Le premier débat présidentiel opposant Hillary Clinton à Donald Trump a eu lieu le lundi 26 septembre. Compte-rendu.
INTRODUCTION
Ce premier duel entre Hillary Clinton et Donald Trump était très attendu. L’événement était diffusé en direct sur toutes les grandes chaînes de télévision américaines. Le débat avait lieu à la Hofstra University, située à Hempstead, dans l’état de New York. Il devait durer 1h30, sans aucune pause publicitaire. Trois grands thèmes devaient être abordés: Achieving Prosperity (économie), America’s Direction (thèmes de société, notamment les tensions raciales) et Securing America (sécurité nationale). Ces thèmes avaient été annoncés à l’avance mais les candidats ne connaissaient pas pour autant la teneur exacte des questions qui allaient leur être posées.
LE DÉBAT
Participants: Hillary Clinton, Donald Trump
Modérateur: Lester Holt (NBC)
Durée du débat: 1h30
Compte-rendu:
- Secretary Clinton plutôt que Crooked Hillary
Donald Trump a l’art de donner des surnoms peu flatteurs à ses adversaires. Souvenez-vous de Low-energy Jeb pour Jeb Bush, Little Marco pour Marco Rubio ou encore Lyin’ Ted pour Ted Cruz. Le surnom qu’il a attribué à Hillary Clinton est tout aussi dévastateur: Crooked Hillary (Hillary la malhonnête). La question était de savoir s’il utiliserait ce surnom pour désigner son adversaire lors du débat, comme il le fait régulièrement lors de ses meetings. C’était d’ailleurs l’objet de l’une des questions du sondage auquel le candidat républicain avait invité ses sympathisants à participer sur son site web afin de l’aider à se préparer au débat. Pensez-vous que Trump devrait faire référence à Hillary comme « Hillary la malhonnête » pendant le débat?
Tous ceux qui ont répondu par l’affirmative auront été déçus. En effet, Donald Trump a finalement choisi de jouer la carte de la politesse et du respect. Il a appelé son adversaire Secretary Clinton pendant toute la durée du débat. Lors de l’une de ses premières interventions, il lui a même demandé si cela lui convenait.
Secretary Clinton, is that OK? Good. I want you to be very happy. It’s very important to me. (Secrétaire Clinton, est-ce que cela vous convient? Bien. Je veux que vous soyez très heureuse. C’est très important pour moi)
Hillary Clinton a quant à elle appelé Donald Trump par son prénom tout au long de la soirée. N’y voyez toutefois pas un manque de politesse. Aux Etats-Unis, il n’est pas rare que les politiciens s’appellent par leurs prénoms lors d’un débat.
- Deux visions diamétralement opposées de l’économie
L’économie fut le premier sujet abordé lors du débat. Et la discussion a révélé deux visions diamétralement opposées que nous vous résumons ci-dessous.
La vision de Donald Trump. Les entreprises américaines sont de plus en plus nombreuses à délocaliser leurs activités au Mexique ou dans d’autres pays. Les travailleurs américains perdent leur emploi. Cette situation ne peut plus durer. C’est pourquoi il faut renégocier les traités de libre-échange et diminuer les charges pesant sur les entreprises afin de les inciter à investir de nouveau aux Etats-Unis. Lorsque Lester Holt lui a demandé comment il avait l’intention de convaincre les entreprises déjà implantées à l’étranger de revenir aux Etats-Unis, Donald Trump a déclaré qu’il fallait mettre en place des taxes sur les produits importés. Les entreprises implantées à l’étranger ne pourront ainsi plus exporter aussi facilement leurs produits vers les Etats-Unis et auront intérêt à rentrer au pays.
What you do is you say, fine, you want to go to Mexico or some other country, good luck. We wish you a lot of luck. But if you think you’re going to make your air conditioners or your cars or your cookies or whatever you make and bring them into our country without a tax, you’re wrong. (Ce que vous faites est de dire, très bien, vous voulez aller au Mexique ou dans un autre pays, bonne chance. Nous vous souhaitons bonne chance. Mais si vous pensez que vous allez fabriquer vos climatiseurs ou vos voitures ou vos cookies ou peu importe ce que vous fabriquez et les rapporter dans notre pays sans payer une taxe, vous vous trompez)
La vision d’Hillary Clinton. Il faut créer une économie plus juste, augmenter le salaire minimum et faire en sorte que les femmes aient enfin un salaire égal à celui des hommes. Comment financer tout cela? En faisant payer plus d’impôts aux américains les plus riches. La candidate démocrate a insisté sur le fait que Donald Trump ait au contraire l’intention de diminuer les impôts des plus fortunés. Elle a aussi affirmé que le plan de Donald Trump augmenterait considérablement la dette du pays et conduirait à une nouvelle récession. Enfin, Hillary Clinton a aussi déclaré vouloir investir de l’argent public dans des secteurs d’avenir susceptibles de créer de l’emploi, comme les énergies renouvelables.
