Le débat sur les armes à feu a fait rage tout au long de la semaine aux Etats-Unis. Nous y consacrons la plus grande partie de ce nouveau Weekly News Flash. Quelques mots aussi sur la mort de Billy Graham, la CPAC et le livre de Michelle Obama. C’est parti !
LE DÉBAT SUR LES ARMES À FEU REBONDIT À LA SUITE DE LA FUSILLADE DE PARKLAND
Après qu’une fusillade ait tué 17 personnes dans leur établissement, les lycéens de Parkland se sont mobilisés et ont entraîné de nombreux autres adolescents américains dans leur sillage, faisant ainsi rebondir une nouvelle fois le débat sur les armes dans tout le pays. Cette forte mobilisation des jeunes fut aussi inattendue que spectaculaire. Ils réclament que les représentants politiques prennent des mesures concrètes pour assurer leur sécurité à l’école. Ils sont aussi nombreux à réclamer l’interdiction de la vente libre de certaines armes à feu, considérées comme des armes de guerre. C’est le cas du fusil AR-15 qui a été utilisé à Parkland et lors d’autres récentes tueries de masse.
Ci-dessous, nous avons dressé la liste des principaux événements de la semaine en lien avec la mobilisation des lycéens et le débat politique sur les armes à feu.
- L’enquête sur la fusillade de Parkland se poursuit et il semble que la police n’ait pas très bien fait son travail…
Tout d’abord, quelques éléments concernant l’enquête sur la fusillade de Parkland. Scott Israel, le shérif du comté de Broward, a reconnu que l’analyse des images issues des caméras de surveillance avait montré qu’un officier de police présent aux abords du lycée avait attendu quatre minutes à l’extérieur de l’établissement où avait lieu la fusillade avant de se décider à intervenir. Au total, la fusillade a duré environ six minutes. Ce policier a été suspendu et a ensuite rapidement annoncé sa démission.
- Les lycéens se mobilisent en Floride et ailleurs
Des dizaines d’élèves du lycée de Parkland ont embarqué à bord de bus pour se rendre à Tallahassee, la capitale de la Floride. Plus précisément, au Capitole. Le but? Interpeller les députés et leur faire part de leurs revendications. Sous leurs yeux ébahis, les députés de la Chambre des Représentants de Floride ont pris la décision de ne pas mettre à l’ordre du jour un vote sur une proposition de loi concernant les armes à feu. La proposition de loi en question, introduite par un député démocrate, interdirait la vente des armes de guerre. La majorité républicaine a refusé d’examiner cette proposition de loi avant la fin de la législature en cours. L’un des lycéens de Parkland ayant assisté au vote a déclaré que la décision des députés était « inacceptable » et démontrait qu’ « ils ne se soucient pas de nous ». L’un des députés démocrates prêts à voter en faveur de la proposition de loi s’est lui aussi indigné sur Twitter.

En Floride et partout ailleurs dans le pays, des milliers d’élèves ont participé à une action de « sortie des classes » le mercredi 21 février, soit une semaine exactement après la tuerie de Parkland. Le but était de quitter les salles de classe à l’heure où le massacre avait eu lieu et de manifester pour rendre hommage aux victimes et interpeller la classe politique. À Washington, des lycéens ont manifesté devant la Maison Blanche.

Une grande manifestation baptisée March for Our Lives sera organisée dans la capitale américaine le 24 mars prochain. Plusieurs stars d’Hollywood ont d’ores et déjà affiché leur soutien à l’organisation de cette grande marche sur Washington. George Clooney et son épouse ont notamment versé la somme de $500,000 au comité organisateur.
- Les lycéens de Parkland les plus engagés deviennent la cible de théories du complot sur les réseaux sociaux
Quelques lycéens de Parkland particulièrement engagés semblent avoir pris les choses en main. Ils ont créé leur propre mouvement baptisé Never Again, mobilisé leurs camarades, organisé des manifestations, etc. On les a aussi beaucoup vus s’exprimer dans les médias. Les Américains commencent donc à connaître leurs noms: Emma Gonzalez, David Hogg, Sarah Chadwick, Diego Pfeiffer ou Cameron Kasky, pour n’en citer que quelques-uns. Ces nouveaux activistes sont rapidement devenus la cible de certains internautes adeptes de la théorie du complot. Ceux-ci, encouragés par des personnalités très controversées comme Alex Jones, animateur de la chaîne Infowars, sont allés jusqu’à affirmer que les jeunes gens qui s’exprimaient sur les plateaux de télévision n’étaient pas de véritables survivants de la fusillade de Parkland, mais des acteurs rémunérés par des groupes politiques ayant pour objectif de confisquer les armes des citoyens américains ! Le sénateur Marco Rubio, bien que très critiqué par les lycéens de Parkland (voir plus loin), s’est dit écœuré par la propagation de ces théories du complot.

