Vous avez sûrement déjà tous entendu parler de Ben Carson… pour une prouesse réalisée en 1987 ! Ce célèbre neurochirurgien est en effet le premier à avoir réussi à séparer avec succès des frères siamois. Il est désormais candidat aux primaires républicaines. Portrait d’un homme au parcours extraordinaire et à l’idéologie très conservatrice.
SON PARCOURS
Benjamin Solomon Carson est né le 18 septembre 1951 à Detroit. Son parcours est digne d’un scénario hollywoodien. Une histoire comme l’Amérique les aime.
Cette histoire débute dans une famille pauvre et sans éducation du Tennessee. Sonya est l’une des 24 enfants du foyer. Elle se marie à l’âge de 13 ans et part s’installer à Detroit avec son mari. Mais elle finit par découvrir que celui-ci est bigame et a une autre famille. Elle divorce et se retrouve seule à élever ses deux enfants, le jeune Ben et son frère. La petite famille déménage à Boston, dans un quartier gangrené par la violence et le trafic de drogue. Sonya cumule plusieurs jobs de domestique pour joindre tant bien que mal les deux bouts. Le jeune Ben vit donc dans la pauvreté et n’est pas bon élève à l’école. Il est victime des moqueries de ses camarades qui le traitent d’idiot. Mais tout va changer lorsque Sonya (qui a constaté que les gens instruits chez qui elle travaille passent beaucoup de temps à lire) va interdire à Ben ainsi qu’à son frère de regarder la télévision et les obliger à lui rendre le compte-rendu de deux livres par semaine. Petit à petit, Ben prend goût à la lecture. Il explique que c’est en lisant certaines histoires qu’il a réalisé que la pauvreté n’était pas une condamnation ad vitam aeternam et qu’il y avait toujours un moyen de s’en sortir si l’on croyait en ses chances et en ses capacités. Il dit que cette nouvelle vision des choses a changé sa vie. Ses résultats scolaires s’améliorent rapidement.
Il est admis à Yale où il rencontrera Candy, sa future femme. Après avoir obtenu son diplôme, il exerce plusieurs petits boulots (entre autres guichetier dans une banque et chauffeur de bus scolaire) avant d’être admis à l’école de médecine de l’Université du Michigan. Il y obtient son diplôme de neurochirurgie et est ensuite engagé à la prestigieuse clinique Johns Hopkins, à Baltimore. Il y travaillera 29 ans en tant que neurochirurgien au service pédiatrique. Il acquiert une renommée internationale en 1987 lorsqu’il devient le premier chirurgien à séparer avec succès des frères siamois. Un exploit médical retentissant. Le Dr. Ben Carson devient un modèle de réussite pour la communauté noire américaine et un héros pour l’ensemble de la nation. En 2008, il reçoit la Presidential Medal of Freedom des mains du président George W. Bush. C’est la plus haute distinction qui puisse être remise à une personnalité issue de la société civile aux Etats-Unis.
Mais Ben Carson ne s’est pas contenté de sa prestigieuse carrière de neurochirurgien. Conscient du rôle primordial qu’ont eu l’éducation et la lecture dans son propre parcours, il crée le Carson Scholars Fund en 1994. Son but est de fournir une bourse à des jeunes de tous milieux ayant des résultats scolaires particulièrement brillants afin de les aider à financer leurs études. Le fonds serait venu en aide à plus de 7500 étudiants depuis sa création. Le programme a aussi financé la création de 130 Carson Reading Rooms dans les écoles. Leur but est d’initier les enfants au plaisir de la lecture.
Ben Carson est également un auteur à succès. Il a publié son autobiographie intitulée Gifted Hands en 1992. Elle a fait l’objet d’une adaptation télévisuelle en 2009. Il est également l’auteur de plusieurs autres ouvrages qui se sont très bien vendus dans les librairies américaines. Le dernier en date, One Nation, a été un véritable bestseller l’an dernier.
Après avoir pris sa retraite en tant que médecin, Ben Carson ouvre un nouveau chapitre de sa vie en s’impliquant en politique. L’Amérique découvre alors un homme à l’idéologie très conservatrice.
DU STATUT DE HÉROS NATIONAL À CELUI DE HÉROS CONSERVATEUR
Comment Ben Carson est-il passé du statut de héros national et modèle d’ascension sociale à celui de candidat très conservateur aux primaires républicaines?
