Souvenez-vous… Bernie Sanders avait créé la sensation lors de la campagne électorale de 2016. Depuis lors, ce sénateur indépendant qui se revendique socialiste n’a plus jamais vraiment quitté le devant de la scène politique américaine. Aujourd’hui, il est une nouvelle fois candidat à la Maison Blanche et est considéré comme l’un des favoris des primaires démocrates version 2020.
SA CARRIÈRE POLITIQUE EN UN COUP D’OEIL
Maire de Burlington, Vermont (1981-1989)
Député du Vermont à la Chambre des Représentants (1991-2007)
Sénateur du Vermont (depuis 2007)
SON PARCOURS
Bernard Sanders, dit Bernie, est né le 8 septembre 1941 à New York. Son père était un juif originaire de Pologne qui avait fui son pays pour les Etats-Unis à l’âge de 17 ans. De nombreux membres de la famille Sanders restés en Pologne seront exterminés durant l’Holocauste.
Bernie passe toute son enfance dans un petit appartement à Brooklyn. Il n’est pas rare que ses parents manquent d’argent. Bernie a d’ailleurs coutume de dire qu’il n’a jamais oublié d’où il vient ni ce que le manque d’argent peut signifier pour une famille.
La mère de Bernie décède peu de temps après que le jeune homme ait terminé ses études au lycée (son père décédera quelques années plus tard). Bernie quitte Brooklyn et choisit de s’inscrire à l’Université de Chicago pour y étudier les sciences politiques. Nous sommes dans les années 60 et la lutte pour les droits civiques bat son plein. Bernie va s’y impliquer. Il sera notamment le leader d’un sit-in étudiant de plusieurs semaines organisé au sein de son université pour protester contre la ségrégation pratiquée par l’établissement dans le cadre de la location de ses logements étudiants. En 1963, Bernie se rend à Washington, D.C. pour participer à la fameuse March on Washington for Jobs and Freedom orchestrée par le révérend Martin Luther King Jr.. Il assiste au fameux discours I Have A Dream.
Après avoir obtenu son diplôme, Bernie part s’installer dans le Vermont, qu’il ne quittera plus. Il y travaille d’abord comme charpentier et réalisateur de films documentaires. En 1981, il se lance en politique au niveau local. Il devient maire de Burlington, la plus grande ville de l’état. À l’époque, il crée la surprise en remportant l’élection. Un journal local se demande même comment quelqu’un d’aussi radical a pu parvenir au pouvoir.
Bernie sera réélu à plusieurs reprises. En 1990, il quitte sa mairie pour le Congrès des Etats-Unis. Il est élu à la Chambre des Représentants en tant que candidat indépendant. Durant ses seize années à la Chambre, Bernie se verra attribuer le surnom de « the amendment king » car il est le membre du Congrès qui propose le plus grand nombre d’amendements. En 2007, il quitte la Chambre des Représentants pour le Sénat. Il occupe toujours son poste de sénateur du Vermont à l’heure actuelle.
Tout au long de sa carrière politique, Bernie s’est toujours revendiqué « socialiste », ce qui est assez rare pour un homme politique américain. Il est un fervent admirateur d’Eugene Debs, dont le portrait est affiché dans son bureau. Eugene Debs (1855-1926) était un leader syndical et fut cinq fois candidat à la présidence des Etats-Unis pour le Socialist Party of America.
Le mot d’ordre de Bernie Sanders a toujours été de lutter contre les inégalités croissantes de la société américaine et l’accaparement des ressources par une petite classe de milliardaires. Mais Bernie est-il un socialiste tel que nous l’entendons dans nos démocraties européennes ou sa volonté de mener une « révolution politique » aux Etats-Unis cache-t-elle une adhérence plus radicale au communisme? La question mérite d’être posée au vu de certains discours tenus dans le passé par le sénateur du Vermont. En début d’année, des vidéos le montrant en train de vanter les mérites des dictateurs communistes Fidel Castro et Daniel Ortega ont refait surface. La première vidéo date de 1985. On y voit Bernie Sanders en train d’expliquer qu’il s’est rendu au Nicaragua pour rencontrer Daniel Ortega et lui donner des conseils sur la manière d’améliorer sa stratégie de communication. Une deuxième vidéo, datant également de 1985, montre Bernie Sanders en train de s’exprimer lors d’un meeting organisé pour célébrer le septième anniversaire de la révolution sandiniste au Nicaragua. Il y avait été invité par le régime. Dans son discours, il critique ce qu’il qualifie de « politique impérialiste » des Etats-Unis, qui considèrent selon lui que l’Amérique Latine devrait être une « colonie » du gouvernement américain. Il affirme également que les Etats-Unis renversent systématiquement les dirigeants latino-américains qui tentent de s’opposer à cette politique impérialiste pour le bien de leur peuple. Dans une troisième vidéo, on peut voir Bernie Sanders s’exprimer à l’Université du Vermont en 1986. Il déclare qu’il était très enthousiaste lorsque la révolution cubaine a éclaté et que le peuple cubain s’est dressé contre ceux qu’il qualifie de « ugly rich people ». Il critique aussi les tentatives du président Kennedy de renverser Fidel Castro. Enfin, une quatrième vidéo montre Bernie Sanders en train d’évoquer un voyage qu’il a effectué en URSS en 1988. Il explique notamment que ce pays dispose d’un merveilleux réseau de transports et de merveilleux programmes culturels pour les jeunes.
