Comme lors du Happy Hour Debate.
Durée du débat: 2h15
Compte-rendu:
- Bush vs Trump, épisode 1
Après que la proposition de Donald Trump d’interdire toute « immigration musulmane » aux Etats-Unis ait fait polémique et suscité la réprobation de la plupart de ses adversaires, on se demandait si ceux-ci allaient profiter de ce débat pour réaffirmer leur désaccord et attaquer le milliardaire à ce sujet. En réalité, Jeb Bush fut le seul à se lancer dans la bataille.
La première attaque de Bush est intervenue lorsque Wolf Blitzer lui a demandé d’exprimer son opinion au sujet de la proposition de Trump. Il a déclaré que cette proposition n’était pas sérieuse. Comme Lindsey Graham lors du Happy Hour Debate, il a insisté sur le fait que de nombreux alliés des Etats-Unis étaient musulmans et que c’était justement le moment de renforcer les liens avec eux pour les encourager à s’engager contre le terrorisme, et non l’inverse. Puis est venue l’attaque principale :
He’s a chaos candidate. And he’d be a chaos president. (C’est le candidat du chaos. Et ce serait le président du chaos)
Réponse de Trump :
Jeb doesn’t really believe I’m unhinged. He said that very simply because he has failed in this campaign. It’s been a total disaster. Nobody cares. And frankly, I’m the most solid person up here. I built a tremendous company and all I want to do is make America great again. (Jeb ne pense pas vraiment que je sois déséquilibré. Il a dit cela seulement parce qu’il a échoué dans cette campagne. Cela a été un désastre total. Tout le monde s’en fiche. Et franchement, je suis la personne la plus solide ici. J’ai construit une entreprise formidable et tout ce que je veux est rendre l’Amérique grande à nouveau)
- Bush vs Trump, épisode 2
Un autre épisode tendu entre Donald Trump et Jeb Bush est intervenu après que Trump ait confirmé envisager la possibilité de tuer les membres des familles des terroristes de l’Etat Islamique pour les dissuader d’agir ! (Non, vous ne rêvez pas)
Bush a immédiatement réagi en disant que cette proposition était « folle » :
The idea that that is a solution to this is just crazy. It makes no sense to suggest this. (L’idée que cela soit une solution est juste folle. Cela n’a aucun sens de suggérer cela)
Il a ensuite enchaîné en attaquant Trump de la manière suivante :
Look, two months ago Donald Trump said that ISIS was not our fight. Just two months ago ! He said that Hillary Clinton would be a great negotiator with Iran. And he gets his foreign policy experience from the shows. (Ecoutez, il y a deux mois Donald Trump a dit que l’Etat Islamique n’était pas notre combat. Il y a seulement deux mois ! Il a dit qu’Hillary Clinton serait une super négociatrice avec l’Iran. Et il tire son expérience en politique étrangère des shows télévisés)
Les accusations de Bush sont fondées. Avant d’être candidat à la présidence, Trump avait déclaré lors d’une interview à CNN qu’Hillary Clinton était la personne adéquate pour négocier un deal avec l’Iran. Ce n’est pas la première fois que cela lui est reproché par l’un de ses adversaires. C’est également lors d’une interview à CNN qu’il avait répondu à un journaliste lui demandant d’où il tirait ses connaissances de la politique internationale qu’il « regardait les show télévisés ». Enfin, concernant l’affirmation selon laquelle les Etats-Unis ne devraient pas se battre contre l’Etat Islamique, elle est également correcte. Le site Politifact, qui vérifie la véracité des propos des hommes et femmes politiques, précise que lors d’une interview datant d’il y a deux mois, Trump a déclaré ceci : Let Syria and ISIS fight. Why do we care? Let ISIS and Syria fight. And let Russia, they’re in Syria already, let them fight ISIS. (Laissons la Syrie et l’Etat Islamique se battre. Pourquoi nous sentons-nous concernés? Laissons l’Etat Islamique et la Syrie se battre. Et laissons la Russie, qui est déjà en Syrie, se battre contre l’Etat Islamique). Politifact ajoute que lors d’une interview plus ancienne (datant du mois de juillet), Trump avait été encore plus clair : That’s not our fight. That’s other people’s fight. (Ce n’est pas notre combat. C’est le combat d’autres personnes).
