La semaine qui vient de s’écouler a (enfin) été un peu plus calme que les précédentes. Mais ne vous en faites pas, nous avons tout de même des choses à vous raconter…
THE TRUMP TRANSITION STORY
Cette semaine, le Sénat a confirmé les nominations de Jeff Sessions au poste d’Attorney General, de Betsy DeVos au poste de Secrétaire à l’Education et de Tom Price au poste de Secrétaire à la Santé.
- Jeff Sessions
Le vote en faveur de la nomination de Jeff Sessions au poste d’Attorney General (équivalent de notre Ministre de la Justice) a pu avoir lieu après… 30 heures de débat consécutives ! Les sénateurs démocrates ont été nombreux à prendre longuement la parole pour expliquer pourquoi ils ne pouvaient pas voter en faveur de Sessions. En résumé, ils l’accusent d’avoir défendu des positions plus ou moins racistes par le passé et estiment ne pas avoir la garantie qu’il effectuera son travail en assurant l’égale protection de tous les citoyens devant la loi. Les Républicains ont quant à eux défendu leur collègue et expliqué pourquoi ils voteraient en sa faveur. Ces 30 heures de débat ont aussi été marquées par la sanction imposée à Elizabeth Warren (voir ci-dessous).
- Betsy DeVos
Les Démocrates s’opposaient également farouchement à la nomination de Betsy DeVos au poste de Secrétaire à l’Education. Deux sénatrices républicaines y étaient également opposées. Autrement dit, 50 sénateurs ont voté pour DeVos et 50 ont voté contre. Comme le veut le règlement dans le cas d’une telle égalité, c’est le vice-président des Etats-Unis (qui est aussi président du Sénat), Mike Pence, qui a participé au vote et accordé la voix décisive en faveur de la confirmation de DeVos. Un moment historique puisque jamais le vice-président n’avait eu besoin d’intervenir ainsi lors d’un vote pour la nomination d’un membre du cabinet présidentiel !
À peine nommée, Betsy DeVos a prouvé qu’elle était capable de faire preuve d’auto-dérision. Lors de son premier discours, elle a en effet déclaré:
For me personally, this confirmation process and the drama it engendered has been a bit of a bear. (Pour moi, ce processus de confirmation et le drame qu’il a engendré ont été un peu difficiles)
En anglais, a bear = un ours et l’adjectif bear = difficile. Joli jeu de mots. DeVos faisait évidemment référence à sa mention de l’utilité de détenir des armes dans certaines écoles pour se protéger en cas d’attaque de grizzly. Un commentaire qui avait suscité la controverse.
DeVos a également tenté de rassurer tout le monde.
Please know I’m a door-open type of person. (Sachez que je suis une personne ouverte à la discussion)
Elle n’a semble-t-il pas convaincu tout le monde puisque des manifestants ont bloqué l’entrée d’une école publique qu’elle devait visiter. Lorsqu’elle est arrivée sur place, ils lui ont barré la route. Elle a été contrainte de retourner à son véhicule sous les huées. Plus tard, elle a finalement réussi à rentrer dans l’école par une autre porte.
- Tom Price
Enfin, le Sénat a également voté en faveur de la nomination de Tom Price. Le nouveau Ministre de la Santé va pouvoir s’atteler à la fameuse réforme de l’Obamacare.
LA FEMME DE LA SEMAINE
Elizabeth Warren, sénatrice démocrate du Massachusetts, sanctionnée pour avoir enfreint la règle 19 (Rule XIX) du règlement du Sénat. Explications.
Nous sommes au Sénat, en plein cœur du débat autour de la confirmation controversée de Jeff Sessions au poste d’Attorney General. Elizabeth Warren prononce un discours dans lequel elle explique, comme bon nombre de ses collègues démocrates avant elle, pourquoi elle refuse de voter en faveur de Sessions. Pour appuyer son propos, elle lit d’abord une lettre rédigée par l’ex-sénateur Edward Kennedy en 1986. Il s’y opposait alors à la nomination de Sessions à un poste de juge fédéral* et le qualifiait notamment de « déshonneur pour le Département de la Justice ».
*Rappel: En 1986, Jeff Sessions avait été nommé à un poste de juge fédéral par le président Reagan, mais sa nomination avait été rejetée par le Sénat en raison des témoignages de plusieurs de ses anciens collègues. Ceux-ci l’accusaient d’avoir tenu des propos racistes et/ou complaisants à l’encontre du Ku Klux Klan. Sessions a toujours nié avoir tenu ces propos. Plus tard, il a été élu au poste de sénateur de l’Alabama.