- Les mensonges d’Hillary Clinton sur le TPP
Donald Trump a accusé à juste titre Hillary Clinton d’avoir été favorable au TPP – Trans-Pacific Partnership, un accord de libre-échange négocié par l’administration Obama et devant réunir douze pays – lorsqu’elle était Secrétaire d’Etat, avant de s’y déclarer défavorable pendant la campagne. En voulant se défendre, Hillary Clinton a menti à deux reprises. On vous explique. Voici l’échange qui a opposé Donald Trump à Hillary Clinton lors du débat.
TRUMP : You go to New England, you go to Ohio, Pennsylvania, you go anywhere you want, Secretary Clinton, and you will see devastation where manufacture is down 30, 40, sometimes 50%. NAFTA is the worst trade deal maybe ever signed anywhere, but certainly ever signed in this country. And now you want to approve Trans-Pacific Partnership. You were totally in favor of it. Then you heard what I was saying, how bad it is, and you said, I can’t win that debate. But you know that if you did win, you would approve that, and that will be almost as bad as NAFTA. Nothing will ever top NAFTA. (Vous allez en Nouvelle Angleterre, vous allez en Ohio, en Pennsylvanie, vous allez où vous voulez, Secrétaire Clinton, et vous verrez la dévastation où la production est en chute de 30, 40, parfois 50%. Le NAFTA (ndlr: accord de libre-échange nord-américain entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique, entré en vigueur en 1994) est peut-être le pire accord commercial jamais signé dans le monde, et certainement le pire jamais signé dans ce pays. Et maintenant vous voulez approuver le Trans-Pacific Partnership. Vous y étiez totalement favorable. Et puis vous avez entendu ce que je disais, à quel point il était mauvais, et vous vous êtes dit, je ne peux pas gagner ce débat. Mais vous savez que si vous gagnez, vous l’approuverez, et cela sera presque aussi mauvais que le NAFTA. Rien ne dépassera jamais le NAFTA)
CLINTON : Well, that is just not accurate. I was against it once it was finally negotiated and the terms were laid out. I wrote about that in… (Et bien, ce n’est tout simplement pas correct. J’y étais opposée lorsqu’il a été négocié et que ses termes ont été exposés. J’ai écrit à ce propos dans…)
TRUMP : You called it the gold standard. You called it the gold standard of trade deals. You said it’s the finest deal you’ve ever seen. (Vous l’avez appelé la référence. Vous l’avez appelé la référence des traités commerciaux. Vous avez dit que c’était le meilleur accord que vous n’ayez jamais vu)
CLINTON : No. (Non)
TRUMP : And then you heard what I said about it and all of a sudden you were against it. (Et ensuite vous avez entendu ce que je disais à son propos et tout à coup vous y étiez opposée)
CLINTON : Well, Donald, I know you live in your own reality, but that is not the facts. The facts are I did say I hoped it would be a good deal, but when it was negotiated, which I was not responsible for, I concluded it wasn’t. I wrote about that in my book before you even announced. (Et bien, Donald, je sais que vous vivez dans votre propre réalité, mais ce ne sont pas les faits. Les faits sont que j’ai dit que j’espérais que ce serait un bon accord, mais lorsqu’il a été négocié, ce dont je n’étais pas responsable, j’ai conclu qu’il ne l’était pas. J’ai écrit à ce propos dans mon livre avant même que vous annonciez votre candidature à la présidence)
Nous avons souligné ce que nous qualifions de mensonges de la part de la candidate démocrate.