Trump a pourtant nié avoir tenu de tels propos lorsque Bush l’en a accusé. La discussion s’est ensuite poursuivie entre les deux hommes, Bush se montrant bien plus combatif que lors des débats précédents, n’hésitant pas à interrompre Trump avant qu’il n’ait le temps de terminer ses phrases. Trump s’est rapidement agacé, l’accusant de l’interrompre sans cesse. Bush, rappelé à l’ordre par Wolf Blitzer, a déclaré non sans humour qu’il ne faisait qu’utiliser la méthode habituelle de Trump (A little of your own medicine there, Donald). La suite de la discussion a permis à Bush d’attaquer Trump une fois de plus.
TRUMP : We need toughness. We need strength. We’re not respected, you know, as a nation anymore. We don’t have that level of respect that we need. And if we don’t get it back fast, we’re just going to go weaker and just disintegrate. We can’t allow that to happen. We need strength. We don’t have it. When Jeb comes out and he talks about the border, and I saw it and I was witness to it, and so was everyone else, and I was standing there, « they come across as an act of love ». He’s saying the same thing right now with radical Islam. And we can’t have that in our country. It just won’t work. We need strength. (Nous avons besoin de dureté. Nous avons besoin de force. Nous ne sommes plus respectés, vous savez, en tant que nation. Nous n’avons plus ce niveau de respect dont nous avons besoin. Et si nous ne le récupérons pas rapidement, nous allons juste devenir plus faibles et juste nous désintégrer. Nous ne pouvons pas permettre que cela arrive. Nous avons besoin de force. Nous n’en avons pas. Quand Jeb sort et qu’il parle de la frontière, et je l’ai vu et j’en ai été le témoin, comme tout le monde, et il se tenait là, « ils traversent la frontière comme un acte d’amour ». Il dit la même chose à présent avec l’Islam radical. Et nous ne pouvons pas avoir cela dans notre pays. Cela ne fonctionnera pas. Nous avons besoin de force)
BLITZER : Governor Bush (Gouverneur Bush)
BUSH : Donald, you’re not going to be able to insult your way to the presidency. That’s not going to happen. And I do have the strength. Leadership is not about attacking people and disparaging people. Leadership is about creating a serious strategy to deal with the threat of our time. And I laid out that strategy before the attacks in Paris and before the attacks in San Bernardino. And it is the way forward. We need to increase our military spending. We need to deal with a no-fly zone in Syria, a safe zone. We need to focus on building a military that is second-to-none so that we can destroy Islamic terrorism. (Donald, tu n’arriveras pas à gagner la présidence à coups d’insultes. Cela n’arrivera pas. Et j’ai de la force. Le leadership ce n’est pas attaquer et dénigrer les gens. Le leadership c’est créer une stratégie sérieuse pour faire face à la menace de notre temps. Et j’ai exposé cette stratégie avant les attaques de Paris et avant les attaques de San Bernardino. Et c’est comme cela qu’il faut procéder. Nous devons augmenter nos dépenses militaires. Nous devons installer une zone d’exclusion aérienne en Syrie, une zone de sécurité. Nous devons nous concentrer sur la construction d’une armée qui n’a pas son pareil de manière à pouvoir détruire le terrorisme islamique)
TRUMP : With Jeb’s attitude, we will never be great again, that I can tell you. We will never be great again. (Avec l’attitude de Jeb, nous ne serons jamais grands à nouveau, ça je peux vous le dire. Nous ne serons jamais grands à nouveau)
Trump semblait donc pour la première fois perdre un peu ses moyens face à Bush et surtout, il semblait être à court d’arguments.
