Cette semaine, l’empereur du Japon a abdiqué et Abu Bakr al-Baghdadi a donné signe de vie, mais nous avions surtout le regard tourné vers le Venezuela, où la dernière tentative de Juan Guaidó pour chasser Nicolas Maduro du pouvoir a échoué. Retour sur cet événement, ainsi que sur toute l’actualité politique à Washington.
L’ÉVÉNEMENT DE LA SEMAINE 🇻🇪
Cette semaine, Juan Guaidó a lancé ce qu’il a qualifié de phase ultime de l’ « Opération Liberté » visant à chasser Nicolas Maduro du pouvoir. Ce fut un échec.
Tout s’est joué le mardi 30 avril. Ce jour-là, au petit matin, Guaidó apparaît en compagnie d’une autre figure emblématique de l’opposition vénézuélienne, Leopoldo Lopez, et de plusieurs militaires dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux. Leopoldo Lopez affirme qu’il s’est échappé de son domicile (dans lequel il a été placé en résidence surveillée en 2017) grâce à la complicité des officiers supposés assurer sa surveillance. Guaidó et Lopez appellent les Vénézuéliens à les rejoindre devant la base militaire de La Carlota pour réclamer une nouvelle fois le départ de Nicolas Maduro et pour encourager l’armée à les aider à chasser le dictateur du pouvoir.
Des milliers de Vénézuéliens répondent à l’appel et manifestent une nouvelle fois contre le pouvoir en place. Des heurts violents éclatent entre les manifestants et les militaires encore loyaux à Maduro. L’image d’un char de l’armée fonçant sur des manifestants a fait le tour du monde. Au total, au moins quatre manifestants ont été tués et des dizaines d’autres blessés.
Le gouvernement américain avait apporté son soutien à l’initiative de Juan Guaidó et aux manifestants. Voyez par exemple ces tweets du président et du vice-président des Etats-Unis.


Le président argentin Mauricio Macri et d’autres avaient également fait part de leur soutien à l’Opération Liberté.
Mais, à la fin de la journée, Nicolas Maduro était toujours au pouvoir et la majorité des membres des forces armées lui étaient restés fidèles. L’Opération Liberté avait échoué.
A-t-elle échoué de peu seulement? C’est ce que le Secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo a laissé entendre. Il a affirmé sur CNN que Nicolas Maduro s’apprêtait à quitter le pays pour se réfugier à Cuba mais que les Russes l’en avaient dissuadé à la dernière minute.
He had an airplane on the tarmac, he was ready to leave this morning and the Russians indicated he should stay. (Il avait un avion sur le tarmac, il était prêt à partir ce matin et les Russes lui ont dit qu’il devait rester)
Nicolas Maduro a démenti et a dénoncé une tentative de coup d’état fomentée par les Etats-Unis. Il a aussi annoncé que des enquêtes seraient ouvertes contre ceux qui avaient participé à cette tentative de coup d’état. On peut donc se demander ce qui va arriver à Juan Guaidó, Leopoldo Lopez et les militaires qui les ont soutenus. Ils ont très certainement pris un risque énorme.

D’autre part, après l’échec de l’Opération Liberté, le Secrétaire d’Etat Mike Pompeo a réaffirmé qu’une action militaire des Etats-Unis n’était pas à exclure.
Military action is possible. If that’s what’s required, that’s what the United States will do. (L’action militaire est possible. Si c’est ce qui est nécessaire, c’est ce que les Etats-Unis feront)
Faut-il prendre cette déclaration au sérieux? La Maison Blanche répète depuis janvier que « toutes les options sont sur la table » mais qu’elle veut donner la priorité à une solution pacifique. Toutes les options semblent toutefois désormais avoir été utilisées. Alors, si Juan Guaidó le leur demandait, les Etats-Unis seraient-ils vraiment prêts à intervenir militairement? Difficile à dire, d’autant que l’on sait que le président Trump n’est a priori pas un adepte de l’interventionnisme. Certains élus commencent par contre manifestement à s’impatienter, comme en témoigne ce tweet du sénateur Lindsey Graham.

LA DÉMISSION DE LA SEMAINE
Le ministre adjoint de la Justice Rod Rosenstein a remis sa lettre de démission au président Trump. Il quittera son poste le 11 mai prochain. Le président a nommé Jeffrey Rosen pour le remplacer. Le Sénat devra confirmer cette nomination.
L’AUDITION DE LA SEMAINE
Celle du ministre de la Justice William Barr au Congrès, devant le Senate Judiciary Committee. Barr a été longuement interrogé au sujet du rapport Mueller. La veille de l’audition, le Washington Post avait révélé que Robert Mueller lui avait transmis une lettre à la fin du mois de mars, dans laquelle il regrettait que la lettre de quatre pages transmise par Barr au Congrès pour présenter les principales conclusions de son enquête « ne prenait pas pleinement en compte le contexte, la nature et la substance » de celle-ci. « Il existe maintenant une confusion dans l’esprit du public au sujet d’aspects critiques des résultats de notre enquête », écrivait encore Robert Mueller.