1. Hillary Clinton nie avoir qualifié le TPP de « référence » comme l’en accuse Donald Trump. Or, ce dernier a parfaitement raison. Lorsqu’Hillary Clinton était Secrétaire d’Etat, elle a défendu vigoureusement le TPP à de nombreuses reprises et l’a bien qualifié de « référence ». C’était en 2012 lors d’un déplacement en Australie :
This TPP sets the gold standard in trade agreements to open free, transparent, fair trade. (Ce TPP définit la référence en matière de traités commerciaux pour ouvrir un commerce libre, transparent et juste)
2. Hillary Clinton déclare avoir écrit dans son livre, publié avant même que Donald Trump ne soit candidat à la présidence, qu’elle n’était plus favorable au TPP. Faux. Dans son livre paru en 2014, elle affiche bien une position plus nuancée que lorsqu’elle était Secrétaire d’Etat mais elle ne se déclare pas pour autant opposée au TPP. Voici ce qu’elle écrit à l’époque:
Because TPP negotiations are still ongoing, it makes sense to reserve judgment until we can evaluate the final proposed agreement. It’s safe to say the TPP won’t be perfect – no deal negotiated among a dozen countries ever will be – but its higher standards, if implemented and enforced, should benefit American businesses and workers. (Parce que les négociations sur le TPP sont encore en cours, il est logique de s’abstenir de tout jugement jusqu’à ce que nous puissions évaluer l’accord final proposé. On peut dire que le TPP ne sera pas parfait – aucun accord négocié entre douze pays ne le sera jamais – mais son niveau d’exigence élevé, s’il est mis en place et respecté, devrait bénéficier aux entreprises et aux travailleurs américains)
Ce n’est qu’en octobre 2015, lorsque la version finale du texte sera présentée, que Clinton se déclarera ouvertement opposée au TPP, affirmant que la version finale de l’accord n’est pas satisfaisante. À ce moment-là, Donald Trump et Bernie Sanders étaient déjà candidats à la présidence depuis plusieurs mois et ne cessaient de dénoncer cet accord.
- Les déclarations de revenus de Donald Trump
Donald Trump a quant à lui été mis en difficulté lorsque Lester Holt lui a demandé pourquoi il n’avait toujours pas publié ses déclarations de revenus. Le candidat républicain a répété qu’il avait l’intention de le faire lorsqu’il ne serait plus sous audit financier. Une explication peu convaincante puisque la loi ne lui interdit en réalité pas de publier ces documents en étant sous audit. Par ailleurs, Hillary Clinton a rappelé que tous les candidats à la présidence avaient toujours publié leurs déclarations de revenus et que si Trump refusait de le faire, c’est qu’il avait forcément quelque chose à cacher. La candidate démocrate a déclaré qu’il pourrait vouloir cacher qu’il n’est pas aussi riche qu’il ne le prétend, pas aussi généreux qu’il ne le prétend, ou encore qu’il n’a pas payé d’impôts fédéraux pendant plusieurs années. Face à cette dernière accusation, Donald Trump a répliqué That makes me smart (Cela fait de moi quelqu’un d’intelligent). Cette petite phrase est très importante puisque Donald Trump semble reconnaître ne pas avoir payé d’impôts pendant plusieurs années. Et en être fier. Sur la défensive, il a ensuite trouvé un moyen d’attaquer Hillary Clinton au sujet de ses e-mails.
I will release my tax returns – against my lawyer’s wishes – when she releases her 33,000 emails that have been deleted. (Je publierai mes déclarations de revenus – contre la volonté de mon avocat – lorsqu’elle publiera ses 33,000 e-mails qui ont été effacés)
Hillary Clinton sera invitée à répondre et reconnaîtra qu’elle a fait une erreur en utilisant exclusivement un serveur privé lorsqu’elle était Secrétaire d’Etat.
I made a mistake using a private email. And if I had to do it over again, I would obviously do it differently. But I’m not going to make any excuses. It was a mistake and I take responsibility for that. (J’ai fait une erreur en utilisant un e-mail privé. Et si c’était à refaire, j’agirais évidemment autrement. Mais je ne vais pas me chercher des excuses. C’était une erreur et j’en assume la responsabilité)
Réponse de Trump ?
That was more than a mistake. That was done purposely. (C’était plus qu’une erreur. Cela a été fait intentionnellement)
Notons que la question des e-mails d’Hillary Clinton ne sera pas abordée davantage lors du débat. Lester Holt n’interrogera pas non plus la candidate démocrate sur la Clinton Foundation ni sur Benghazi. Ce qui n’a pas échappé à Donald Trump, qui publiait ce tweet peu après le débat.

De là à affirmer que le modérateur du débat aurait été plus clément avec Hillary Clinton qu’avec Donald Trump, il y a un pas que nous ne franchirons pas. En effet, Lester Holt n’a pas non plus interrogé le candidat républicain sur certains des dossiers les plus embarrassants pour lui, tels que la Trump University par exemple.