Notons également que Rand Paul a lui aussi réagi à la proposition de Trump de tuer les familles des terroristes :
If you are going to kill the families of terrorists, realize that there’s something called the Geneva Convention we’re going to have to pull out of. (Si vous voulez tuer les familles des terroristes, vous devez réaliser qu’il y a quelque chose appelé la Convention de Genève dont nous allons devoir nous retirer)
On peut sans doute s’étonner que deux personnes seulement aient réagi pour dénoncer une telle proposition.
- Bush vs Trump, épisode 3
Plus tard, Jeb Bush est encore revenu à la charge. Alors qu’il était interrogé pour savoir en quoi il serait plus à même de gérer la situation internationale que Donald Trump, il a répondu :
I know what I don’t know. I would seek out, as I have, the best advice that exists. I won’t get my information from the shows. I don’t know if that’s Saturday morning or Sunday morning shows. (Je sais ce que je ne sais pas. J’irais chercher, comme je l’ai déjà fait, les meilleurs conseils qui existent. Je n’obtiendrai pas mes informations des shows télévisés. Je ne sais pas si ce sont les shows du samedi matin ou du dimanche matin)
Référence au fait que le samedi matin, ce sont habituellement des dessins animés qui sont diffusés sur les chaînes américaines, et des émissions d’information le dimanche matin. C’en était trop pour Donald Trump qui au lieu de répondre à Bush s’en est pris aux journalistes, accusant CNN de ne pas gérer le débat de manière professionnelle. Il a ensuite rappelé à Bush qu’il était bien mieux classé que lui dans les sondages.
- Ted Cruz vs Marco Rubio
L’autre bataille qui a marqué la soirée est celle ayant opposé Ted Cruz à Marco Rubio. Tous deux sont de jeunes sénateurs, qui incarnent une nouvelle génération. Ils sont tous deux bien classés dans les sondages (seuls Donald Trump et Ben Carson les devancent mais ce dernier est en perte de vitesse). Ils font aujourd’hui partie de ceux qui semblent pouvoir remporter l’investiture. Au-delà de ces points communs, ils sont en désaccord sur de nombreux sujets, notamment en ce qui concerne la politique étrangère. Rubio incarne l’aile interventionniste du parti alors que Cruz est beaucoup plus isolationniste. Ils incarnent aussi à eux seuls la lutte qui se joue aujourd’hui au sein du Parti Républicain entre l’aile la plus dure qui refuse tout compromis avec les Démocrates et n’hésite pas à s’en prendre aux cadres du parti jugés trop adeptes des compromis au Congrès (incarnée par Cruz) et une aile plus modérée prête à travailler en collaboration avec les Démocrates sur des dossiers importants (incarnée par Rubio). Lorsqu’ils sont arrivés au Sénat après avoir été élus pour la première fois, Cruz et Rubio ont d’ailleurs eu des attitudes très différentes. Cruz a rapidement critiqué les méthodes de travail en vigueur à Washington et s’en est pris ouvertement à plusieurs membres de son propre parti. Il n’a pas hésité non plus à se faire remarquer en participant à des filibusters. Son attitude lui a d’ailleurs valu de se faire détester par un certain nombre de cadres du parti. Rubio s’est lui montré beaucoup plus discret et plus respectueux de ses collègues en poste depuis plus longtemps que lui. Et il a notamment participé à la rédaction d’un projet de loi bipartisan sur la réforme de l’immigration (qui n’a ensuite pas été adopté). Il était devenu évident que les deux hommes finiraient un jour ou l’autre par s’affronter. Ce fut le cas à plusieurs reprises lors de ce débat.