Elizabeth Warren entame ensuite la lecture d’une seconde lettre, adressée par Coretta Scott King, la veuve de Martin Luther King Jr., au sénateur Strom Thurmond, toujours en 1986, pour s’opposer à la nomination de Jeff Sessions à ce même poste de juge fédéral. King y écrit notamment que Sessions a usé de son pouvoir pour intimider les afro-américains voulant exercer leur droit de vote.
Alors qu’elle est en train de lire la lettre de Coretta Scott King, Warren est interrompue par le président de la séance. Ce dernier lui lance un avertissement, lui rappelant que la règle 19 du règlement interdit à un sénateur de mettre en cause l’intégrité de l’un de ses collègues. Étonnée, Warren explique qu’elle ne fait que lire une lettre rédigée par quelqu’un d’autre et admise à l’époque comme témoignage lors des auditions de Jeff Sessions. « Vous avez affirmé qu’un sénateur en exercice était un déshonneur pour le Département de la Justice », réplique le président.
Malgré cet avertissement, Warren poursuit la lecture de la lettre de Coretta Scott King. C’est alors qu’intervient Mitch McConnell, chef de file de la majorité républicaine au Sénat. Il demande à ce que Warren soit sanctionnée pour non-respect de la règle 19. Un vote a lieu. Les Républicains votent tous en faveur d’une sanction contre Warren. Les Démocrates votent contre. Les Républicains étant majoritaires, Warren est sanctionnée. Elle est contrainte de cesser son discours et interdite de parole jusqu’à la fin du débat concernant la nomination de Jeff Sessions. En guise de justification, Mitch McConnell déclare:
She was warned. She was given an explanation. Nevertheless, she persisted. (Elle a été avertie. On lui a donné une explication. Malgré cela, elle a persisté)
De nombreux messages de soutien à Elizabeth Warren apparaissent rapidement sur les réseaux sociaux. Sur Twitter, le hashtag #LetLizSpeak connaît notamment un franc succès. Le Parti Démocrate publie même un communiqué officiel pour défendre Warren. On peut notamment y lire:
It’s a sad day in America when the words of Martin Luther King Jr.’s widow are not allowed on the floor of the United States Senate. (C’est un jour triste pour l’Amérique quand les paroles de la veuve de Martin Luther King Jr. ne sont pas autorisées au Sénat)
Certains collègues démocrates de Warren font aussi remarquer qu’ils ont également lu la lettre de King durant les débats, sans être sanctionnés.

Elizabeth Warren a quant à elle finalement lu la lettre de Coretta Scott King en dehors de l’hémicycle du Sénat et diffusé la séquence en direct sur sa page Facebook.
Pour la petite histoire. La Rule XIX a été ajoutée au règlement du Sénat en 1902, après que deux sénateurs démocrates en soient venus aux mains lors d’un débat. D’autres sénateurs avaient également reçu des coups en tentant de séparer les deux hommes.
Concrètement, cette règle n’avait presque jamais été invoquée pour sanctionner un sénateur. Pour prendre un exemple récent, elle aurait pu l’être en 2015, lorsque Ted Cruz avait ouvertement traité son collègue Mitch McConnell de menteur. Mais les Républicains avaient semble-t-il préféré régler l’affaire en interne et ne pas donner davantage d’écho à Cruz en le sanctionnant. Alors pourquoi cette sanction contre Warren? Il est probable qu’elle ait payé le prix de l’agacement des Républicains pour l’ensemble de ses collègues démocrates. Les Républicains étaient en effet excédés du traitement réservé par les Démocrates à leur collègue Jeff Sessions depuis plusieurs semaines. Le sénateur démocrate Cory Booker avait même témoigné contre lui lors de son audition. Jusque-là, jamais un sénateur n’avait témoigné contre l’un de ses collègues, même du parti adverse, nommé à un poste de ministre.
LE DISCOURS DE LA SEMAINE
Le discours de la semaine a été prononcé par Marco Rubio au Sénat, après la sanction prise à l’encontre d’Elizabeth Warren. Comme tous les Républicains, Rubio a voté en faveur de cette sanction. Quoi que l’on en pense (la sanction contre Warren était-elle justifiée ou non?), le discours de huit minutes de Rubio, qui sonne comme un cri d’alarme, vaut la peine d’être entendu.
Rubio explique qu’il est de plus en plus difficile de débattre sereinement aux Etats-Unis, parce que chacun a de plus en plus tendance à accuser tout de suite la personne qui n’est pas d’accord avec lui de tous les maux, plutôt que de l’écouter et de lui expliquer calmement ses désaccords.
We are becoming a society incapable of having debates anymore. (Nous sommes en train de devenir une société incapable de débattre)
Il met en garde contre le danger de cette incapacité à débattre sereinement.