- Le mensonge de Donald Trump sur le changement climatique
Alors qu’elle évoquait sa volonté d’investir dans le secteur des énergies renouvelables, Hillary Clinton a rappelé que Donald Trump ne croyait pas au changement climatique et qu’il avait déclaré qu’il s’agissait d’un canular inventé par les chinois. Trump a nié.
CLINTON : Donald thinks that climate change is a hoax perpetrated by the Chinese. I think it’s real. (Donald pense que le changement climatique est un canular inventé par les chinois. Je pense qu’il est réel)
TRUMP : I did not. I did not. I do not say that. (C’est faux. C’est faux. Je n’ai pas dit cela)
Donald Trump ment. Il a bel et bien dit cela, comme en témoigne ce tweet publié en 2012.

Le tweet a rapidement été partagé par des milliers d’internautes. Il fut même le message le plus partagé de la soirée sur Twitter !
- Tensions raciales et sécurité
La question des tensions raciales et des violences policières a été abordée.
La vision d’Hillary Clinton.
Race remains a significant challenge in our country. Unfortunately, race still determines too much, often determines where people live, determines what kind of education in their public schools they can get, and, yes, it determines how they’re treated in the criminal justice system. (La race reste un défi significatif dans notre pays. Malheureusement, la race détermine encore trop de choses, elle détermine souvent où les gens vivent, elle détermine le type d’éducation qu’ils peuvent recevoir dans leurs écoles publiques, et, oui, elle détermine la manière dont ils sont traités par le système judiciaire)
La candidate démocrate appelle donc à une réforme du système judiciaire. Elle déclare également qu’il faut absolument restaurer la confiance entre la police et les citoyens, qui doivent se respecter mutuellement. Elle n’a toutefois pas donné beaucoup de détails quant à la manière dont elle entend y parvenir. Enfin, Hillary Clinton a aussi insisté sur la nécessité de durcir la législation sur les armes à feu.
La vision de Donald Trump.
We need law and order in our country. (Nous avons besoin de loi et d’ordre dans notre pays)
Cette phrase, le candidat républicain l’a répétée plusieurs fois. Pour lui, la priorité est donc de rétablir l’ordre et de donner les moyens à la police de le faire. Il a mentionné sa volonté d’instaurer la politique du stop and frisk dans certains quartiers gangrenés par la violence, notamment à Chicago. Cette politique autoriserait les forces de l’ordre à interpeller toute personne jugée suspecte sur la voie publique et à la fouiller pour vérifier qu’elle ne transporte ni armes ni drogue sur elle.
- La question du birtherism
Incroyable mais vrai ! Plus de dix minutes de débat ont été consacrées au thème du birtherism, cette théorie selon laquelle Barack Obama ne serait pas né aux Etats-Unis. Lester Holt a demandé à Donald Trump pourquoi il avait subitement changé d’avis sur la question. Pourquoi avoir déclaré que Barack Obama était bien né aux Etats-Unis après avoir vigoureusement défendu la thèse du birtherism pendant plusieurs années? Force est de constater que Donald Trump a été incapable d’apporter une réponse crédible à cette question. Le candidat républicain a tout simplement accusé Hillary Clinton et son équipe de campagne de 2008 d’avoir été à l’origine du birtherism. Ce qui, jusqu’à preuve du contraire, n’a jamais pu être démontré. De plus, cela n’explique pas pourquoi Trump a continué à défendre cette thèse pendant plusieurs années, même après que Barack Obama ait rendu public son certificat de naissance.
Hillary Clinton en a profité pour donner son avis sur le sujet. D’après elle, si Donald Trump a enfin reconnu que Barack Obama était né aux Etats-Unis, c’est uniquement parce qu’il espérait ainsi éviter d’avoir à répondre à des questions au sujet de sa défense du birtherism lors des débats. La candidate démocrate a ensuite clairement accusé son adversaire de racisme. Elle a rappelé qu’en 1973, au début de sa carrière dans l’immobilier, Donald Trump avait été poursuivi par le Département de la Justice pour discrimination raciale. Il refusait de louer ses appartements à des afro-américains. Trump déclare qu’il a bien été poursuivi mais pas condamné.
- La cybersécurité
La question de la cybersécurité a été abordée. Il est vrai que la récente affaire du piratage informatique dont a été victime le Parti Démocrate a marqué les esprits.