Le tournant semble avoir eu lieu lors du National Prayer Breakfast de 2013. Le National Prayer Breakfast se tient tous les ans à Washington. Il s’agit d’un rassemblement organisé par une organisation chrétienne et réunissant des invités issus du monde politique, économique et social. Il se veut un lieu de rencontre, de discussion et de réflexion. Le président des Etats-Unis y participe chaque année.
En 2013, Ben Carson est invité à y prononcer un discours sous les yeux du président Obama et de son épouse Michelle. Le début de son intervention, consacré à l’importance de l’éducation, fait l’unanimité. Mais il va ensuite se lancer dans un discours très politique alors même que l’événement se veut non-partisan. Sous les yeux d’un Barack Obama stupéfait, il expose sa vision très conservatrice du système d’imposition idéal. Il y défend l’idée d’un taux d’imposition unique, en disant que cette solution nous a été proposée par Dieu comme on peut le lire dans la Bible. Carson fait ici référence à la dîme qui consistait pour chaque individu, quelque soit sa richesse, à reverser 10% de ses revenus à l’église. Autrement dit, le taux d’imposition devrait être le même pour chaque citoyen américain, quelque soit le montant de ses revenus.
You make $10 billion, you put in a billion. You make $10, you put in one. […] Some people say : Well that’s not fair because it doesn’t hurt the guy who made $10 billion as much as the guy who made 10. Where does it say you’ve got to hurt the guy? He just put a billion dollars in the pot. We don’t need to hurt him. It’s that kind of thinking that has resulted in 602 banks in the Cayman Islands. That money needs to be back here building our infrastructure and creating jobs. (Vous gagnez 10 milliards de dollars, vous donnez un milliard. Vous gagnez 10 dollars, vous en donnez un. […] Certaines personnes disent : Ce n’est pas juste parce que ça ne fait pas aussi mal à celui qui gagne 10 milliards de dollars qu’à celui qui en gagne 10. Qui a dit qu’il fallait lui faire mal? Il vient de mettre un milliard de dollars dans le pot. Nous n’avons pas besoin de lui faire mal. C’est ce genre de pensée qui a conduit à la création de 602 banques aux îles Caïmans. Cet argent doit revenir ici pour construire nos infrastructures et créer des emplois)
Grâce à ce discours très remarqué, Ben Carson a suscité l’admiration de nombreux conservateurs. Ceux-ci ont d’autant plus apprécié le culot qu’a eu Carson de prononcer ce discours alors que Barack Obama était assis à ses côtés et ne s’attendait certainement pas à un tel affront. Le lendemain, le Wall Street Journal publiait même un éditorial intitulé Ben Carson for President. À l’inverse, d’autres commentateurs ont jugé qu’en ne respectant pas l’esprit non-partisan et apolitique du National Prayer Breakfast, Ben Carson n’avait pas été respectueux et avait commis une erreur. Quoi qu’il en soit, c’est suite à cette intervention que l’ex-neurochirurgien a commencé à être invité régulièrement sur Fox News et à s’exprimer sur les sujets politiques. Jusqu’à annoncer sa candidature à la présidence des Etats-Unis.
L’ANNONCE DE SA CANDIDATURE
Ben Carson a annoncé sa candidature à la présidence des Etats-Unis le 4 mai. Cette annonce a eu lieu au Music Hall Center for the Performing Arts de Detroit, sa ville natale. Le TIME l’a qualifiée de « one of the most unusual campaign launches in recent memory » (l’un des lancements de campagne les plus insolites de mémoire récente). Ben Carson a bien sûr prononcé un discours mais il avait aussi invité un groupe gospel à se produire sur scène. Celui-ci a notamment interprété une version gospel de la chanson Lose Yourself du rappeur Eminem. Sa femme Candy a également joué l’hymne américain au violon.
LE DISCOURS
Le discours de Ben Carson était assez décousu. Il n’avait d’ailleurs pas de notes sous la main. Cela ressemblait davantage à de l’improvisation qu’à une intervention longuement préparée, ce qui est assez surprenant pour un discours de cette importance.