Ces vidéos sont évidemment anciennes. Lorsque Bernie Sanders évoque aujourd’hui son identité socialiste et sa volonté de mener une « révolution politique » aux Etats-Unis, ce sont les politiques sociales des pays scandinaves qu’il cite en exemple. En février dernier, il a néanmoins été critiqué pour avoir refusé de qualifier Nicolas Maduro de dictateur lors d’un town hall diffusé en direct sur CNN. Lorsque le journaliste Wolf Blitzer lui a demandé pourquoi il refusait de qualifier le président du Venezuela de dictateur, voici ce que Sanders a répondu:
I think it’s fair to say that the last election was undemocratic. But there are still democratic operations taking place in that country. (Je pense qu’il est juste de dire que la dernière élection n’était pas démocratique. Mais il y a encore des opérations démocratiques en cours dans ce pays)
Une enquête de CNN a aussi révélé que Bernie Sanders avait été membre et président du Liberty Union Party dans les années 70. Le Liberty Union Party était un petit parti d’extrême gauche qui militait entre autres pour la nationalisation des grandes entreprises américaines, notamment celles actives dans les secteurs de l’énergie et de la finance. Bernie Sanders s’est présenté à plusieurs reprises à des élections sous les couleurs de ce parti – au poste de gouverneur du Vermont et au Sénat. Sans succès. C’est seulement lorsqu’il a quitté ce parti et qu’il s’est présenté à la mairie de Burlington en tant que candidat indépendant – c’est-à-dire n’appartenant à aucun parti politique – que sa carrière a décollé. Cependant, en 1977, lorsqu’il a quitté le Liberty Union Party, Bernie Sanders n’a pas déclaré qu’il partait parce qu’il n’était plus en accord avec les idées défendues par le parti. Il a expliqué qu’il partait parce qu’il estimait que le parti n’était pas assez actif en dehors des périodes électorales. D’après lui, un activisme limité aux périodes électorales ne suffirait pas à permettre aux ouvriers de « prendre ce qui leur appartient ».
The function of a radical political party is very simple. It is to create a situation in which the ordinary working people take what rightfully belongs to them. Nobody can predict the future of the workers’ movement in this country or the state of Vermont. It is my opinion, however, that if workers do not take power in a reasonably short time, this country will not have a future. (La fonction d’un parti politique radical est très simple. C’est de créer une situation permettant aux ouvriers ordinaires de prendre ce qui leur appartient. Personne ne peut prédire le futur du mouvement ouvrier dans ce pays ou dans l’état du Vermont. C’est mon opinion, toutefois, que si les travailleurs ne prennent pas le pouvoir dans un délai rapide, ce pays n’aura pas de futur)
En 1974, lorsqu’il était encore membre du Liberty Union Party, Bernie Sanders a défendu l’idée d’interdire à quiconque de gagner plus d’un million de dollars par an. Les revenus dépassant cette somme auraient été taxés à 100%. « Personne ne devrait gagner plus d’un million de dollars », avait-il déclaré à l’époque.
Ironie du sort, Bernie Sanders est récemment devenu millionnaire grâce aux revenus issus de la vente des deux livres qu’il a publiés depuis la fin de sa campagne électorale de 2016 – Our Revolution: A Future to Believe In (2016) et Bernie Sanders Guide to Political Revolution (2017). Interrogé au sujet de ce nouveau statut et des accusations d’ « hypocrisie » lui étant adressées par certains de ses opposants, Bernie a répliqué qu’il « ne savait pas que c’était un crime d’écrire un bon livre ». Il est assez amusant de constater que, depuis lors, il ne s’attaque plus qu’aux « milliardaires » dans ses discours, là où il critiquait sans cesse « les millionnaires et les milliardaires » lors de sa campagne électorale de 2016.