- Donald Trump déclare vouloir armer les enseignants
Le président Trump a organisé une réunion consacrée à la sécurité dans les écoles à la Maison Blanche. Des parents d’élèves y avaient été invités. Le père de l’une des victimes de la fusillade de Parkland s’est notamment adressé au président pour lui dire qu’il était en colère et qu’il était temps de réagir.
I can’t get on a plane with a bottle of water, but we leave some animal to walk into a school and shoot our children. […] We protect airports. We protect concerts. Stadiums. Embassies. The Department of Education that I walked into today that has a security guard in the elevator. […] 9/11 happened once. And they fix everything. (Je ne peux pas monter dans un avion avec une bouteille d’eau, mais nous laissons un animal entrer dans une école et abattre nos enfants. […] Nous protégeons les aéroports. Nous protégeons les concerts. Les stades. Les ambassades. Le Département de l’Education où je suis allé aujourd’hui a un officier de sécurité dans l’ascenseur. […] Le 11 septembre s’est produit une fois. Et ils ont tout corrigé)
All these school shootings, it doesn’t make sense. Fix it. There should have been one school shooting and we should have fixed it. And I’m pissed. Because my daughter – I’m not going to see again. She’s not here. She’s not here. She’s in North Lauderdale, at whatever it is, King David Cemetery, that’s where I go to see my kid now. (Toutes ces fusillades dans les écoles, cela n’a aucun sens. Il faut corriger cela. Il devrait y avoir eu une seule fusillade dans une école et nous aurions dû régler le problème. Et je suis en colère. Parce que ma fille – je ne la verrai plus. Elle n’est plus là. Elle n’est plus là. Elle est à North Lauderdale, au cimetière King David, c’est là que je vais voir mon enfant maintenant)
Après avoir écouté attentivement les différents intervenants, Donald Trump a fait part de ses idées pour renforcer la sécurité dans les écoles. L’une d’entre elles consiste à armer certains professeurs. Le président a précisé que seuls les profs sachant se servir d’une arme seraient sélectionnés. Donald Trump semble convaincu qu’un professeur armé pourrait intervenir et sauver la vie de ses élèves en cas d’attaque. Et il estime surtout que le simple fait de savoir qu’il y a des profs armés dans les écoles découragerait les meurtriers potentiels, alors que, pour l’instant, les écoles étant des gun-free zones (= zones dans lesquelles le port d’armes est interdit), elles représentent des cibles de choix. Pour reprendre les mots du président:
Gun-free zone to a maniac – because they’re all cowards – a gun-free zone is « let’s go in and let’s attack because bullets aren’t coming back at us ». (Une gun-free zone pour un maniaque – parce que ce sont tous des lâches – une gun-free zone, c’est « entrons et attaquons parce qu’aucune balle ne sera tirée sur nous en retour »)
L’idée d’armer les profs a été largement critiquée. Notons toutefois que certains parents assistant à la réunion à la Maison Blanche semblaient d’accord avec le président. La mesure risque donc de faire débat dans les jours et semaines à venir.
La photo de la semaine. Cette photo a été prise par un journaliste du Washington Post qui assistait à la réunion organisée par Donald Trump à la Maison Blanche. On y voit le pense-bête que le président tenait dans les mains. Regardez le point n°5: I hear you. Le président avait-il vraiment besoin d’une note pour se souvenir de faire preuve d’empathie face aux familles des victimes d’une fusillade?
- Le gouverneur de Floride présente son plan pour augmenter la sécurité dans les écoles
Rick Scott a présenté un plan d’action visant à mieux assurer la sécurité des élèves dans les écoles de son état.