Tout d’abord, en ce qui concerne la fin du programme permettant à la NSA d’intercepter les écoutes téléphoniques d’un très grand nombre de citoyens américains. Plusieurs parlementaires estimaient que ce programme d’écoutes généralisé allait à l’encontre de la protection de la vie privée et se sont battus pour qu’on y mette fin. C’était notamment le cas de Rand Paul (qui en avait fait l’un de ses combats principaux au Sénat) mais aussi de Ted Cruz. La suppression de ce programme, entraînant une réduction des pouvoirs de la NSA, a finalement été votée en mai dernier au Congrès. Elle a été adoptée par une majorité bipartisane. Rand Paul et Ted Cruz ont voté pour. Marco Rubio avait lui voté contre cette réforme, jugeant que les moyens mis à la disposition de la lutte contre le terrorisme ne devaient pas être réduits. Il a donc attaqué Ted Cruz en l’accusant de promettre aux électeurs de lutter fermement contre le terrorisme alors même qu’il avait voté en faveur de la réduction des pouvoirs de la NSA. D’après lui, c’est contradictoire. De même, il a critiqué le refus de Cruz d’envoyer des troupes au sol en Syrie, disant qu’il ne peut pas promettre de détruire l’Etat Islamique comme il le fait sans envoyer de troupes au sol.
Cruz et Rubio se sont aussi affrontés sur la question de l’immigration, le premier accusant le second de ne pas être assez strict en la matière. Si Rubio veut renforcer la lutte contre l’immigration illégale, il est favorable à ce que les personnes présentes illégalement sur le territoire américain depuis plusieurs années, y ayant construit leur vie et n’ayant jamais commis de crime puissent régulariser leur situation en échange du paiement d’une amende. Rubio a quant à lui accusé Cruz d’avoir eu une position semblable à la sienne avant de changer d’avis sur la question, ce que Cruz a nié.
- Rand Paul vs Marco Rubio
Ted Cruz n’est pas le seul à s’en être pris à Marco Rubio sur la question de l’immigration. Ce fut aussi le cas de Rand Paul. Ce dernier a accusé Rubio de soutenir l’espionnage massif des américains par la NSA mais de ne pas lutter suffisamment contre l’immigration alors que renforcer les contrôles sur les personnes entrant aux Etats-Unis serait bien plus efficace pour lutter contre le terrorisme. Paul a affirmé qu’il y avait toujours eu des immigrants impliqués dans les actions terroristes commises sur le sol américain. C’est pour cela qu’après les attentats de Paris, il a introduit une proposition de loi au Sénat (qui n’a pas reçu le soutien nécessaire pour être adoptée) qui proposait d’interdire tout accès aux Etats-Unis aux ressortissants d’un certain nombre de pays où des organisations terroristes comme l’Etat Islamique ou Al-Qaïda sont fortement implantées. Cela signifie qu’aucun ressortissant de ces pays n’aurait plus pu venir aux Etats-Unis, même pour étudier ou pour faire du tourisme. La proposition de Paul prévoyait également que les ressortissants des pays qui n’ont pour le moment besoin d’aucun visa pour se rendre aux Etats-Unis en tant que touristes (les pays européens notamment) doivent désormais à nouveau faire une demande de visa et donc être davantage contrôlés. Paul a accusé Rubio d’avoir voté contre sa proposition de loi. Rubio a confirmé, affirmant que celle-ci ne se focalisait pas sur le terrorisme et n’avait donc pas beaucoup de sens.
It would have banned anyone from coming here. Someone from Taiwan would not have been able to come here as a tourist. (Cela aurait empêché tout le monde de venir aux Etats-Unis. Un ressortissant de Taïwan n’aurait plus été autorisé à venir ici en tant que touriste)
Rubio a également rappelé que l’un des attaquants de San Bernardino était un citoyen américain et non un immigrant.
- L’action en Syrie
Rand Paul a encore une fois mis en garde contre une nouvelle intervention américaine au Moyen-Orient, en Irak et en Syrie en l’occurrence. D’après lui, il ne faut surtout pas que les Etats-Unis se mêlent des affaires des syriens et renversent Bachar El-Assad. Il estime qu’à chaque fois que les Etats-Unis ont renversé un dictateur dans la région, cela n’a fait qu’aggraver la situation et laisser le champ libre aux groupes terroristes.