I don’t know of a single nation in the history of the world that’s been able to solve its problems when half the people in a country absolutely hate the other half of the people in that country. (Je ne connais aucune nation dans l’histoire du monde qui a été capable de résoudre ses problèmes lorsque la moitié de la population du pays haïssait l’autre moitié de la population)
Rubio déclare même que, depuis le début de la campagne électorale pour la présidentielle de 2016, il a entendu des choses qu’il n’aurait jamais cru entendre aux Etats-Unis.
Le Sénat devrait, toujours selon Rubio, montrer l’exemple. Si les sénateurs ne sont plus capables d’avoir un vrai débat, qui le pourra encore dans la société?
Bien évidemment, les détracteurs de Rubio n’ont pas tardé à dénoncer son hypocrisie. Il est vrai qu’il a lui-même attaqué personnellement Donald Trump pendant la campagne électorale, après que celui-ci se soit moqué de lui à de nombreuses reprises. Rubio le reconnaît dans son discours et dit qu’il n’en est pas fier. Quoi qu’il en soit, son discours nous semble soulever des points intéressants. Reste à voir s’il sera capable d’appliquer ce qu’il prêche à l’avenir.
L’AUTRE DISCOURS DE LA SEMAINE
Toujours dans le cadre du débat autour de la confirmation de Jeff Sessions, le sénateur républicain Tim Scott a lu à haute voix quelques messages reçus par mail ou sur les réseaux sociaux après qu’il ait annoncé avoir l’intention de voter en faveur de Sessions. Des messages du type « Vous êtes le déshonneur de la race noire ». Il faut ici rappeler que Tim Scott est le seul sénateur républicain afro-américain. Il a conclu son intervention en expliquant être étonné par les agissement de certaines personnes de gauche, qui accusent les Républicains d’êtres intolérants pour ensuite leur adresser de tels messages haineux.
LA DÉCISION DE LA SEMAINE
La Cour d’Appel fédérale de San Francisco a confirmé la décision prise précédemment par un juge de Seattle. Décision d’annuler la mise en œuvre du décret de Donald Trump interdisant l’accès au territoire aux ressortissants de sept pays. Les trois juges de la Cour ont rejeté les arguments de l’administration Trump, qui justifiait l’adoption du décret en invoquant des raisons de sécurité nationale. La Cour a notamment estimé que le gouvernement n’avait pu avancer aucune preuve de l’implication d’un ressortissant de l’un des sept pays concernés dans une attaque terroriste visant les Etats-Unis.
Le décret de Donald Trump est donc bel et bien suspendu jusqu’à nouvel ordre. Suite à ce nouveau revers, le président américain a de nouveau laissé éclater sa colère.

Cela pourrait vouloir dire que Donald Trump a l’intention de porter l’affaire devant la Cour Suprême, en dernier recours. L’autre option serait de modifier son décret ou de l’abandonner.
LA POLÉMIQUE DE LA SEMAINE
Y aura-t-il un seul Weekly News Flash sans « polémique de la semaine » sous la présidence de Donald Trump? Rien n’est moins sûr.
Cette semaine, le président américain s’en est pris à Nordstrom, une chaîne de grands magasins de luxe ayant récemment annoncé ne plus vouloir vendre les vêtements et bijoux de la marque Ivanka Trump. Officiellement, il ne s’agit pas d’une décision politique. Les produits Ivanka Trump ne se vendraient tout simplement plus suffisamment. L’explication ne satisfait pas le président américain, qui a accusé Nordstrom de traiter injustement sa fille.

Si tout ceci peut a priori sembler anecdotique, cela pose en réalité une fois de plus la question des conflits d’intérêt entre la fonction politique de Donald Trump et les intérêts de ses différentes entreprises ou de celles des membres de sa famille.
Plus grave encore, Kellyanne Conway, conseillère de Trump à la Maison Blanche, a fait de la publicité pour la marque d’Ivanka Trump en direct à la télévision. Lors d’une interview, elle a elle-même déclaré « Je vais faire de la publicité gratuite », avant d’inciter les américains à acheter des produits Ivanka Trump sur Internet ! Des membres des deux partis (Démocrate et Républicain) ont appelé à ce qu’une enquête soit ouverte pour déterminer si Conway avait enfreint la loi. Une loi fédérale interdit en effet à toutes les personnes travaillant pour l’état de promouvoir un produit, un service ou une entreprise privée.