Le premier volet de ce plan concerne les armes à feu. Pas question de mettre fin à la vente libre du AR-15. Le gouverneur propose en revanche de faire passer l’âge légal pour pouvoir acheter une arme de 18 à 21 ans (une mesure à laquelle la NRA est opposée), d’interdire la vente des bump stocks et de créer un Violent Threat Restraining Order. Ce dispositif permettrait à un juge d’autoriser la police à confisquer les armes d’un citoyen (même s’il les détient légalement) si ses proches ou son médecin ont contacté les autorités pour signaler qu’il était mentalement instable et/ou potentiellement dangereux. Rick Scott estime que ce dispositif aurait permis d’éviter la fusillade de Parkland puisque plusieurs personnes de l’entourage du tueur, Nikolas Cruz, avaient contacté les autorités pour signaler qu’il était violent et menaçait de passer à l’acte. Au total, la police se serait rendue 39 fois à son domicile. Si le Violent Threat Restraining Order avait existé, il y aurait vraisemblablement eu assez d’éléments à charge à présenter à un juge pour qu’il autorise la police à confisquer ses armes à Nikolas Cruz. Notons que Rick Scott a aussi déclaré qu’il n’était pas favorable à l’idée mise en avant par le président Trump d’armer les enseignants.
Le deuxième volet du plan de Rick Scott vise à renforcer la sécurité dans les établissements scolaires, à l’aide d’un budget de 450 millions de dollars. Si le plan du gouverneur est approuvé par le parlement de l’état, il y aura désormais au moins un officier de police en patrouille dans chaque école publique. Chaque école devra organiser un exercice de simulation de fusillade lors de la première semaine de cours de chaque semestre, afin d’apprendre aux élèves comment réagir en cas d’attaque. Les écoles vont aussi pouvoir réclamer de l’argent à l’état pour installer des détecteurs de métaux à l’entrée de l’établissement, installer des fenêtres qui résistent aux impacts de balles, etc. Enfin, il y aura aussi désormais un psychologue dans chaque école, auquel les élèves pourront se confier librement et qui n’aura aucun autre rôle au sein de l’établissement (les counselors dans les écoles américaines sont souvent aussi professeurs).
- Non, 40% des armes vendues aux Etats-Unis ne le sont pas sans background checks
Bernie Sanders a affirmé que 40% des armes vendues aux Etats-Unis l’étaient sans background checks (= vérification des antécédents de l’acheteur). Mais, selon l’équipe de fact-checking du Washington Post, cette affirmation est fausse. Si vous l’avez vue circuler sur Internet, sachez-le. Vous pouvez lire l’article complet du WaPo à ce sujet en cliquant ici. En réalité, le pourcentage d’armes vendues aux Etats-Unis sans background checks ne serait que de 13%.
Rappel: Les vendeurs d’armes agréés ont l’obligation légale de procéder à la vérification des antécédents de l’acheteur avant d’accepter de lui vendre une arme. Cette vérification se fait en consultant une base de données (le National Instant Criminal Background Check System) reprenant les noms des personnes ayant interdiction d’acheter des armes. Il s’agit essentiellement des personnes ayant un casier judiciaire. Mais l’obligation de vérifier les antécédents de l’acheteur ne s’applique pas pour les ventes entre particuliers, lors de grandes foires aux armes ou sur Internet.
- Marco Rubio assimilé à un tueur d’enfants sur les réseaux sociaux
Marco Rubio est très critiqué par ceux qui se mobilisent pour une modification de la législation sur les armes à feu. Ils reprochent au sénateur de Floride d’avoir reçu de grosses contributions de la NRA et de défendre les intérêts de celle-ci. L’une des lycéennes ayant survécu à la tuerie de Parkland a par exemple déclaré qu’il faudrait changer le nom des fusils AR-15 en « Marco Rubio » parce qu’ « ils sont tellement faciles à acheter ». Son tweet a été partagé plus de 80,000 fois.
Certains internautes sont allés jusqu’à affirmer que Marco Rubio avait du sang sur les mains. Un photo-montage le présentant les mains ensanglantées et souriant a ainsi largement circulé. Le tweet ci-dessous n’est qu’un exemple parmi d’autres.