Pour rappel, au mois de mars, Robert Mueller a clôturé son enquête et transmis son rapport au ministre de la Justice. William Barr a alors transmis une lettre de quatre pages présentant les principales conclusions du rapport Mueller au Congrès. Cette lettre a également été rendue publique. Le rapport complet a été rendu public bien plus tard, après que le Département de la Justice l’ait relu pour y masquer certaines parties du texte.
Les Démocrates accusent William Barr d’avoir voulu induire le Congrès et le peuple américain en erreur dans sa lettre initiale qui passait sous silence de nombreux éléments troublants du rapport. Le fait que Robert Mueller ait lui-même envoyé une lettre à William Barr pour lui dire qu’il pensait également que sa lettre était problématique n’a fait que renforcer le mécontentement des Démocrates. Certains appellent même désormais William Barr à la démission, lui reprochant d’agir comme « l’avocat de Donald Trump » et non comme un ministre de la Justice soucieux de l’intérêt général.
William Barr s’est défendu lors de son audition en disant que sa lettre initiale n’avait jamais eu pour ambition d’être un résumé du rapport. Il s’agissait selon lui seulement d’informer le Congrès et le public du « verdict » principal du rapport, à savoir que le président Trump n’était formellement accusé d’aucun crime. Barr a rappelé qu’il avait ensuite autorisé la publication de l’entièreté du rapport. Il estime qu’il ne peut donc pas être accusé d’avoir voulu dissimuler quoi que ce soit.
William Barr a également déclaré lors de son audition qu’il ne s’opposerait pas à ce que Robert Mueller témoigne devant le Congrès.
L’IMAGE DE LA SEMAINE
Au lendemain de son audition devant le Senate Judiciary Committee, William Barr devait être interrogé par un autre comité du Congrès, le House Judiciary Committee. Mais il a annulé sa participation à cette audition. Le comité s’est tout de même réuni comme prévu et la séance a donné lieu à un drôle de spectacle. Le député démocrate du Tennessee Steve Cohen avait en effet apporté un poulet en plastique supposé représenter William Barr, accusé d’avoir peur de venir témoigner (ndlr: en anglais, quelqu’un de peureux peut être qualifié de chicken). Cohen avait également apporté du poulet qu’il avait commandé au KFC et s’est mis à le manger pendant l’audition en guise de petit-déjeuner ! De quoi attirer le regard des caméras et faire le buzz. Il est en revanche peu probable que cette performance ait fait avancer le débat.
LE CHIFFRE DE LA SEMAINE
À l’issue d’une réunion à la Maison Blanche, les leaders démocrates Nancy Pelosi et Chuck Schumer ont affirmé s’être mis d’accord avec le président Trump pour consacrer un budget de deux mille milliards de dollars à la rénovation des infrastructures américaines. Il est cependant loin d’être certain que cet accord préliminaire entre le président et les Démocrates aboutira à un plan concret. En effet, si Trump, Pelosi et Schumer sont d’accord sur le budget à consacrer à la rénovation des infrastructures, ils vont maintenant devoir se mettre d’accord sur la manière de trouver cet argent. Et les Républicains du Congrès se montrent déjà très sceptiques. Pelosi et Schumer rencontreront une nouvelle fois le président Trump pour en discuter dans trois semaines.
UN DISCIPLE DE TRUMP BIENTÔT PRÉSIDENT À TAÏWAN?
Terry Gou, l’homme le plus riche de Taïwan, a décidé de se présenter à la prochaine élection présidentielle qui aura lieu dans son pays. Et il ne cache pas son admiration pour Donald Trump. Cette semaine, Gou était en voyage à Washington et en a profité pour rencontrer le président américain à la Maison Blanche. Sur Facebook, il a publié des photos montrant que Donald Trump lui avait offert des casquettes Make America Great Again sur lesquelles on peut apercevoir les drapeaux américains et taïwanais côte à côte.
Pour devenir président de Taïwan, Terry Gou devra d’abord être désigné candidat de son parti, le Kuomintang, en remportant une primaire. S’il y parvient, il sera ensuite probablement opposé à Tsai Ing-Wen, la présidente sortante, lors de l’élection générale. Celle-ci aura lieu le 11 janvier 2020.
ROAD TO 2020
La liste des candidats démocrates à l’élection présidentielle de 2020 s’est encore allongée cette semaine. Et Joe Biden a peut-être commis la première gaffe de sa campagne.