L’ANNONCE DE SA CANDIDATURE
Bernie Sanders a annoncé sa candidature à la présidence le 19 février 2019. Il affirme que sa volonté est de « transformer notre pays et créer un gouvernement basé sur les principes de justice économique, sociale, raciale et environnementale ».
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SON IDÉE ORIGINALE
(Note aux lecteurs: Dans nos portraits des candidats à l’élection présidentielle de 2016, nous avions résumé le programme électoral de chaque candidat. Cette année, nous avons décidé de ne pas en faire autant. Vu le nombre très élevé de candidats, cela nous prendrait tout simplement beaucoup trop de temps. Nous comptons sur votre compréhension et nous vous rappelons que, si un candidat vous paraît particulièrement intéressant, il n’est pas très compliqué de vous rendre vous-mêmes sur son site web pour en savoir plus sur son programme. D’autre part, si vous désirez comparer les positions des différents candidats démocrates sur un thème bien précis, nous vous recommandons de consulter le guide de Politico en cliquant sur le lien suivant: 2020 candidates views on the issues. De notre côté, nous avons décidé, pour chaque candidat, de nous attarder sur une idée originale qu’il défend et qui le distingue des autres)
Il suffit de jeter un coup d’œil à la campagne que Bernie Sanders est actuellement en train de mener – et à son site web – pour se rendre compte que son programme n’a quasiment pas évolué depuis 2016. Cette cohérence est évidemment tout à fait louable. Mais il est assez incroyable de constater que bon nombre des idées que Sanders était encore le seul à défendre en 2016 ont désormais été adoptées par de très nombreux élus démocrates, voire parfois par l’ensemble du Parti Démocrate. Bernie Sanders a largement contribué à faire basculer le Parti Démocrate vers la gauche de l’échiquier politique au cours des quatre dernières années. Un véritable tour de force, d’autant plus qu’il n’a jamais rejoint officiellement le parti. (Il siège toujours en tant qu’Indépendant au Sénat).
Ce succès retentissant pourrait toutefois nuire à la campagne 2020 de Sanders, puisqu’il aura désormais plus de mal à se distinguer de ses adversaires. Dans cette optique, il a récemment avancé une nouvelle proposition révolutionnaire qu’il est pour l’instant le seul à défendre. En plus de vouloir rendre l’enseignement supérieur totalement gratuit (comme en 2016), Bernie promet désormais aussi d’annuler la dette étudiante existante de tous les Américains concernés !
SES ATOUTS ET SES POINTS FAIBLES
Le principal atout de Bernie Sanders est d’avoir déjà mené une campagne pour l’élection présidentielle. Il sait comment s’y prendre et surtout, il dispose déjà d’une forte base de soutien constituée il y a quatre ans dans tous les états américains. Cependant, il n’est plus cet outsider affrontant une Hillary Clinton très loin de faire l’unanimité. Il doit désormais faire face à un plus grand nombre d’adversaires, dont plusieurs ont adopté certaines de ses idées révolutionnaires. Le Parti Démocrate a glissé vers la gauche et Sanders y a grandement contribué. Il pourra toujours se targuer d’avoir été le premier à croire au bien-fondé de certaines propositions, mais celles-ci ne lui permettront plus de se distinguer aussi fortement de ses concurrents qu’auparavant.
Au-delà de cette difficulté, Bernie Sanders, tout comme l’ancien vice-président Joe Biden, est aussi confronté aux interrogations de certains électeurs au sujet de son âge. Il est en effet le plus âgé de tous les candidats à l’élection présidentielle. Il a 77 ans, contre 76 ans pour Biden.
Enfin, les propos passés de Bernie Sanders au sujet de Fidel Castro, de la révolution sandiniste au Nicaragua ou de l’URSS pourraient bien être utilisés contre lui par ses adversaires. S’il remportait les primaires et devenait le candidat officiel du Parti Démocrate à l’élection présidentielle de 2020, il est certain que les Républicains ne passeront pas à côté.
CONCLUSION
Bernie Sanders n’a pas pu mener sa révolution politique à son terme en 2016. Il espère y parvenir en 2020. Si la tâche ne s’annonce pas aisée, le sénateur du Vermont fait bien partie des favoris à l’investiture démocrate. Il fait actuellement partie du Top 5 dans quasiment tous les sondages et il est l’un des candidats qui a recueilli le plus d’argent depuis le coup d’envoi de sa campagne.