Il a commencé par présenter sa femme et ses enfants présents dans la salle avant de se présenter lui-même de la manière suivante :
I am Ben Carson and I am a candidate for president of the United States. (Je suis Ben Carson et je suis candidat au poste de président des Etats-Unis)
Ben Carson n’a pas dévoilé de programme électoral à proprement parler lors de ce discours mais une vision de la société et du gouvernement. Résumons sa pensée.
Il accorde en réalité énormément d’importance au concept de responsabilité individuelle. Les gens sont responsables de ce qui leur arrive et leur réussite ne dépend que d’eux. Il faut arrêter de se victimiser et de compter sur les aides du gouvernement pour s’en sortir. Il abhorre les programmes d’aide gouvernementaux qui créent selon lui de la dépendance vis-à-vis du gouvernement et font oublier aux gens qu’ils ont les capacités de s’en sortir seuls et de viser plus haut. Comme le gouvernement s’occupe de tout pour eux, les gens perdent la volonté de s’éduquer, de se battre, d’innover. Ce n’est bénéfique ni aux individus ni à la nation. Carson va même encore plus loin en disant que ce sont habituellement les socialistes qui mettent en place ce genre de programmes et que cela se termine généralement très mal. Le gouvernement finit par s’impliquer dans la vie des gens et par vouloir en contrôler tous les aspects. Il finit par y avoir un petit nombre de gens au gouvernement qui contrôlent le reste de la population.
Cette vision des choses n’est pas neuve aux Etats-Unis. De nombreux conservateurs la partagent. Mais lorsqu’un afro-américain lui-même issu d’un milieu très défavorisé la défend, cela en augmente évidemment le crédit. En effet, il est courant que les partisans des programmes d’aide sociale rétorquent à ce genre de propos tenus par des politiciens conservateurs issus de milieux favorisés : « Comment pouvez-vous juger de ce qui est efficace ou non pour aider les gens à sortir de la pauvreté alors que vous ne l’avez jamais connue? ». Impossible d’utiliser cet argument face à Ben Carson.
LE TWEET
LOGO ET SLOGAN DE CAMPAGNE
Le logo de campagne de Ben Carson est composé des mots Carson et America accolés l’un à l’autre. Son slogan est Heal. Inspire. Revive. (Guérir. Inspirer. Ranimer).
LE SITE WEB OFFICIEL
Lorsque l’on se connecte au site web bencarson.com, on est accueilli par un Ben Carson assis sur une chaise et les mains jointes comme s’il était en train de réfléchir. En haut de la page, on retrouve son logo de campagne ainsi que les liens nécessaires pour le soutenir. En-dessous, une citation de John Adams :
Power always thinks… that it is doing God’s service when it is violating all his laws. (Le pouvoir pense toujours qu’il rend service à Dieu quand il viole toutes ses lois)
Si l’on veut accéder au contenu du site, il faut cliquer sur le petit bouton Menu.
La rubrique biographique Meet Ben retrace son parcours. Il parle de son enfance et de son ascension sociale « alors que les statistiques ne lui étaient pas favorables ».
La rubrique Ben on the Issues présente ses opinions sur les sujets qu’il estime les plus fondamentaux. Les textes sont très courts et les propositions ne sont pas détaillées. Bref, un programme électoral loin d’être très complet.
SES IDÉES POLITIQUES
Voici les dix idées présentées par Ben Carson sur son site web :
1/ Rédiger un amendement constitutionnel qui forcerait le gouvernement à adopter un budget équilibré.
2/ Accorder une grande importance à l’éducation et faire en sorte que celle-ci ne soit pas uniformisée par le gouvernement. (Ben Carson s’oppose ici au Common Core, un ensemble de standards académiques adoptés par le Département de l’Education et qui impose donc un programme éducatif commun à tous les élèves du pays. Plusieurs autres candidats républicains s’opposent également à ces standards car ils jugent qu’ils constituent un carcan trop rigide empêchant les enseignants d’innover ou de s’adapter au niveau des élèves de leur classe. Mais le camp républicain est divisé sur la question. Jeb Bush s’est par exemple déclaré favorable au Common Core).
3/ Ne pas fermer le camp de Guantanamo qui reste l’endroit le plus apte à détenir de manière sûre des terroristes radicaux en attente d’un procès.