La vision d’Hillary Clinton. Hillary Clinton a affirmé que la cybersécurité serait l’un des plus grands challenges auquel le futur président serait confronté. Elle a rappelé qu’il y avait deux types d’acteurs contre lesquels les Etats-Unis devaient parvenir à se prémunir: les hackers indépendants qui cherchent avant tout à voler des informations pour les revendre par la suite et en tirer profit, et les états étrangers. La candidate démocrate a notamment cité la Russie, qui est suspectée d’être responsable du piratage du Parti Démocrate. Elle en a profité pour dénoncer les propos élogieux tenus par Donald Trump à l’encontre de Vladimir Poutine.
La vision de Donald Trump. Le candidat républicain a lui aussi affirmé que la cybersécurité était un défi important. Il ne semblait toutefois pas avoir grand-chose à dire sur le sujet. Il a même mentionné le fait que son fils de 10 ans soit très doué en informatique, sans que l’on sache vraiment pourquoi.
It is a huge problem. I have a son. He’s 10 years old. He has computers. He is so good with these computers, it’s unbelievable. The security aspect of cyber is very, very tough. (C’est un énorme problème. J’ai un fils. Il a 10 ans. Il a des ordinateurs. Il est tellement doué avec ces ordinateurs, c’est incroyable. L’aspect sécuritaire du cyber est très, très compliqué)
Notons que Trump emploie ici le mot cyber comme un nom commun. Or, le cyber, cela n’existe pas. On utilise uniquement le terme cyber comme préfixe pour désigner quelque chose se rapportant à l’informatique (cybersécurité, cybercafé etc).
Enfin, Donald Trump a également affirmé qu’on ignorait qui était véritablement responsable du piratage ayant touché le Parti Démocrate. Cela pourrait être la Russie mais cela pourrait également être quelqu’un d’autre. (Ndlr: Il est vrai que rien n’est encore définitivement prouvé mais le FBI a tout de même indiqué que tout portait à croire que la Russie était bien responsable de ce piratage).
I don’t think anybody knows it was Russia that broke into the DNC. She’s saying Russia, Russia, Russia, but I don’t – maybe it was. I mean, it could be Russia, but it could also be China. It could also be lots of other people. It also could be somebody sitting on their bed that weighs 400 pounds, OK? (Je ne pense pas que quiconque sache que c’est la Russie qui a piraté le Parti Démocrate. Elle dit la Russie, la Russie, la Russie, mais je ne – peut-être que c’était la Russie. Je veux dire, cela pourrait être la Russie, mais cela pourrait aussi être la Chine. Cela pourrait être beaucoup d’autres personnes. Cela pourrait aussi être quelqu’un assis sur son lit qui pèse 400 pounds, OK?)
Un individu de 400 pounds, ce qui équivaut tout de même à 181 kilos (!), assis sur son lit? On ne sait pas pourquoi Donald Trump a songé à une telle référence mais cela en a en tout cas surpris plus d’un, même parmi ses supporters. Voyez ce tweet publié par Rick Santorum, ancien candidat à la présidence qui soutient aujourd’hui Trump.
- La guerre en Irak et le retrait des troupes américaines d’Irak
En ce qui concerne la lutte contre l’Etat Islamique, la discussion a davantage été axée sur le passé – Donald Trump reprochant à Hillary Clinton et Barack Obama d’être responsables de l’essor de l’organisation terroriste – que sur l’avenir. La question syrienne n’a presque pas été évoquée. Donald Trump n’a pas non plus été interrogé sur sa volonté d’interdire aux ressortissants de certains pays, voire aux musulmans, d’accéder au territoire américain.
Donald Trump a avant tout reproché deux choses à Hillary Clinton: son vote en faveur de la guerre en Irak et le retrait des troupes américaines d’Irak en 2011. Revenons sur ces deux points.
La guerre en Irak. Donald Trump a reproché à Hillary Clinton d’avoir voté en faveur du déclenchement de la guerre en Irak lorsqu’elle était sénatrice. Il a affirmé qu’il y avait quant à lui toujours été opposé. Un mensonge qu’il répète depuis le début de sa campagne. Lester Holt l’a contredit en direct, rappelant qu’une interview datant de 2002 démontre qu’il était en réalité favorable à la guerre avant que celle-ci ne soit déclenchée. Ce n’est qu’à partir de 2004 qu’il a commencé à déclarer que l’invasion de l’Irak était une erreur. Donald Trump a évidemment accusé Lester Holt de mentir et a continué d’affirmer qu’il avait été opposé à la guerre dès le départ. Il a même déclaré que Sean Hannity, célèbre journaliste de Fox News, pourrait le confirmer aisément, avant de se lamenter que personne ne l’appelle jamais pour lui demander son avis.