We have to have a more realistic foreign policy and not a utopian one where we say « oh, we’re going to spread freedom and democracy, and everybody in the Middle East is going to love us ». They are not going to love us. (Nous devons avoir une politique étrangère plus réaliste et pas utopique où on dit « oh, nous allons répandre la liberté et la démocratie et tout le monde au Moyen-Orient va nous aimer ». Ils ne vont pas nous aimer)
Paul est également catégoriquement opposé à l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne en Syrie, mesure préconisée par la majorité des autres candidats (et par Hillary Clinton côté démocrate). Pourquoi? Parce qu’il est persuadé que les russes ne la respecteraient pas. Les américains seraient donc obligés d’abattre les avions russes qui ne respecteraient pas leur décision, ce qui risquerait de mener à un conflit d’ampleur mondial qu’il faut à tout prix éviter. Voici comment Paul a réagi après que Chris Christie ait affirmé vouloir mettre en place cette zone d’exclusion aérienne et déclaré être prêt à abattre les avions russes ne la respectant pas :
Well, I think if you’re in favor of World War III, you have your candidate. (Et bien, je pense que si vous êtes en faveur de la Troisième Guerre Mondiale, vous avez votre candidat)
Pour Rand Paul, zone d’exclusion aérienne en Syrie rime donc bien avec risque de déclenchement d’une Troisième Guerre Mondiale. Rick Santorum devrait peut-être l’avertir qu’elle a déjà commencé 😉
- Le manque de connaissances de Donald Trump mis en lumière
Donald Trump a été pris en flagrant délit d’ignorance. Il a en effet eu beaucoup de mal à répondre à la question du journaliste Hugh Hewitt lui demandant laquelle des trois branches de la triade nucléaire devrait être renforcée en priorité. Trump ne semblait en fait pas du tout savoir de quoi il s’agissait et a répondu vaguement que la prolifération nucléaire était une menace pour tout le monde.
Interrogé juste après Trump, Marco Rubio en a profité pour démontrer que lui savait bien de quoi il s’agissait. Je le laisse vous l’expliquer.
First, let’s explain to people at home what the triad is. Maybe a lot of people haven’t heard that terminology before. The triad is the ability of the United States to conduct nuclear attacks using airplanes, using missiles launched from silos or from the ground, and also from our nuclear subs. (D’abord, expliquons aux gens chez eux ce qu’est la triade. Peut-être que beaucoup de gens n’ont jamais entendu cette terminologie. La triade est la capacité des Etats-Unis à mener des attaques nucléaires en utilisant des avions, des missiles lancés depuis des silos ou depuis le sol, et aussi depuis nos sous-marins nucléaires)
Correct, Marco. Le terme triade nucléaire désigne bien les trois moyens d’action dont les Etats-Unis disposent pour lancer une attaque nucléaire (depuis un avion, un sous-marin ou une installation militaire située sur le sol américain). Parmi les pays disposant de l’arme nucléaire, seuls les Etats-Unis et la Russie disposent de ces trois moyens d’action.
- Donald Trump jure fidélité au Parti Républicain
À la fin du débat, Donald Trump a assuré qu’il était « totalement dévoué au Parti Républicain » et a réaffirmé qu’il entendait tenir parole et ne pas se présenter comme candidat indépendant à l’élection générale s’il ne remportait pas les primaires du parti.
- Le closing statement de Donald Trump
Comme toujours, chaque candidat a eu le droit de prononcer une dernière déclaration pour conclure le débat. Nous ne résistons pas à la tentation de partager avec vous celle de Donald Trump, tant elle illustre bien la rhétorique qu’utilise le milliardaire depuis le début de sa campagne.
