Le président Trump a prononcé son premier discours sur l’état de l’Union ce mardi 30 janvier. Nous vous résumons ce qu’il fallait en retenir.
QUAND TOUT COMMENCE MAL…
Oops. Les tickets envoyés à certains invités devant assister au discours sur l’état de l’Union contenaient une vilaine faute d’orthographe. Ils mentionnaient en effet le State of the Uniom au lieu du State of the Union. Une anecdote qui a bien fait rire les internautes, et même certains élus. Marco Rubio s’en est ainsi amusé sur son compte Twitter.
RAPPEL: QU’EST-CE QUE LE STATE OF THE UNION ADDRESS?
Le discours sur l’état de l’Union (State of the Union Address) est un discours prononcé une fois par an devant le Congrès par le Président des Etats-Unis.
- Pourquoi ce discours annuel ?
Dans son article 2, section 3, la Constitution américaine prévoit que :
The President shall from time to time give to Congress information of the state of the Union
Le Président devra informer de temps à autre le Congrès sur l’état de l’Union
L’Union désigne ici les Etats-Unis d’Amérique en tant qu’état fédéral, soit une « union » de cinquante états. Le Président des Etats-Unis est à la tête de cette Union et incarne le pouvoir exécutif. La Constitution lui demande d’informer régulièrement le pouvoir législatif (incarné par le Congrès) sur l’état de l’Union. Elle n’impose en revanche pas au président de prononcer un discours. Il pourrait donc choisir d’informer le Congrès par un autre moyen, en lui adressant par exemple un rapport écrit. Ce fut d’ailleurs longtemps le cas. Si le premier président américain, George Washington, avait choisi la méthode du discours, ses successeurs l’ont rapidement abandonnée pour lui préférer les rapports écrits. C’est Woodrow Wilson qui a remis la pratique du discours au goût du jour en 1913. Et c’est ensuite avec l’avènement de la télévision que le discours sur l’état de l’Union a pris l’importance que nous lui connaissons aujourd’hui. Il est désormais diffusé en direct à la télévision et en streaming sur Internet. Le président ne s’adresse donc plus seulement au Congrès, mais à l’ensemble des Américains.
- Que dit le président lors de ce discours ?
Il n’y a pas de règle précise mais le discours sur l’état de l’Union permet traditionnellement au président de faire le bilan de son action lors de l’année écoulée et d’énoncer ses priorités politiques pour l’année à venir. Il arrive également qu’il profite de ce discours pour lancer une idée nouvelle ou annoncer un projet important. Par exemple, c’est lors de son discours sur l’état de l’Union de 2002 que le président George W. Bush avait pour la première fois évoqué le fameux « axe du mal ».
Le plus long discours sur l’état de l’Union jamais prononcé est celui de Bill Clinton en 2000: 1 heure et 28 minutes. Donald Trump a presque battu ce record cette année puisqu’il a parlé pendant 1 heure et 20 minutes (le troisième plus long discours sur l’état de l’Union de l’histoire).
- Qui assiste au discours sur l’état de l’Union ?
Le président s’exprime depuis une tribune située face à l’hémicycle réunissant les membres du Congrès. Le vice-président des Etats-Unis, qui est aussi président du Sénat, et le Speaker de la Chambre des Représentants sont assis juste derrière lui.
Face au président, le public est composé de:
*Les membres du Congrès (députés + sénateurs), ou du moins ceux qui choisissent d’assister au discours car cela n’est en rien une obligation. Cette année, 14 élus démocrates avaient décidé de boycotter le discours de Donald Trump. Parmi eux, l’icône de la lutte pour les droits civiques et aujourd’hui député de Géorgie John Lewis. D’autre part, John McCain était également absent. Il se repose toujours en Arizona, affaibli par sa chimiothérapie.
*Les juges de la Cour Suprême
*Le Cabinet du Président, c’est-à-dire tous les membres de son gouvernement SAUF UN. Chaque année, l’un des membres du gouvernement est en effet tiré au sort pour être le designated survivor (le survivant désigné). Il doit regarder le discours du président depuis un endroit sécurisé et tenu secret. L’objectif? Pouvoir assurer la continuité du gouvernement au cas où une catastrophe se produirait au Capitole.
