Que se passe-t-il donc aux Etats-Unis? Vous avez certainement vu ces images surréalistes d’américains manifestant dans les aéroports du pays ce week-end. Comment en est-on arrivé là? Installez-vous, nous allons tout vous expliquer.
QUELLES SONT LES MESURES QUI ONT ÉTÉ MISES EN PLACE PAR LA MAISON BLANCHE?
Tout a commencé vendredi soir, lorsque Donald Trump a annoncé la signature d’un nouveau décret présidentiel (executive order), intitulé Protecting the Nation from Foreign Terrorist Entry into the United States (Protéger la nation contre l’entrée de terroristes étrangers aux Etats-Unis). L’objectif affiché de ce décret est de prévenir le risque d’infiltration terroriste sur le territoire américain. Le texte contient deux mesures principales.
1 – L’interdiction d’entrée sur le territoire américain pour TOUS les ressortissants* de sept pays – Iran, Irak, Syrie, Libye, Soudan, Somalie et Yémen.
*Quelques exceptions sont toutefois prévues, notamment pour les diplomates.
Concrètement, cela signifie qu’environ 134 millions de personnes sont désormais interdites de séjour aux Etats-Unis !
Il s’agit d’une mesure temporaire (90 jours) mais elle pourrait être prolongée. D’autres pays pourraient aussi être ajoutés à la liste. Certains journalistes ont d’ailleurs fait remarquer, à juste titre, que si le décret avait vraiment pour but de protéger le pays contre d’éventuelles attaques terroristes, il aurait peut-être fallu y inclure des pays comme l’Arabie Saoudite ou l’Egypte, dont les responsables des attentats du 11 septembre 2001 étaient originaires.
2 – La mise à l’arrêt du U.S. Refugee Admissions Program pendant 120 jours. Concrètement, cela signifie que plus AUCUN réfugié ne sera accueilli aux Etats-Unis au cours des quatre prochains mois. Le Secrétaire d’Etat devra profiter de cette période pour réévaluer la procédure d’admission des réfugiés. Sur base de ses conclusions, une nouvelle politique d’accueil sera mise en place. Le texte évoque déjà la possibilité, à l’avenir, de donner la priorité aux personnes membres de minorités religieuses dans leur pays et victimes de discriminations en raison de leur religion. Cela pourrait notamment concerner les chrétiens victimes de persécutions dans certains pays musulmans.
Vous pouvez accéder au texte complet du décret en cliquant ici.
POURQUOI UN TEL CHAOS DANS LES AÉROPORTS DU PAYS CE WEEK-END?
Est-ce de l’amateurisme total ou une tendance à l’autoritarisme? En tout cas, il semble que le Département de la Sécurité Intérieure et le Département de la Justice n’aient pas été consultés par la Maison Blanche avant la signature du fameux décret. Autrement dit, la Maison Blanche aurait agi unilatéralement. Cela expliquerait la confusion qui a régné dans les aéroports du pays ce week-end, personne n’ayant reçu de consignes claires quant à la manière d’appliquer le décret.
Des dizaines de ressortissants des sept pays concernés se trouvaient à bord d’avions devant atterrir aux Etats-Unis au moment où le décret a été signé par Donald Trump. Ils ont été arrêtés à leur arrivée dans les aéroports américains. D’autres personnes qui devaient se rendre aux Etats-Unis et avaient déjà obtenu leur visa ont dû annuler leur voyage, les compagnies aériennes refusant de les embarquer à bord de leurs avions. L’une des premières personnes arrêtées à l’aéroport de New York était Hameed Khalid Darweesh, un citoyen irakien ayant travaillé comme interprète au service de l’armée américaine pendant la guerre d’Irak ! Après avoir finalement été relâché suite à une décision de justice (voir plus loin), il s’est exprimé face à la presse et a affirmé qu’il pensait toujours que les Etats-Unis étaient le « pays de la liberté ».
Plus incroyable encore, la Maison Blanche a rapidement confirmé que les détenteurs d’une green card étaient également concernés par l’interdiction d’accès au territoire. On parle là de personnes qui résident légalement aux Etats-Unis et y ont un permis de travail. Leur seul tort est d’avoir la mauvaise nationalité. Un citoyen iranien résidant légalement aux Etats-Unis et se trouvant à l’étranger au moment où le décret a été signé pouvait ainsi se retrouver dans l’impossibilité de rentrer chez lui ! C’est ce qui est arrivé à Nazanin Zinouri, une citoyenne iranienne qui réside légalement en Caroline du Sud depuis sept ans. Elle se trouvait en vacances en Iran au moment où le décret a été signé par Donald Trump. Elle y rendait visite à sa famille et ses amis. Lorsqu’elle a appris la signature du décret, elle a décidé d’écourter son séjour et d’acheter un billet d’avion à la hâte pour pouvoir rentrer chez elle. Mais il était déjà trop tard. À Dubaï, où elle était en transit, elle n’a pas pu embarquer à bord de l’avion qui devait l’amener à Washington. Elle a raconté son histoire sur sa page Facebook.
Le décret s’applique également aux personnes ayant une double nationalité, à l’exception des citoyens américains. Prenons un autre exemple concret. Mo Farah, le célèbre athlète britannique, médaillé d’or sur 5,000m et 10,000m aux JO de Londres (2012) et de Rio (2016), a la double nationalité britannique et somalienne. En raison de sa nationalité somalienne, il est désormais théoriquement interdit de séjour aux Etats-Unis. Or, Farah vit depuis six ans en Oregon avec sa famille. Il se trouve actuellement en Ethiopie, où il s’entraîne. Il a publié un message sur son compte Facebook. Il y explique qu’il ignore s’il sera autorisé à rentrer chez lui et à retrouver sa famille.
De nombreux américains se sont rapidement mobilisés pour dénoncer l’absurdité de la situation. Bon nombre d’entre eux ont aussi dénoncé la mise en place d’un #MuslimBan. Ce hashtag est rapidement devenu le plus utilisé du moment sur Twitter. Pourtant, concrètement, le décret de Trump n’est pas un Muslim ban, une interdiction d’entrée sur le territoire qui viserait l’ensemble des musulmans. Il est vrai que la majorité des personnes concernées par le décret sont musulmanes, MAIS le décret ne vise pas pour autant l’ensemble des musulmans (en tout cas, pour l’instant). Les musulmans qui ne sont pas iraniens, irakiens, syriens, libyens, soudanais, somaliens ou yéménites peuvent toujours se rendre librement aux Etats-Unis. À l’inverse, un syrien ou un irakien chrétien ne le peut pas. C’est bien le critère de la nationalité qui est ici pris en compte, et non celui de la religion. Bien sûr, Donald Trump avait évoqué la possibilité d’interdire l’accès au territoire américain à TOUS les musulmans pendant sa campagne. La proposition figure d’ailleurs toujours sur son site web. D’où, sans doute, la confusion dans l’esprit de certains, y compris de certains journalistes ayant repris le terme de Muslim ban.
Des citoyens se sont donc rassemblés dans les aéroports du pays pour manifester leur opposition à la nouvelle politique d’immigration de leur président. Parmi eux, des avocats venus proposer gratuitement leurs services aux personnes arrêtées à leur descente d’avion et interdites d’entrée sur le sol américain. Plusieurs de ces personnes ont rapidement décidé de porter plainte. Samedi soir, vingt-quatre heures après la signature du décret, un juge fédéral affirmait que les personnes retenues dans les aéroports depuis leur arrivée et ayant un visa en règle ne pouvaient pas être expulsées du territoire. Une fois autorisées à quitter l’aéroport, ces personnes ont été acclamées par les manifestants, qui brandissaient des pancartes de bienvenue. Des scènes totalement surréalistes !
COMMENT LE MONDE POLITIQUE A-T-IL RÉAGI?
La mobilisation citoyenne a été importante. Mais comment le monde politique a-t-il réagi?
Les Démocrates. La majorité des élus démocrates s’est insurgée contre la politique de Donald Trump. Certains ont dénoncé la mise en place d’un Muslim ban, ce qui, comme nous l’avons dit, ne correspond pas tout à fait à la réalité. Ici, un tweet de la sénatrice Kamala Harris.