LA LISTE DE LA SEMAINE
La Maison Blanche a publié une liste de 78 attaques terroristes. Elle accuse les médias de ne pas avoir accordé à ces événements l’importance qu’ils méritaient. Un procédé d’accusation contre la presse totalement inédit ! On retrouve dans cette liste les attentats de Paris, Nice, Bruxelles, Orlando ou San Bernardino, dont la presse américaine a pourtant longuement parlé. Politifact a analysé l’entièreté de la liste et a montré qu’en réalité, toutes les attaques de la liste, sauf une (en Egypte, n’ayant pas fait de victimes) avaient fait l’objet d’articles dans la presse.
LES AFFIRMATIONS DE LA SEMAINE
Michael Flynn, le conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, est sous pression. Neuf employés et/ou ex-employés d’agences fédérales ont confié au Washington Post, sous couvert d’anonymat, qu’il avait bien discuté d’une éventuelle levée des sanctions imposées à la Russie par Barack Obama avec l’ambassadeur russe en poste à Washington. Et ce, dans les semaines ayant précédé la cérémonie d’investiture de Donald Trump. Flynn n’avait à ce moment-là aucune fonction officielle et pourrait donc avoir enfreint la loi. Le FBI enquêterait désormais à ce sujet.
LA RENCONTRE DE LA SEMAINE
Vendredi, le premier ministre japonais Shinzo Abe est arrivé à Washington pour rencontrer Donald Trump à la Maison Blanche. Ils ont ensuite donné une conférence de presse commune, avant de prendre la direction de la Floride. Ils ont passé le week-end ensemble au Mar-a-Lago, l’hôtel et seconde résidence de Donald Trump. Ils y ont notamment joué au golf.
Notons aussi que Melania Trump, qui réside pour l’instant toujours à New York avec son fils, n’était pas présente pour accueillir l’épouse de Shinzo Abe à la Maison Blanche. Elle rompt ainsi avec une vieille tradition qui veut que la Première Dame tienne compagnie à son homologue pendant que leurs maris discutent des affaires du monde. Cela inclut parfois des visites de monuments ou de musées. Akie Abe a donc dû passer l’après-midi seule à Washington. En revanche, Melania était bien présente au Mar-a-Lago durant le week-end. Pendant que leurs époux jouaient au golf, elle a emmené Akie Abe visiter un musée et un jardin japonais. Cela ne s’invente pas !
PETITE INFO CONCERNANT LA COURSE À LA PRÉSIDENCE DU PARTI DÉMOCRATE
Les deux favoris au poste de président du Parti Démocrate sont Keith Ellison et Tom Perez. Mais il y a aussi un troisième homme, Pete Buttigieg, jeune maire homosexuel d’une ville de l’Indiana. Et il a reçu un soutien relativement important cette semaine. Celui de Martin O’Malley, ex-candidat aux primaires démocrates pour la présidentielle face à Hillary Clinton et Bernie Sanders.
LES PHOTOS DE LA SEMAINE
Après avoir occupé la Maison Blanche pendant huit ans, Barack Obama profite pleinement de ses premières semaines en tant que simple citoyen. En vacances aux Iles Vierges avec son ami Richard Branson, il s’est exercé au kitesurf.
L’INFO INSOLITE DE LA SEMAINE
Le successeur de Jeff Sessions au Sénat se nomme Luther Strange. Outre son patronyme assez folklorique, il est désormais le plus grand sénateur de l’histoire américaine. Il mesure en effet un petit peu plus de 2 mètres. Voici une photo de Strange et Sessions, prise en 2014. Impressionnant !
LES TWEETS DE LA SEMAINE
1. Vicente Fox ne veut toujours pas que le Mexique paye pour le p***** de mur de Donald Trump.

2. Marco Rubio a publié ces deux tweets à quelques minutes d’intervalle samedi. L’un est un verset de la Bible: « L’orgueil mène à la disgrâce, mais avec l’humilité vient la sagesse ». Le second est une citation de Sénèque: « Une âme incontrôlée, motivée par le désir et instable transforme un roi en cette chose crainte et détestée davantage – un tyran ». On ne voit vraiment pas de qui il veut parler, et vous?
3. Chuck Grassley, sénateur républicain de l’Iowa – par ailleurs connu pour rédiger ses tweets dans un langage codé assez original -, a rédigé plusieurs tweets étranges cette semaine. Il s’y adresse en effet à « quiconque surveille Twitter à la Maison Blanche ». Parmi ces tweets, celui-ci:

Si Twitter est le seul moyen qu’ont trouvé les membres républicains du Congrès pour communiquer avec la Maison Blanche, c’est plutôt inquiétant.
BONUS
Pour ceux qui lisent l’anglais, cette interview de Kellyanne Conway en vaut la peine. Elle y évoque notamment son parcours et sa vision du féminisme.
They never saw this coming: A Q&A with Kellyanne Conway.