- Marco Rubio se défend lors du town hall organisé par CNN
Mercredi 21 février, soit une semaine exactement après la fusillade de Parkland, CNN diffusait en direct un town hall organisé dans une salle gigantesque de Floride. 7,000 personnes y étaient réunies. Des millions de téléspectateurs étaient également installés devant leur petit écran pour regarder le débat. Des lycéens et leurs parents ont interrogé trois élus de Floride: les deux sénateurs de l’état, à savoir le Républicain Marco Rubio et le Démocrate Bill Nelson, et le député démocrate Ted Deutch. Ils avaient tous les trois accepté l’invitation de CNN, contrairement au gouverneur de Floride Rick Scott et au président Donald Trump. Dans un second temps, les lycéens et leurs parents ont aussi interrogé la porte-parole de la NRA, Dana Loesch. Cette dernière a été huée à plusieurs reprises. Elle a défendu fermement les positions habituelles de la NRA, sans faire aucune concession.
Celui dont tout le monde parlait au lendemain de la diffusion du town hall, c’était Marco Rubio. Au cours de la soirée, le sénateur est resté fidèle à ses positions concernant le Second Amendement. Il a notamment expliqué qu’interdire la vente de certaines armes à feu n’était pas une solution et a refusé de s’engager à ne plus accepter de dons financiers de la part de la NRA.
Rubio a toutefois aussi indiqué être favorable à une modification de la législation pour faire passer l’âge légal pour pouvoir acheter une arme de 18 à 21 ans et pour limiter la capacité des chargeurs de certaines armes. La NRA s’oppose à ces deux mesures et, concernant les chargeurs, l’annonce de Rubio a créé la surprise puisqu’il se déclarait encore opposé à toute limitation dans ce domaine quelques jours auparavant. Rubio s’est aussi déclaré opposé à l’idée d’armer les enseignants.
Les positions de Rubio sont loin de faire l’unanimité. Il a d’ailleurs été hué à plusieurs reprises au cours de la soirée. Tout le monde semble cependant au moins s’accorder sur un point: il a eu le courage de participer à ce town hall. Il est le seul Républicain à avoir accepté l’invitation de CNN, en sachant très bien que l’audience ne lui serait pas favorable. Plusieurs lycéens, bien que critiques à son égard, l’ont d’ailleurs remercié d’avoir au moins eu le courage de venir et la volonté de débattre.
- De nombreuses entreprises américaines mettent un terme à leur partenariat avec la NRA
De nombreuses entreprises américaines, notamment des compagnies aériennes et des compagnies de location de voitures, accordaient des réductions aux membres de la NRA. Ce ne sera désormais plus le cas. Delta Airlines, United Airlines, Hertz, Alamo, Avis, entre autres, ont annoncé le fin de leur partenariat avec l’organisation. La NRA a qualifié ces décisions de « lâcheté politique et civique ».
Par ailleurs, les magasins Dick’s Sporting Goods et Walmart, qui vendent des armes et des munitions, ont annoncé qu’ils ne vendraient désormais plus aucune arme aux personnes âgées de moins de 21 ans, contre 18 ans jusqu’ici (l’âge légal pour acheter une arme aux Etats-Unis selon la loi fédérale).
Un médecin a rédigé cet article paru dans The Atlantic. Il prend clairement position en faveur de l’interdiction de la vente libre d’armes de guerre telles que le AR-15. Si la fin de l’article est plus politique et partisane, la première partie est particulièrement interpellante et mérite d’être lue par tous. L’auteur y explique qu’il a traité de nombreuses victimes de blessures par balle. Sa conclusion? Une personne touchée par les balles d’un AR-15 n’a presque aucune chance de s’en sortir, contrairement à une personne touchée par les balles d’un revolver ou d’un fusil classique.
Le médecin explique que lorsqu’un organe est touché par la balle d’une arme classique, la blessure sur la paroi de cet organe ressemble à une lacération (« une trace linéaire et étroite »). Cette lacération occasionne des saignements et certains fragments de balle peuvent aussi rester coincés dans l’organe concerné. Néanmoins, la victime touchée par une balle classique a de grandes chances de s’en sortir, à condition 1) que la balle n’ait pas touché un endroit crucial comme le cœur et 2) que la victime ait été transportée à temps à l’hôpital, c’est-à-dire avant d’avoir perdu trop de sang.