Sean Hannity said – and he called me the other day – and I spoke to him about it. He said « you were totally against the war », because he was for the war. […] And that was before the war started. Sean Hannity said very strongly to me and other people – he’s willing to say it, but nobody wants to call him. I was against the war. (Sean Hannity a dit – et il m’a appelé l’autre jour – et j’ai parlé de cela avec lui. Il a dit « tu étais totalement opposé à la guerre », parce que lui était pour la guerre. […] Et c’était avant que la guerre commence. Sean Hannity me l’a dit très clairement ainsi qu’à d’autres personnes – il veut bien le dire, mais personne ne veut l’appeler. J’était contre la guerre)
Problème? Sean Hannity soutient ouvertement Donald Trump et a même participé à l’une de ses publicités de campagne.
Le retrait des troupes américaines d’Irak. Donald Trump a aussi affirmé que le retrait des troupes américaines d’Irak en 2011 avait permis à l’Etat Islamique de se former et d’étendre rapidement sa zone d’influence. Or, Hillary Clinton était Secrétaire d’Etat à l’époque. On pourrait évidemment discuter longuement du bien-fondé du retrait des troupes d’Irak, mais ce que Donald Trump ne dit pas, c’est qu’il était lui-même favorable à ce retrait qu’il dénonce aujourd’hui ! Il a même plaidé en sa faveur pendant plusieurs années avant qu’il n’ait finalement lieu. Exemple: En 2007, il déclare sur CNN qu’il faut se retirer d’Irak parce que le pays est entré en guerre civile. Autre exemple: En 2008, il déclare au magazine GQ que bien qu’il soit un faucon (nom donné aux adeptes de l’interventionnisme aux Etats-Unis), il pense qu’il faut retirer les troupes d’Irak.
First, I’d get out of Iraq right now. And by the way, I am the greatest hawk who ever lived, a far greater hawk even than Bush. (Tout d’abord, je me retirerais d’Irak tout de suite. Et pourtant, je suis le plus grand faucon qui n’ait jamais existé, un bien plus grand faucon que Bush)
Enfin, pour en revenir au débat, Donald Trump a aussi répété qu’il aurait fallu « prendre le pétrole » avant de se retirer d’Irak. On aurait ainsi évité que l’Etat Islamique puisse se financer à l’aide de ce pétrole.
Had we taken the oil – and we should have taken the oil – ISIS would not have been able to form either, because the oil was their primary source of income. (Si l’on avait pris le pétrole – et nous aurions dû prendre le pétrole – l’Etat Islamique n’aurait pas été capable de prendre forme, parce que le pétrole était leur principale source de revenus)
Mais que signifie exactement « prendre le pétrole »? Donald Trump n’a jamais véritablement expliqué comment il s’y serait pris concrètement pour s’emparer de toutes les réserves de pétrole irakiennes. Cela semble très difficile à réaliser, sans compter que c’est bien sûr totalement illégal.
- Hillary Clinton présente Donald Trump comme dangereux pour la sécurité nationale
Hillary Clinton a cherché à présenter Donald Trump comme un danger pour la sécurité nationale, et même internationale. Elle a notamment déclaré ceci:
The worst part of what we heard Donald say has been about nuclear weapons. He has said repeatedly that he didn’t care if other nations got nuclear weapons. Japan, South Korea, even Saudi Arabia. It has been the policy of the United States, Democrats and Republicans, to do everything we could to reduce the proliferation of nuclear weapons. He even said, « Well, you know, if there were nuclear war in East Asia, well, you know, that’s fine, have a good time, folks ». (La pire chose que nous ayons entendu Donald dire était à propos des armes nucléaires. Il a dit plusieurs fois qu’il ne se sentait pas concerné par le fait que d’autres nations se procurent des armes nucléaires. Le Japon, la Corée du Sud, même l’Arabie Saoudite. C’est la politique des Etats-Unis, Démocrates et Républicains, de faire tout ce que nous pouvons pour réduire la prolifération des armes nucléaires. Il a même dit, « Et bien, vous savez, s’il y a une guerre nucléaire en Asie, et bien, vous savez, c’est très bien, passez un bon moment, les gars »)
Hillary Clinton fait référence à des propos tenus par Donald Trump en avril au sujet d’une éventuelle guerre entre le Japon et la Corée du Nord. Ses propos exacts étaient les suivants:
It would be a terrible thing but if they do, they do. Good luck. Enjoy yourself, folks. (Ce serait une chose terrible mais s’ils le font, ils le font. Bonne chance. Passez un bon moment, les gars)
La candidate démocrate a même jugé utile de s’adresser directement aux alliés des Etats-Unis pour les rassurer !