D’autres ont davantage insisté sur le fait que cette nouvelle politique d’immigration – et particulièrement la fin de l’accueil des réfugiés – était contraire aux valeurs américaines.


Hillary Clinton a également pris la parole (si on peut appeler cela comme ça) sur Twitter, pour apporter son soutien aux américains manifestant dans les aéroports.

Les Républicains. Les membres du parti de Donald Trump ont mis du temps à réagir. Aucune condamnation au cours des vingt-quatre premières heures suivant la signature du décret. Ensuite, les langues se sont peu à peu déliées. Résultat? Le parti semble une fois de plus divisé. D’après les calculs de Vox, la majorité des élus républicains du Congrès n’a encore fait aucune déclaration à l’heure où nous écrivons ces lignes, 53 ont apporté leur soutien à Donald Trump et 35 ont critiqué son décret.

Parmi les opposants, on peut citer les sénateurs John McCain et Lindsey Graham, dont voici le communiqué commun.

Donald Trump leur a répondu sur Twitter, en les accusant de… vouloir déclencher la Troisième Guerre Mondiale !

D’autres personnalités républicaines, non membres du Congrès, ont également critiqué le décret de Donald Trump. C’est notamment le cas de plusieurs gouverneurs, dont John Kasich, ou de l’ex-candidat indépendant à la présidence, Evan McMullin.

Les réactions à l’étranger. Plusieurs chefs d’état étrangers ont critiqué le décret de Donald Trump. Le gouvernement iranien a déjà annoncé qu’il allait répliquer en interdisant à son tour l’accès à son territoire aux ressortissants américains. L’Irak pourrait en faire autant, alors que des soldats américains et irakiens combattent en ce moment même ensemble contre l’Etat Islamique à Mossoul.
En Europe, des critiques se sont également faites entendre. D’après la presse allemande, Angela Merkel aurait même rappelé à Donald Trump, lors d’une conversation téléphonique, en quoi consistaient ses obligations en tant qu’état signataire des Conventions de Genève ! Au Royaume-Uni, une pétition réclamant l’annulation de la future visite d’état de Donald Trump a déjà recueilli plus d’un million de signatures, ce qui signifie qu’elle devra être débattue au parlement.
Enfin, le premier ministre canadien, Justin Trudeau, a répondu à Trump en annonçant que les réfugiés continueraient d’être les bienvenus au Canada. Son tweet a été partagé plus de 400,000 fois.

Pour la petite anecdote, ce tweet a même été retweeté par Jeb Bush Jr., le fils cadet de Jeb Bush.
Nous n’avons sans doute pas fini d’entendre parler de la nouvelle politique d’immigration de Donald Trump. La suite au prochain épisode…
Une réflexion sur “LA POLITIQUE D’IMMIGRATION DE DONALD TRUMP PROVOQUE LE CHAOS ET L’INDIGNATION”