Les blessures causées par une balle d’AR-15 sont bien différentes. Elles ne laissent quasiment aucune chance à la victime de s’en sortir, quelque soit l’endroit où elle a été touchée. Un organe touché par la balle d’un AR-15 ne présente pas seulement une lacération sur sa paroi, il ressemble à un « melon trop mûr explosé à coups de masse » et saigne abondamment. La balle d’un AR-15 se déplace à une vitesse beaucoup plus élevée qu’une balle classique et cause donc beaucoup plus de dégâts lorsqu’elle traverse le corps de la victime. Même si la balle pénètre dans le corps de la victime sans toucher d’organe, il y a de fortes probabilités qu’un organe soit tout de même endommagé par l’onde de choc causée par l’impact. Ce qui n’est pas le cas avec une balle classique. Le point d’entrée de la balle d’un AR-15 sur un corps humain peut atteindre la taille d’une orange, alors que le point d’entrée d’une balle classique sera un trou correspondant à la taille de la balle en question. Armé d’un AR-15, le tireur n’a donc pas besoin de savoir particulièrement bien tirer pour faire un grand nombre de victimes. Sans compter que cette arme a aussi plus de munitions et se recharge beaucoup plus rapidement.
En bref, pour reprendre les mots du médecin auteur de l’article:
With an AR-15, the shooter does not have to be particularly accurate. The victim does not have to be unlucky. (Avec un AR-15, le tireur ne doit pas viser particulièrement juste. La victime n’a pas besoin de ne pas être chanceuse)
LE SONDAGE DE LA SEMAINE
Parlons encore un peu des armes à feu. Un sondage Washington Post/ABC News, réalisé dans les quatre jours ayant suivi la fusillade de Parkland, a le mérite de nous rappeler que l’opinion des lycéens qui manifestent pour interdire la vente de certaines armes à feu n’est pas forcément représentative de l’opinion de l’ensemble de la population américaine.
Le sondage montre que seulement 50% des Américains soutiennent l’idée d’interdire la vente libre d’armes de guerre aux Etats-Unis. Et on ne parle pas seulement des Républicains (67% d’entre eux s’y opposent). Les électeurs indépendants sont également majoritairement opposés à une telle interdiction (51%). Et 25% des Démocrates y sont également opposés. À ne pas oublier lorsque vous entendez dire dans les médias que « c’est tout de même incroyable et scandaleux que le Congrès n’agisse pas pour interdire la vente d’armes de guerre alors que les Américains y sont très largement favorables ». Parce que ce n’est manifestement pas le cas.
Par ailleurs, on se moque beaucoup, notamment dans la presse européenne, des déclarations de Donald Trump et d’autres élus républicains qui affirment que le problème n’est pas celui des armes à feu mais celui de la santé mentale. Or, il semble que les Américains soient majoritairement d’accord avec eux. 57% d’entre eux pensent ainsi que les fusillades de masse sont davantage le résultat d’une mauvaise identification et gestion des personnes mentalement instables que d’une mauvaise législation sur les armes.
Et ce n’est pas tout. Là non plus, il ne s’agit pas d’une opinion uniquement républicaine. Certes, 80% des Républicains pensent que les fusillades sont davantage liées au problème de la santé mentale qu’à celui de la législation sur les armes. Mais c’est aussi le cas de 62% des électeurs indépendants. Moins d’un quart d’entre eux (23%) estiment que les fusillades s’expliquent avant tout par une mauvaise législation sur les armes. Une petite majorité de 52% des Démocrates pensent que le problème est avant tout celui de la législation sur les armes à feu.
Enfin, il ne semble pas véritablement y avoir de conflit de génération sur la question. En effet, 53% des Américains âgés de plus de 65 ans pensent que les fusillades de masse sont avant tout un problème de santé mentale plutôt que de législation sur les armes à feu, mais ce chiffre est encore plus élevé chez les 30-64 ans et même chez les 18-29 ans (58% dans les deux cas).
L’analyse de The American Ballot Box. On entend souvent que si rien ne change concernant les armes à feu aux Etats-Unis, c’est simplement parce que trop de politiciens républicains ont été achetés par la NRA. En réalité, les choses sont bien plus compliquées que cela. La NRA a effectivement un poids politique important, il ne s’agit pas de le nier. Mais n’est-ce pas avant tout parce qu’elle compte des millions d’adhérents très engagés? Les politiciens qui reçoivent de l’argent de la part de la NRA pourraient très bien s’en passer. En effet, même si les sommes dépensées par la NRA pour soutenir certains candidats lors des campagnes électorales peuvent paraître astronomiques (et, dans une certaine mesure, le sont), elles ne représentent le plus souvent qu’une goutte d’eau parmi toutes les autres contributions financières perçues par les candidats. Ce qui est le plus précieux pour le candidat, c’est de pouvoir s’afficher comme candidat reconnu par la NRA comme un défenseur fiable du Second Amendement, parce que beaucoup d’électeurs y accordent de l’importance.