Our country doesn’t win anymore. We don’t win on trade. We don’t win on the military. We can’t defeat ISIS. We’re not taking care of our great people, the veterans. We’re not taking care of them. We have to change our whole way. Our health care system is a disaster. It’s going to implode in 2017, just like you’re sitting there. It doesn’t work. Nothing works in our country. If I’m elected president, we will win again. We will win a lot. And we’re going to have a great, great country, greater than ever before. Thank you. (Notre pays ne gagne plus. Nous ne gagnons plus en commerce. Nous ne gagnons plus militairement. Nous ne parvenons pas à vaincre l’Etat Islamique. Nous ne prenons pas soin de nos personnes formidables, les vétérans. Nous ne prenons pas soin d’eux. Nous devons tout changer. Notre système de soins de santé est un désastre. Il va imploser en 2017, aussi sûr que vous êtes assis ici. Il ne fonctionne pas. Rien ne fonctionne dans notre pays. Si je suis élu président, nous gagnerons à nouveau. Nous gagnerons beaucoup. Et nous aurons un grand, grand pays, plus grand que jamais auparavant. Merci)
QUE DIRE DE LA PERFORMANCE DES DIFFÉRENTS CANDIDATS ?
Difficile de dégager un grand vainqueur à la fin de ce débat. D’ailleurs, la presse n’était pas unanime dans ses analyses le lendemain. Sans prétendre détenir la vérité absolue, nous vous livrons notre opinion sur la performance des différents candidats.
- Les bonnes performances
Jeb Bush
Enfin, a-t-on envie de dire. Bush s’est montré beaucoup plus sûr de lui que lors des débats précédents. On sait qu’il a embauché un expert en communication pour le coacher dans ce domaine après sa très mauvaise prestation lors du troisième débat et le travail semble porter ses fruits. Comme nous l’avons déjà souligné, il a été le seul (avec Rand Paul à une reprise) à s’attaquer à Donald Trump. Et avec bien plus de succès que les fois précédentes. La question est désormais de savoir si cela suffira à relancer sa campagne en difficulté. N’est-il pas déjà trop tard? Seul l’avenir nous le dira. Cette bonne prestation aura en tout cas sans doute pour effet de remobiliser ses troupes qui devaient être un peu découragées ces derniers temps. C’est déjà un bon point.
Marco Rubio
Rubio a encore une fois démontré qu’il était le candidat le plus à l’aise dans l’exercice du débat. Il a également pu démontrer qu’il disposait des connaissances nécessaires en matière de politique étrangère. Il se pose donc plus que jamais comme un candidat sérieux à l’investiture.
Ted Cruz
Le plus doué dans l’art de débattre avec Marco Rubio. Certains journalistes trouvaient que sa performance était un peu décevante par rapport aux précédentes. C’est possible mais il reste d’après nous l’auteur d’une performance convaincante. Le fait que Rubio et Cruz aient tous les deux été bons tout en affichant leurs différences de points de vue nous laisse penser que l’on assistera certainement à d’autres oppositions intéressantes entre les deux hommes lors des prochains débats.
Rand Paul
La performance de Rand Paul fut également solide. Peut-être sa meilleure performance depuis le début, tout comme Bush. Mais ses positions isolationnistes et libertariennes restent minoritaires au sein de son propre camp.
- Les performances mitigées
Chris Christie
La plupart des journaux ont plutôt salué la performance de Chris Christie comme positive. Il est vrai que dans un débat focalisé sur la lutte contre le terrorisme, il a réussi à mettre en avant son expérience en la matière (ndlr: il a été procureur à New York pendant plusieurs années et a instruit plusieurs affaires liées au terrorisme après les attentats du 11 septembre 2001). Mais il nous a paru parfois un peu excessif dans ses jugements. Il a par exemple déclaré que le débat entre Ted Cruz et Marco Rubio sur les écoutes de la NSA était caractéristique des « discussions interminables » auxquelles on assiste régulièrement au Sénat et qui n’intéressent pas les américains, qui veulent avant tout pour président quelqu’un capable d’agir concrètement. Prétendre que les américains ne s’intéressent pas au débat, n’est-ce pas un peu méprisant vis-à-vis des électeurs?