*La First Lady. Melania Trump était bien présente pour assister au discours de son mari. Elle n’avait pas encore été aperçue une seule fois à ses côtés depuis le début de l’année. Il faut dire que le Wall Street Journal a récemment révélé que Donald Trump avait eu une relation extraconjugale avec une star du X en 2006. La tenue de Melania Trump a aussi suscité quelques interrogations. La First Lady était en effet habillée tout en blanc. Certains y ont vu un geste provocateur au moment où plusieurs élues démocrates avaient décidé de s’habiller en noir pour afficher leur soutien aux victimes de harcèlement sexuel et au mouvement #MeToo.
*La presse
*Et enfin, un certain nombre d’invités. Chaque année, le président invite plusieurs personnes à assister à son discours aux côtés de la First Lady. Ces invitations sont souvent symboliques. Cette année, Donald Trump avait entre autres choisi d’inviter les parents de plusieurs adolescentes assassinées par des membres du gang MS-13, un soldat s’étant réengagé dans l’armée après avoir perdu ses deux jambes en Irak et un dissident nord-coréen ayant réussi à fuir son pays. Chaque membre du Congrès a également le droit d’inviter quelques personnes. Cette année, plusieurs députés démocrates avaient choisi d’inviter des victimes de harcèlement sexuel et/ou des bénéficiaires du DACA. La sénatrice démocrate Kirsten Gillibrand avait invité la maire de San Juan, capitale de Porto Rico, qui avait critiqué la gestion de l’ouragan Maria par l’administration Trump. Côté républicain, le député de Floride Matt Gaetz a dû faire face aux critiques après que la presse ait révélé au lendemain du discours qu’il y avait invité Chuck Johnson, un membre du mouvement alt-right très actif en ligne. Johnson a été banni de Twitter et a remis en cause l’existence des chambres à gaz et le nombre réel des victimes de l’Holocauste. Matt Gaetz affirme qu’il ne savait pas vraiment qui était Chuck Johnson mais qu’il lui a offert un ticket après l’avoir rencontré par hasard dans son bureau (hum 🤔). Gaetz déclare qu’il avait un ticket en trop après que son père ait annulé sa venue parce qu’il souffrait d’une bronchite.
- La réponse du parti d’opposition
Depuis 1966, le parti d’opposition (celui auquel n’appartient pas le président) adresse une réponse au discours sur l’état de l’Union. Cette allocution est également diffusée à la télévision, juste après le discours du président. Cette année, le Parti Démocrate avait confié la tâche de prononcer ce discours au député du Massachusetts Joe Kennedy. À 37 ans, ce dernier, petit-neveu de l’ex-président assassiné John F. Kennedy, est considéré comme une étoile montante du Parti Démocrate.
LE DISCOURS DE DONALD TRUMP
Dans son discours, Donald Trump s’est avant tout vanté des réalisations de son administration durant la première année de sa présidence. Il a notamment beaucoup insisté sur l’aspect économique: bonne santé de l’économie américaine, baisse du taux de chômage, adoption d’une ambitieuse loi de réforme fiscale (le Tax Cuts and Jobs Act), etc. Le président n’a en revanche pas beaucoup parlé de ses objectifs politiques pour l’année à venir. Il a seulement évoqué sa volonté de faire baisser le prix des médicaments aux Etats-Unis. Il a déclaré que c’était l’une de ses priorités pour l’année à venir, sans préciser comment il comptait s’y prendre. Il a aussi demandé au Congrès de passer une loi qui permettrait de dégager un budget de 1,5 mille milliards de dollars pour moderniser les infrastructures du pays. C’était déjà l’une de ses grandes promesses de campagne mais rien n’a encore vraiment été entrepris dans ce domaine depuis son arrivée à la Maison Blanche.
- L’immigration
La partie du discours de Donald Trump consacrée à l’immigration est celle qui a suscité le plus de commentaires négatifs de la part des Démocrates a posteriori. Ils estiment en effet que le président a injustement et dangereusement assimilé les immigrants en situation irrégulière à de dangereux criminels. Donald Trump a ainsi évoqué le meurtre de deux adolescentes par des membres du gang MS-13, avant d’expliquer que ces meurtriers résidaient illégalement dans le pays. Rien de tout cela n’est faux. Mais Donald Trump s’est bien gardé de préciser que la majorité des immigrants en situation irrégulière aux Etats-Unis ne sont membres d’aucun gang violent et n’ont commis aucun crime, si ce n’est celui de pénétrer ou de rester illégalement sur le territoire. D’après plusieurs études, le taux de criminalité des immigrés serait même moins élevé que celui des personnes nées aux Etats-Unis.