4/ Supprimer l’Obamacare qu’il qualifie de « désastre », très coûteux et inefficace. Il est favorable à l’instauration de Health Savings Accounts, des comptes d’épargne-santé qui permettraient à chaque famille de gérer comme elle le désire les montants qu’elle veut investir dans ses dépenses de santé.
5/ Garder les valeurs judéo-chrétiennes sur lesquelles l’Amérique a été fondée au cœur de la société. Il ne faut pas interdire l’expression de la foi dans l’espace public. Il précise toutefois que le droit de ne pas exprimer sa foi doit également être respecté.
6/ Décourager la pratique de l’avortement car la vie commence dès la conception et toute vie innocente doit être protégée.
7/ Ne pas rester muet face aux provocations de la Russie qui déstabilise actuellement l’Ukraine et menace la sécurité de l’Europe entière. Les Etats-Unis ne doivent pas se taire en espérant que l’orage passe. L’histoire nous a appris que laisser des dictateurs agir en espérant qu’ils n’aillent pas plus loin ne fonctionne pas. Notons qu’il n’hésite donc pas à qualifier Vladimir Poutine de dictateur.
8/ Protéger le second amendement qui garantit aux citoyens le droit de posséder des armes à feu.
9/ Soutenir indéfectiblement l’Etat d’Israël qui est le seul allié démocratique des Etats-Unis au Moyen-Orient et qui est entouré d’ennemis qui veulent sa destruction.
10/ Simplifier le code des impôts.
SES ATOUTS ET SES POINTS FAIBLES
Le principal atout de Ben Carson est bien sûr sa réussite qui fascine. Il est profondément respecté par la majorité des américains en raison de son parcours. De là à les convaincre de l’élire à la présidence, c’est autre chose…
Tout d’abord, Ben Carson n’a jamais occupé aucune fonction politique et n’a même jamais mené de campagne électorale jusqu’ici. Or, on sait que les américains sont très réticents à l’idée d’élire un président n’ayant jamais exercé d’autre fonction politique auparavant.
Ensuite, Ben Carson refuse le politiquement correct. C’est lui-même qui le dit. Du coup, il se fait parfois remarquer pour des déclarations polémiques. Voici trois exemples plus ou moins récents :
– Il a déclaré ne pas croire à la théorie de l’évolution. Il se dit créationniste. Les créationnistes pensent que toutes les formes de vie sur Terre ont été créées telles quelles par Dieu il y a environ 6000 ans. Ils tirent bien sûr cette croyance d’une interprétation littérale de la Bible.
– Lors d’un meeting républicain à San Diego, Ben Carson déclare que les membres de l’Etat Islamique ne font que se sacrifier pour ce qu’ils croient juste tout comme les patriotes américains l’ont fait auparavant. Le seul problème, ajoute-t-il, est qu’ils n’ont pas la bonne notion de ce qui est juste.
They got the wrong philosophy, but they’re willing to die for what they believe, while we are busily giving away every belief and every value for the sake of political correctness. (Ils n’ont pas la bonne philosophie, mais ils ont la volonté de mourir pour ce qu’ils croient, alors que nous trahissons chaque croyance et chaque valeur par amour du politiquement correct)
– Dans une interview accordée à CNN au mois de mars, il déclare penser que l’homosexualité est un choix. Il s’est également dit irrité que certains comparent le combat pour le mariage gay à celui pour les droits civils. Pour lui, il n’y a aucune comparaison possible puisque les gays ne sont pas victimes de ségrégation.
S’il reproduisait ce genre de déclarations tapageuses maintenant qu’il est officiellement candidat, cela pourrait lui coûter cher.
CONCLUSION
L’histoire de Ben Carson a longtemps été source d’inspiration pour de nombreux américains, notamment au sein de la jeunesse afro-américaine défavorisée. Depuis qu’il est candidat aux primaires républicaines et qu’il affiche des positions politiques très conservatrices, ses plus fervents admirateurs ne sont sans doute plus les mêmes. Etant donné son manque d’expérience politique, il n’a a priori que très peu de chances de remporter les primaires républicaines. Toutefois, à la surprise générale, il réalise actuellement de bons scores dans les sondages. Ses adversaires auraient donc tort de le sous-estimer.
bonjour dr ben carson , c’est dr clarisse katunda de la republique democratique du congo: juste pour vous feliciter de vos apports dans les domaines scientifiques plus precisement en neurochirurgie
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