Carly Fiorina
Même constat que lors du débat précédent. Fiorina semble toujours aussi sûre d’elle et, comme Marco Rubio et Ted Cruz, s’exprime plutôt bien. Elle a donc des atouts. Mais l’effet de surprise dont elle a bénéficié lors des premiers débats a disparu. À l’époque, les électeurs découvraient une femme qui n’était pas issue du monde politique et qui semblait pourtant maîtriser ses dossiers et avoir l’étoffe nécessaire pour devenir présidente. On peut donc comprendre qu’elle ait suscité un certain enthousiasme. Mais depuis, elle semble peiner à proposer de nouvelles idées. On a même parfois l’impression qu’elle réutilise exactement les mêmes phrases d’un débat à l’autre.
Un bon point tout de même à mettre à son crédit. Elle a soulevé un point intéressant lorsqu’elle a évoqué l’importance de la technologie dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Elle a rappelé que l’iPhone ou Twitter avaient été inventés des années après la mise en place du Patriot Act. Depuis l’adoption de celui-ci, la technologie a donc considérablement évolué et les terroristes ont évolué avec elle. On voit bien que l’Etat Islamique se sert très efficacement des nouvelles technologies. Et d’après Fiorina, le gouvernement américain n’a pas investi assez dans ce domaine et aurait donc un train de retard sur les terroristes. Elle voudrait que le gouvernement investisse pour rattraper son retard et demande aux entreprises de la Silicon Valley de collaborer plus étroitement avec lui dans la lutte anti-terroriste (ndlr: certaines entreprises comme Facebook et Twitter sont encore réticentes à partager les données privées de leurs utilisateurs avec les services de renseignement).
- Les mauvaises performances
Donald Trump
Pour la première fois, Donald Trump a été véritablement mis à mal par les attaques de Jeb Bush et a été incapable de répondre à une question sur la triade nucléaire. Mais il est peu probable que cela soit suffisant pour entamer l’enthousiasme de ses supporters les plus fervents.
John Kasich
Le gouverneur de l’Ohio n’a jamais réussi à s’imposer dans le débat ni à se distinguer. Et surtout, nous lui décernons la palme d’or de la déclaration la plus stupide de la soirée :
And when I see they have a climate conference over in Paris, they should have been talking about destroying ISIS. (Et quand je vois qu’ils ont achevé une conférence sur le climat à Paris, ils auraient dû parler de comment détruire l’Etat Islamique)
Référence bien sûr à la récente COP21. Il nous semble logique que l’on ait parlé du climat et non du terrorisme lors d’une conférence sur le climat. Qu’en pensez-vous?
Ben Carson
Carson est sans doute le plus grand perdant de la soirée. En perte de vitesse ces dernières semaines dans les sondages, ce débat était l’occasion pour lui de rassurer sur ses capacités à gérer la politique étrangère du pays. Il n’y est pas parvenu. De plus, il a même parfois refusé de prendre position sur certaines questions ! Par exemple, lorsqu’on lui a demandé qui de Marco Rubio ou de Rand Paul avait raison sur la question des écoutes de la NSA, il a refusé de donner une réponse.
I think you have to ask them about that. I don’t want to get in between them. Let them fight. (Je pense que c’est à eux que vous devez le demander. Je ne veux pas m’interposer entre eux. Laissez-les se battre)
Difficile quand même d’imaginer qu’il puisse ne pas avoir d’opinion à ce sujet. À sa décharge, il semble que Carson luttait contre un gros refroidissement puisqu’on l’a entendu tousser tout au long de la soirée. Il n’était donc sans doute pas en pleine forme.
LA PEUR, GRANDE GAGNANTE DU DÉBAT ?