RIP BILLY GRAHAM
Le révérend Billy Graham est décédé cette semaine. Il avait 99 ans. Évangéliste très engagé et personnalité très populaire aux Etats-Unis, Graham a prêché aux quatre coins du monde tout au long de sa vie et aurait converti plusieurs millions de personnes au christianisme. Il organisait régulièrement des « croisades », c’est-à-dire des rassemblements de plusieurs jours dans une même ville. Des centaines de milliers de personnes y assistaient. En 1957, à New York, cela a duré 16 jours durant lesquels plus de 10,000 personnes sont venues écouter Graham au Madison Square Garden. Sa dernière « croisade » a également eu lieu à New York, en 2005, et a réuni 230,000 personnes.
Pendant la Guerre Froide, Billy Graham a dénoncé l’idéologie communiste. Mais il n’hésitait pas non plus à critiquer les excès et les dérives de la société américaine. En 1948, il déclarait que:
We have an idea that we Americans are God’s chosen people, that God loves us more than any other people, and that we are God’s blessed. I tell you that God doesn’t love us any more than he does the Russians. (Nous avons l’idée qu’en tant qu’Américains, nous sommes le peuple élu de Dieu, que Dieu nous aime plus que les autres, et que nous sommes bénis de Dieu. Je vous dis que Dieu ne nous aime pas plus qu’il n’aime les Russes)
Surnommé « le pape protestant » ou « le pasteur de l’Amérique », Billy Graham a aussi fréquenté, voire été très proche, de tous les présidents des Etats-Unis depuis Harry Truman. Il était notamment un ami de la famille Bush. George W. Bush n’a jamais caché que Graham avait joué un rôle important dans sa vie, l’aidant à trouver la foi et à cesser de boire.
Le président Trump a rendu hommage à sa façon à Billy Graham sur Twitter.

Le vice-président Mike Pence, très croyant, a quant à lui publié un communiqué décrivant Graham comme l’ « un des plus grands Américains du XXème siècle ».
Le cercueil de Billy Graham va être amené à Washington et sera exposé dans la Rotonde du Capitole pendant deux jours pour que les Américains puissent venir lui rendre hommage. Cet honneur est habituellement réservé aux anciens présidents. Billy Graham sera ensuite enterré le 2 mars auprès de sa femme, décédée il y a plusieurs années, à Charlotte, en Caroline du Nord.
Billy Graham avait un jour été interrogé sur ce qu’il voudrait que les gens disent de lui après sa mort. Voici ce qu’il avait répondu:
I want to hear one person say something nice about me and that’s the Lord, when I face him. I want him to say to me, « Well done, thou good and faithful servant ». (Je veux entendre une seule personne dire quelque chose de gentil à mon égard et c’est le Seigneur, lorsque je le rencontrerai. Je veux qu’il me dise, « Bien joué, mon bon et fidèle serviteur »)
LA CONFÉRENCE DE LA SEMAINE
La CPAC (Conservative Political Action Conference) réunit activistes, personnalités et élus conservateurs une fois par an. Elle est considérée comme l’événement de référence en la matière. Historiquement, les organisateurs de la CPAC ont toujours veillé à inviter des représentants des différentes tendances existantes au sein du mouvement conservateur, de la plus radicale à la plus modérée, en passant par la tendance libertarienne. Les invités prononcent des discours, participent à des forums de discussion, à des débats, etc. Au fil des ans, la plupart des politiciens républicains importants se sont exprimés à la CPAC. Cependant, depuis deux ans, quelque chose semble avoir changé. Les personnalités pro-Trump les plus controversées, les nationalistes et autres théoriciens du complot semblent occuper une place de plus en plus importante parmi la liste des invités, alors que les élus républicains du Congrès sont de moins en moins nombreux à participer. Cette évolution semble être représentative d’une certaine prise de pouvoir de Donald Trump et de ses adeptes au sein du mouvement conservateur. Reste à savoir s’il s’agit d’un effet de mode temporaire ou d’une véritable mutation.