My duty, and the sacred duty of every elected official in this chamber, is to defend Americans – to protect their safety, their families, their communities, and their right to the American Dream. Because Americans are dreamers, too. (Mon devoir, et le devoir sacré de chaque élu de cette assemblée, est de défendre les Américains – de protéger leur sécurité, leurs familles, leurs communautés, et leur droit au rêve américain. Parce que les Américains sont aussi des rêveurs) – (En référence aux Dreamers, nom donné aux immigrants arrivés illégalement aux Etats-Unis lorsqu’ils étaient mineurs)
Donald Trump a ensuite présenté les quatre points du plan de réforme de l’immigration voulu par la Maison Blanche. Un plan qui n’a jusqu’ici pas convaincu suffisamment de membres du Congrès, pour des raisons diverses.
1 – Offrir la citoyenneté américaine à 1,8 millions d’immigrants arrivés illégalement aux Etats-Unis lorsqu’ils étaient mineurs. S’ils n’ont pas de casier judiciaire et un emploi, ils pourraient acquérir la citoyenneté américaine après 12 années passées aux Etats-Unis. Pour Donald Trump, il s’agit là d’une concession faite aux Démocrates. Cependant, malgré cette disposition, ceux-ci refusent d’apporter leur soutien au plan de la Maison Blanche, car cela signifierait aussi accepter les trois autres points du plan (voir ci-dessous) qu’ils jugent inacceptables. Selon Donald Trump, cela prouve que les Démocrates refusent tout compromis.
2 – Renforcer la sécurité à la frontière, ce qui inclut la construction du fameux mur voulu par Donald Trump.
3 – Supprimer le visa lottery program, qui permet de distribuer des green cards à des milliers de ressortissants étrangers tirés au sort chaque année. Donald Trump ne veut plus de ce système. Il désire le remplacer par un système d’immigration choisie. Les immigrants pouvant s’installer aux Etats-Unis seraient alors sélectionnés en fonction de leur maîtrise de la langue anglaise, de leurs qualifications professionnelles, etc.
4 – Mettre fin à la politique du regroupement familial. Les immigrants ne pourraient plus faire venir avec eux aux Etats-Unis que leur conjoint(e) et leurs enfants mineurs, pas les autres membres de leur famille.
- La politique étrangère
Donald Trump a davantage parlé de politique intérieure que de politique étrangère dans son discours. Mais il s’est tout de même félicité de la défaite presque totale de l’Etat Islamique en Irak et en Syrie et de la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël. Il a aussi déclaré que les Etats-Unis devaient renforcer leur armée et leur arsenal nucléaire (!) pour dissuader quiconque de les attaquer.
We must modernize and rebuild our nuclear arsenal, hopefully never having to use it, but making it so strong and so powerful that it will deter any acts of aggression by any other nation or anyone else. Perhaps someday in the future there will be a magical moment when the countries of the world will get together to eliminate their nuclear weapons. Unfortunately, we are not there yet. (Nous devons moderniser et reconstruire notre arsenal nucléaire, en espérant ne jamais avoir à nous en servir, mais en le rendant si fort et puissant que cela dissuadera tout acte d’agression de la part d’une autre nation ou de qui que ce soit d’autre. Peut-être qu’un jour dans le futur, il y aura un moment magique lors duquel les pays du monde se rassembleront pour éliminer leurs armes nucléaires. Malheureusement, nous en sommes loin)
- La prison de Guantanamo ne fermera pas ses portes
Ce fut l’annonce surprise de la soirée. Donald Trump a déclaré que la prison de Guantanamo ne serait pas fermée et continuerait d’être utilisée par l’armée américaine pour détenir et interroger des combattants ennemis capturés à l’étranger. (Barack Obama avait promis de fermer la prison mais n’a jamais tenu sa promesse).
- La Corée du Nord
Donald Trump s’en est de nouveau pris à la dictature nord-coréenne. Il a indiqué que son administration menait actuellement une « campagne de pression maximale » pour éviter que la Corée du Nord ne puisse un jour frapper les Etats-Unis avec un missile nucléaire. Il a ensuite rendu hommage à un dissident nord-coréen, qu’il avait invité à assister à son discours. L’hommage à Ji Seong-Ho fut l’un des moments les plus poignants de la soirée. Ce dissident a été emprisonné et torturé par le régime. Il est parvenu à fuir son pays en parcourant des milliers de kilomètres sur ses béquilles. Il vit aujourd’hui à Séoul, en Corée du Sud. Donald Trump a qualifié l’histoire de Ji Seong-Ho de « testament du désir de tout être humain de vivre en liberté ».