S’il semblait logique que le premier débat ayant lieu après les attentats de Paris et de San Bernardino soit en partie consacré à la question du terrorisme et de la sécurité nationale, était-il normal de ne parler QUE de cela pendant plus de deux heures? Le choix de CNN n’a pas fait l’unanimité. Plusieurs articles de presse l’ont remis en question. Un article de Politico (How fear won the GOP Debate) estimait ainsi que la peur était la grande gagnante du débat. D’après l’auteur, ce débat aura contribué à ancrer dans la tête des américains qu’ils doivent avoir plus peur que jamais pour leur sécurité. L’article reprend à titre d’exemples les propos de Lindsey Graham (Un autre 11 septembre se prépare), de Ben Carson (Notre nation court un grand danger) ou encore de Chris Christie (Si San Bernardino est une cible pour les terroristes, cela signifie que n’importe quel endroit est une cible pour les terroristes). Le seul candidat ayant suggéré aux américains de ne pas se laisser gagner par la peur est Rand Paul :
I think we defeat terrorism by showing them that we do not fear them. I think if we ban certain religions, if we censor the Internet, I think that at that point the terrorists will have won. (Je pense que nous vaincrons le terrorisme en leur montrant que nous n’avons pas peur d’eux. Je pense que si nous interdisons certaines religions, que nous censurons Internet, je pense qu’à ce moment-là les terroristes auront gagné)
Le point de vue développé dans cet article nous a semblé intéressant et les critiques adressées à CNN nous semblent en partie fondées. Par contre, les modérateurs du débat ont plutôt fait du bon boulot en ce qui concerne la gestion du débat en lui-même. Celui-ci a en effet permis de mettre bien en évidence les fractures existant au sein du camp républicain, notamment sur la question de l’interventionnisme et de la nécessité ou non de renverser des régimes dictatoriaux au Moyen-Orient ou sur la question de la place à donner à la protection de la vie privée dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
QUELQUES STATISTIQUES
Voici la répartition du temps de parole entre les différents candidats lors du Happy Hour Debate…

… et lors du débat principal

CNN a aussi calculé le nombre d’attaques verbales entre les candidats lors du débat principal.

L’opposition entre Donald Trump et Jeb Bush a bien été la plus importante de la soirée. D’après les calculs de CNN, Bush a attaqué Trump à 10 reprises (alors que Trump s’en est lui pris à l’ancien gouverneur de Floride à 8 reprises). Bush n’a en revanche attaqué aucun autre de ses adversaires. Outre Bush, le seul autre candidat à s’en être pris à Trump est Rand Paul (à 1 seule reprise seulement). La plupart des candidats semblent donc toujours penser que s’attaquer à Trump n’est pas la bonne tactique et ne ferait que lui rendre service. Les autres oppositions marquantes de la soirée sont celles ayant opposé Marco Rubio à Ted Cruz et à Rand Paul. Ben Carson, Carly Fiorina et John Kasich sont les trois seuls candidats à n’avoir attaqué aucun de leurs adversaires.
Sachez enfin que le débat a rassemblé plus de 18 millions de téléspectateurs. C’est moins que les deux premiers mais davantage que le troisième et le quatrième.
LA SOIRÉE SUR TWITTER
Twitter a rendu public le classement des cinq candidats les plus mentionnés par ses utilisateurs durant le débat :
1 – Donald Trump
2 – Jeb Bush
3 – Ted Cruz
4 – Marco Rubio
5 – Ben Carson
On a aussi appris que les moments les plus commentés de la soirée étaient relatifs aux affrontements ayant opposé Bush à Trump.
Les Démocrates Hillary Clinton et Bernie Sanders y sont également allés de leur petit commentaire sur le célèbre réseau social.


On terminera en vous signalant que si ce débat républicain était le dernier de l’année 2015, il est loin d’être le dernier tout court. Il y en aura encore deux avant le caucus de l’Iowa (14 janvier et 28 janvier). Et d’autres encore par la suite, entre les différentes échéances électorales qui s’échelonneront de février à juin. Rendez-vous en 2016.