I want to reassure our allies in Japan and South Korea and elsewhere that we have mutual defense treaties and we will honor them. (Je veux rassurer nos alliés au Japon et en Corée du Sud et ailleurs et leur dire que nous avons des traités de défense mutuelle et que nous les honorerons)
La candidate démocrate a aussi répété une petite phrase qu’elle avait déjà utilisée à de nombreuses reprises.
A man who can be provoked by a tweet should not have his fingers anywhere near the nuclear codes. (Un homme qui peut être provoqué au moyen d’un tweet ne devrait pas avoir accès aux codes nucléaires)
Donald Trump lui fera remarquer que cette phrase commence à se faire un peu vieille, ce à quoi Clinton répondra: « Oui, mais c’est une bonne phrase. Elle décrit bien le problème ».
- Une question de tempérament et d’endurance
Donald Trump a affirmé qu’il avait un meilleur tempérament qu’Hillary Clinton, ce qui a provoqué des rires dans le public auquel on avait pourtant demandé de garder le silence pendant le débat. Seule réponse de Clinton à cette déclaration? Un « Wow, OK » moqueur.
Donald Trump accusera aussi Hillary Clinton de ne pas avoir l’endurance nécessaire pour être présidente.
I don’t believe she does have the stamina. To be president of this country, you need tremendous stamina. (Je ne crois pas qu’elle ait l’endurance. Pour être président de ce pays, vous avez besoin d’une endurance énorme)
Réponse de Clinton ?
Well, as soon as he travels to 112 countries and negotiates a peace deal, a cease-fire, a release of dissidents, an opening of new opportunities in nations around the world, or even spends 11 hours testifying in front of a congressional committee, he can talk to me about stamina. (Et bien, lorsqu’il aura voyagé dans 112 pays et négocié un accord de paix, un cessez-le-feu, une libération de dissidents, l’ouverture de nouvelles opportunités dans des nations partout à travers le monde, ou même passé 11 heures à témoigner devant une commission d’enquête parlementaire, il pourra me parler d’endurance)
- Hillary Clinton en mode Megyn Kelly
À la fin du débat, Hillary Clinton s’en est prise à Donald Trump en dénonçant sa manière de traiter les femmes. Une attaque qui n’était pas sans rappeler la question posée à Donald Trump par Megyn Kelly lors du premier débat républicain.
This is a man who has called women pigs, slobs and dogs. (Ceci est un homme qui a traité des femmes de truies, de souillons et de chiennes)
Clinton mentionnera aussi le cas d’Alicia Machado, une ex-Miss Univers que Donald Trump avait surnommée Miss Piggy (Miss Cochonne) et Miss Housekeeping (Miss femme de ménage).
- Accepter la défaite ?
En guise de dernière question, Lester Holt a demandé aux candidats s’ils seraient prêts à reconnaître la victoire de leur adversaire au mois de novembre. Hillary Clinton, interrogée la première, a immédiatement répondu par l’affirmative.
Well, I support our democracy. And sometimes you win, sometimes you lose. But I certainly will support the outcome of this election. (Et bien, je soutiens notre démocratie. Et parfois vous gagnez, parfois vous perdez. Mais j’accepterai bien entendu le résultat de cette élection)
Trump a eu plus de mal à répondre. Il a d’abord parlé de toute autre chose. Voici le début de sa réponse à cette question pourtant simple.
I want to make America great again. We are a nation that is seriously troubled. We’re losing our jobs. (Je veux rendre à l’Amérique sa grandeur. Nous sommes une nation en grande difficulté. Nous perdons nos emplois)
Il a fallu que Lester Holt lui pose la question une seconde fois pour que Trump dise finalement qu’il reconnaîtrait la victoire de Clinton si elle l’emportait en novembre.
If she wins, I will absolutely support her. (Si elle gagne, absolument, je la soutiendrai)
- Les phrases de la soirée
No wonder you’ve been fighting ISIS your entire adult life. (Pas étonnant que vous ayez combattu l’Etat Islamique durant toute votre vie)
Sous-entendu sans succès. Déclaration de Donald Trump alors qu’il reprochait son incompétence à Hillary Clinton. Bien évidemment, l’Etat Islamique est beaucoup plus jeune qu’Hillary Clinton, qui n’a donc pas pu le combattre « toute sa vie ».