- L’hommage à Steve Scalise
Le président Trump a également rendu hommage à Steve Scalise, ce député républicain grièvement blessé lors d’une fusillade en juin 2017. Il l’a surnommé « la légende de Louisiane » et a rappelé qu’il avait fait son retour au Congrès trois mois et demi seulement après avoir frôlé la mort. Steve Scalise a été longuement applaudi.
UNE AUDIENCE IMPORTANTE (MAIS PAS LA PLUS IMPORTANTE DE L’HISTOIRE)
45,6 millions d’Américains ont regardé le discours de Donald Trump en direct à la télévision. Le président a rapidement indiqué dans un tweet qu’il s’agissait de l’audience la plus importante de l’histoire pour un discours sur l’état de l’Union. En réalité, ce n’est pas le cas. Deux discours sur l’état de l’Union ont été davantage regardés: celui de Barack Obama en 2010 et celui de George W. Bush en 2003. Par contre, jamais un discours sur l’état de l’Union n’avait suscité autant de commentaires sur Twitter. 4,5 millions de tweets relatifs au discours ont été publiés sur le réseau social favori du président.
LA RÉPONSE DE JOE KENNEDY
La réponse du Parti Démocrate au discours sur l’état de l’Union de Donald Trump a été délivrée par le député Joe Kennedy. Celui-ci avait choisi de s’exprimer depuis un garage automobile du Massachusetts. L’occasion de nuancer grandement le bilan économique positif présenté par Donald Trump. Pour Joe Kennedy, la loi de réforme fiscale adoptée par le Congrès va avant tout bénéficier aux entreprises et aux Américains les plus riches, pas à la classe moyenne ni aux travailleurs les plus pauvres. C’est d’ailleurs le message que tous les élus démocrates n’ont cessé de marteler depuis l’adoption de cette loi.
Joe Kennedy a également critiqué plus largement le bilan de la première année de la présidence Trump, accusant le président de dresser les Américains les uns contre les autres.
This administration isn’t just targeting the laws that protect us – they are targeting the very idea that we are all worthy of protection. For them, dignity isn’t something you’re born with but something you measure. By your net worth, your celebrity, your headlines, your crowd size. Not to mention the gender of your spouse. The country of your birth. The color of your skin. The God of your prayers. (Cette administration ne met pas seulement à mal les lois qui nous protègent – ils mettent à mal l’idée même que nous soyons tous dignes de protection. Pour eux, la dignité n’est pas quelque chose d’acquis à la naissance mais quelque chose qui se mesure. À vos revenus, votre célébrité, les titres qui vous sont consacrés dans la presse, la taille de la foule lors de vos meetings. Sans compter le genre de votre conjoint. Le pays dans lequel vous êtes né. La couleur de votre peau. Le Dieu de vos prières)
We are bombarded with one false choice after another. Coal miners or single moms. Rural communities or inner cities. The coast or the heartland. As if the mechanic in Pittsburgh and the teacher in Tulsa and the daycare worker in Birmingham are somehow bitter rivals, rather than mutual casualties of a system forcefully rigged for those at the top. (Nous sommes bombardés de faux choix. Les mineurs ou les mères célibataires. Les communautés rurales ou les centres-villes. Les côtes ou le cœur du pays. Comme si le mécanicien de Pittsburgh et l’enseignant de Tulsa et l’infirmier de Birmingham étaient des rivaux, et non les victimes d’un système qui avantage les plus riches)
Joe Kennedy s’est aussi adressé aux Dreamers pour leur dire que les Démocrates continueraient à se battre pour eux. Il a même prononcé quelques mots en espagnol.
And to all the Dreamers watching tonight, let me be clear: Ustedes son parte de nuestra historia. Vamos a luchar por ustedes y no nos vamos alejar. (Et à tous les Dreamers qui nous regardent ce soir, laissez-moi être clair: Vous faites partie de notre histoire. Nous lutterons pour vous et nous n’abandonnerons pas)
Le discours engagé de Joe Kennedy a été accueilli plutôt favorablement par la critique. Mais un petit détail a toutefois distrait de nombreux téléspectateurs: un reflet brillant et humide près des lèvres du député.
Sur les réseaux sociaux, des internautes mal intentionnés se sont empressés de se moquer de Joe Kennedy et de sa « bave ». Le lendemain, lors d’une interview, Kennedy a précisé qu’il avait en réalité simplement un peu trop forcé sur le baume à lèvres et qu’il ne commettrait plus cette erreur à l’avenir.
Une réflexion sur “RETOUR SUR LE DISCOURS SUR L’ÉTAT DE L’UNION DE DONALD TRUMP”