- Michael Bennet est candidat à l’élection présidentielle de 2020
Michael Bennet, sénateur du Colorado, a annoncé qu’il était candidat à l’élection présidentielle de 2020. Il avait en réalité initialement prévu d’annoncer sa candidature plus tôt mais on lui a diagnostiqué un cancer de la prostate début avril. Il a alors subi une opération et a attendu de voir comment son état de santé allait évoluer. Il affirme aujourd’hui être guéri et apte à faire campagne.
Bennet est le 21ème candidat aux primaires démocrates. Il est aussi le 7ème sénateur en lice (avec Bernie Sanders, Elizabeth Warren, Kamala Harris, Cory Booker, Kirsten Gillibrand et Amy Klobuchar).
Fun fact. Michael Bennet a commencé sa carrière politique en devenant chef de cabinet du maire de Denver John Hickenlooper en 2003. Hickenlooper est désormais l’un de ses adversaires aux primaires démocrates.
- Beto O’Rourke dévoile son plan pour le climat
Lors d’une visite au parc national de Yosemite (photo ci-dessous), Beto O’Rourke a dévoilé un plan pour le climat prévoyant d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Le plan prévoit également d’investir 5 mille milliards de dollars en 10 ans pour rénover et moderniser les infrastructures du pays, c’est-à-dire aussi les rendre plus écologiques.
Beto O’Rourke veut aussi ramener les Etats-Unis dans l’accord de Paris.
Pour ceux qui voudraient aller plus loin, il est possible de lire le plan complet de Beto O’Rourke en cliquant ici.
- Pete Buttigieg, le phénomène médiatique
L’an dernier, la candidature de Beto O’Rourke au Sénat avait suscité un véritable engouement médiatique. Ces derniers mois, Pete Buttigieg, le maire homosexuel de la ville de South Bend et candidat à l’élection présidentielle de 2020, lui a volé la vedette. Rien que cette semaine, le magazine Vogue lui consacrait un portrait – dont la photo ci-dessus est issue – et il faisait la Une du TIME avec son mari.
- La première gaffe de Joe Biden?
Lors d’une rencontre avec des électeurs en Iowa, Joe Biden a semblé minimiser ce que de plus en plus d’élus américains, Républicains comme Démocrates, présentent comme la menace grandissante représentée par la Chine. Voici ce que l’ancien vice-président a déclaré:
China is going to eat our lunch? Come on, man! They can’t even figure out how to deal with the fact that they have this great division between the China Sea and the mountains in the West. They can’t figure out how they’re going to deal with the corruption that exists within the system. (…) They’re not competition for us. (La Chine va nous faire concurrence? Allons! Ils ne savent même pas comment ils vont gérer la grande division entre la mer de Chine et les montagnes à l’Ouest. Ils ne savent pas comment ils vont gérer la corruption qui existe au sein de leur système. (…) Ils ne sont pas nos compétiteurs)
Joe Biden suggère ici que la Chine a tant de problèmes internes à régler qu’elle ne sera jamais un véritable concurrent géopolitique pour les Etats-Unis. Cette vision des choses est très loin de faire l’unanimité. Bernie Sanders, l’un des adversaires de Joe Biden aux primaires démocrates, a par exemple affirmé que ce dernier sous-estimait le danger représenté par la concurrence économique chinoise, soulignant que celle-ci a déjà mené à la perte de millions d’emplois aux Etats-Unis. « Il est faux de dire que la Chine n’est pas l’un de nos principaux concurrents économiques », a affirmé Sanders. Le sénateur républicain Mitt Romney a quant à lui publié le tweet suivant.

- Le dessin de la semaine
Juste parce qu’il nous a fait sourire 😬
MEANWHILE, IN SAN FRANCISCO…
San Francisco est inondée d’excréments humains. Le problème a pris une ampleur considérable ces dernières années, à tel point que la mairie a créé une Poop Patrol. Cette brigade spéciale parcourt les rues de la ville avec pour seul but de ramasser les déjections humaines. L’an dernier, une application pour smartphones baptisée SnapCrap a également vu le jour. Elle permet aux habitants de signaler les excréments qu’ils aperçoivent. En 2018, 28 084 excréments humains ont été signalés, soit cinq fois plus que l’année précédente. L’organisation Open The Books a voulu placer les incidents répertoriés sur une carte. Voilà le résultat:
D’après cette même organisation, il est probable que la barre des 30 000 excréments humains signalés soit franchie en 2019.
La situation est tout simplement la conséquence du grand nombre de sans-abris vivant à San Francisco et qui n’ont quasiment pas d’autre choix que de se soulager dans les rues. La ville compte en effet très peu de toilettes publiques et d’hébergements d’accueil. Or, le nombre de sans-abris ne cesse de croître en raison de l’augmentation dramatique du coût de la vie, notamment du logement, dans la ville.