I think Donald just criticized me for preparing for this debate. And, yes, I did. And you know what else I prepared for? I prepared to be president. And I think that’s a good thing. (Je pense que Donald vient de me critiquer pour m’être préparée pour ce débat. Et, oui, je me suis préparée. Et vous savez à quoi d’autre je me suis préparée? Je me suis préparée à être présidente. Et je pense que c’est une bonne chose)
Hillary Clinton après que Donald Trump l’ait accusée d’être beaucoup restée chez elle durant les jours précédant le débat.
LES DÉCLARATIONS POST-DÉBAT DE DONALD TRUMP
Juste après le débat, Donald Trump a déclaré au micro de CNN qu’il avait failli dire quelque chose de très désagréable à Hillary Clinton au sujet de son mari mais qu’il s’était finalement abstenu par respect pour leur fille Chelsea, présente dans la salle. Il a refusé d’en dire plus mais a affirmé qu’il était possible qu’il utilise cet argument lors du prochain débat.
Au lendemain du débat, le candidat républicain s’est aussi plaint du fait que son micro ne fonctionnait pas correctement.
My mic was defective within the room. No, but I wonder, was that on purpose? (Mon micro ne fonctionnait pas dans la salle. Non, mais je me demande, est-ce que c’était fait exprès?)
Un micro défectueux? Nous n’avons personnellement rien remarqué en regardant le débat mais la commission indépendante chargée de l’organisation a confirmé qu’il y avait bien eu un « problème audio » qui avait affecté le niveau du son dans la salle.
LE TWEET POLÉMIQUE D’HOWARD DEAN
Il y avait les théories extravagantes sur la santé d’Hillary Clinton. Désormais, il y aura aussi la rumeur Donald Trump cocaïnomane. Donald Trump a en effet reniflé à plus de trente reprises lors du débat, ce qui n’a échappé à personne. Sans doute était-il tout simplement enrhumé. Ou peut-être est-ce un tic lorsqu’il est stressé? C’est en tout cas ce qu’une journaliste qui a assisté à bon nombre de ses meetings a laissé entendre, expliquant que ce n’était pas la première fois qu’elle le voyait renifler de la sorte. Certains internautes ont une autre explication. Donald Trump aurait pris de la cocaïne avant le débat. Une théorie reprise par Howard Dean, ex-gouverneur du Vermont.

Une accusation sans fondements. Rien ne permet de prouver que Donald Trump soit toxicomane. Le candidat républicain affirme même souvent n’avoir jamais touché à la drogue et ne jamais boire d’alcool. Des déclarations que personne n’avait jusqu’ici jamais contredites. Comme quoi, les Républicains n’ont pas le monopole de la théorie du complot.
RECORD D’AUDIENCE BATTU !
Ce premier débat Clinton/Trump a battu des records d’audience. Il est devenu le débat présidentiel le plus regardé de l’histoire américaine ! Il a réuni 84 millions de téléspectateurs sur les 13 chaînes de télévision qui le diffusaient en direct. Le record était jusqu’ici de 80,6 millions en 1980 (Carter/Reagan). À titre de comparaison, le premier débat opposant Barack Obama à Mitt Romney en 2012 n’avait réuni « que » 67 millions de téléspectateurs. En outre, le chiffre de 84 millions ne reprend que les audiences télévisées. Or, on estime que plusieurs millions de personnes supplémentaires ont regardé le débat en streaming sur le web.
VAINQUEURS ET PERDANTS
Qui a remporté ce premier duel ? Avantage Clinton.
- La gagnante
Hillary Clinton. La presse américaine est unanime: Hillary Clinton a remporté le débat. Les sondages semblent le confirmer. Il est vrai que la candidate démocrate est apparue bien mieux préparée que son adversaire. Elle a su garder son calme en toutes circonstances, même lorsque Donald Trump lui coupait la parole. Même si la performance de Clinton ne nous a pas paru extraordinaire, elle a été meilleure que son adversaire.

- Le perdant
Donald Trump. Donald Trump a donné l’impression de ne pas s’être préparé correctement pour un débat d’une telle importance. Il s’est souvent montré nerveux, voire agressif. Et il a souvent répété plusieurs fois la même chose, donnant l’impression de ne pas avoir grand-chose à dire lorsqu’il s’agissait d’approfondir les sujets. Seule exception: l’économie. Sur ce point, il a fait jeu égal avec Clinton. Si le débat n’avait duré que trente minutes, on aurait probablement parlé de match nul. Mais Clinton a ensuite peu à peu pris le dessus.