Cette année, la CPAC avait aussi invité Marion Maréchal-Le Pen, petite-file de Jean-Marie Le Pen et nièce de Marine Le Pen, qui a prononcé un discours en anglais. La main tendue à Le Pen semble elle aussi démontrer que les idées nationalistes et xénophobes progressent au sein du mouvement conservateur. Si la CPAC a toujours invité des personnalités exprimant différents points de vue, une figure de l’extrême droite européenne n’aurait sans doute pas été la bienvenue il y a encore quelques années.
LA PHRASE DE LA SEMAINE
For all those in the media who think I should have stood and cheered with the North Koreans, I say the United States of America doesn’t stand with murderous dictatorships. (À tous ceux dans les médias qui pensent que j’aurais dû me lever et applaudir les Nord-Coréens, je dis que les Etats-Unis d’Amérique ne soutiennent pas les dictatures meurtrières)
Le vice-président Mike Pence lors de son discours à la CPAC. Lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques à laquelle il assistait à Pyeongchang, en Corée du Sud, Mike Pence n’avait pas applaudi les athlètes nord-coréens et sud-coréens défilant ensemble dans le stade.
ROAD TO THE MIDTERMS – DIANNE FEINSTEIN EN DIFFICULTÉ
Dianne Feinstein ne sera pas soutenue officiellement par le Parti Démocrate de Californie en vue des élections de mi-mandat ! La sénatrice démocrate, âgée de 84 ans, est une nouvelle fois candidate à sa propre succession. Kevin De León, actuel président du sénat de Californie, a toutefois décidé de la défier lors d’une primaire, affichant son envie de renouveau et des positions nettement plus à gauche que celles de son aînée.
Ce week-end, le Parti Démocrate de Californie se réunissait pour sa convention annuelle. Les divisions entre l’aile modérée et l’aile plus progressiste du parti ont éclaté au grand jour. Les délégués du parti devaient voter pour savoir qui de Dianne Feinstein ou Kevin De León obtiendrait le soutien officiel du parti au cours de la campagne. La majorité des délégués a voté en faveur de De León (54% des voix, contre 37% pour Feinstein). Ni De León ni Feinstein ne sera toutefois soutenu officiellement par le parti. En effet, pour obtenir le soutien du parti, un candidat doit obtenir les voix de plus de 60% des délégués. Le résultat du vote n’en reste pas moins un camouflet pour Feinstein.
LE LIVRE DE LA SEMAINE
Le livre de Michelle Obama paraîtra le 13 novembre prochain. Il s’intitulera Becoming et sera publié en 24 langues ! L’ex-First Lady y reviendra sur toutes les étapes de sa vie, de son enfance dans les quartiers sud de Chicago jusqu’à la Maison Blanche. Et voici la photo qui figurera sur la couverture du livre. En attendant, c’est la nouvelle photo de profil de Michelle Obama sur Twitter.
IVANKA TRUMP IN PYEONGCHANG 🇰🇷
Les Jeux Olympiques d’hiver de Pyeongchang se sont achevés ce week-end. Ivanka Trump était à la tête de la délégation américaine assistant à la cérémonie de clôture. Contrairement à Mike Pence lors de la cérémonie d’ouverture, elle a applaudi les athlètes nord-coréens lorsque ceux-ci ont défilé dans le stade. On ignore ce que le vice-président, qui a encore justifié son geste (ou plutôt son absence de geste) cette semaine lors de la CPAC, en a pensé.
PS. Les Etats-Unis terminent ces JO de Pyeongchang à la quatrième place au classement des médailles. Les athlètes américains ont remporté 23 médailles, dont 9 médailles d’or. C’est la Norvège qui a remporté le plus grand nombre de médailles lors de ces Jeux (39). Bravo à eux !
LA COUPE DU MONDE DE FOOTBALL 2026 AUX ETATS-UNIS?
Les Etats-Unis, le Canada et le Mexique sont candidats pour organiser conjointement la Coupe du Monde de la FIFA en 2026. Et 44 sénateurs américains ont signé une lettre adressée au président Trump et lui demandant de soutenir activement cette candidature.