Au sommaire cette semaine: les frappes en Syrie, le Sommet des Amériques, le livre de James Comey, la retraite politique de Paul Ryan, et bien plus encore. Bonne lecture !
L’ÉVÉNEMENT DE LA SEMAINE : DES FRAPPES AÉRIENNES CONJOINTES MENÉES PAR LES ETATS-UNIS, LE ROYAUME-UNI ET LA FRANCE EN SYRIE
Week-end des 7-8 avril. Au moins 49 personnes meurent dans une nouvelle attaque à l’arme chimique perpétrée par le régime de Bachar El-Assad à Douma. Le président Trump condamne immédiatement cette attaque, traitant Assad d’ « animal » dans un tweet et indiquant qu’il y aura un « prix à payer ». Il critique également la Russie pour son soutien au régime syrien. C’est d’ailleurs la première fois que Donald Trump critique aussi ouvertement Vladimir Poutine.
Lundi 9 avril. Le Conseil de Sécurité des Nations Unies se réunit en urgence pour évoquer l’attaque chimique en Syrie. Nikki Haley déclare que les Etats-Unis entendent bien punir le régime d’Assad et que les Russes ont les mains « recouvertes du sang des enfants syriens ». L’ambassadeur russe aux Nations Unies critique quant à lui les Etats-Unis, leur rappelant qu’ils n’ont pas vocation à être les gendarmes du monde et qu’une intervention en Syrie irait à l’encontre du respect de la souveraineté de cette dernière.
Mardi 10 avril. L’ambassadeur russe en poste au Liban affirme à la télévision que si les Américains frappent en Syrie, la Russie répliquera en interceptant leurs missiles et en abattant des avions américains !
Mercredi 11 avril. Donald Trump réplique sur Twitter, conseillant à la Russie de « se préparer ».

Au-delà du caractère très peu ordinaire et diplomatique du tweet, tout le monde se demande alors si le président américain va vraiment ordonner des frappes en Syrie comme il l’avait fait après une autre attaque chimique en 2017.
Dans la nuit du vendredi 13 avril au samedi 14 avril. Les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la France mènent des frappes conjointes en Syrie. Trois sites liés au programme d’armement chimique du régime syrien sont visés: un centre de recherche scientifique situé dans la banlieue de Damas et deux sites où des armes chimiques et du matériel militaire étaient entreposés, près de Homs.
Le Secrétaire à la Défense James Mattis affirme rapidement que ces frappes ne constituent pas la première étape d’une entreprise militaire de plus grande ampleur mais qu’elles ont pour but d’envoyer un message fort à Bachar El-Assad, à savoir que les Américains et leurs alliés ne toléreront pas d’autres attaques chimiques.
Clearly the Assad regime did not get the message last year. This time our allies and we have struck harder. (Il est évident que le régime d’Assad n’a pas bien compris le message l’an dernier. Cette fois-ci, nos alliés et nous-mêmes avons frappé plus fort)
Samedi 14 avril. Donald Trump publie un tweet dans lequel il se félicite du succès des frappes menées en Syrie. Il parle même de « mission accomplie ».

De nombreux observateurs ne tardent pas à rappeler que les mots « mission accomplie » avaient été déployés sur une banderole placée derrière George W. Bush lorsque celui-ci s’était exprimé sur le pont d’un porte-avions en Irak en 2003. La guerre en Irak s’était ensuite éternisée et les critiques s’étaient abattues sur le président, accusé d’avoir vendu la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Donald Trump viendrait-il de commettre la même erreur de communication?
PS: Voici ce que George W. Bush écrivait à propos de cet épisode de sa présidence dans son autobiographie. Il affirme que la bannière « mission accomplie » était destinée à l’équipage du porte-avions qui venait de terminer sa mission mais reconnaît qu’il s’agissait d’une erreur de communication.
LE SOMMET DE LA SEMAINE
Donald Trump devait en principe se rendre ce week-end à Lima, la capitale du Pérou, pour y participer au Sommet des Amériques. Ce sommet réunit les chefs d’état des 34 pays d’Amérique et des Caraïbes. Il se serait agi de la première visite de Donald Trump en Amérique Latine depuis son arrivée à la Maison Blanche. Mais le président américain a annulé son déplacement à la dernière minute. Officiellement, pour mieux gérer la situation en Syrie depuis Washington. Une excuse valable pour certains observateurs. Pour d’autres, cette annulation démontre que l’Amérique Latine ne fait pas du tout partie des priorités de l’administration Trump. Et la Chine en profite, investissant massivement dans la région. Pékin a ainsi récemment dépassé les Etats-Unis comme premier partenaire commercial de plusieurs pays, dont le Brésil.
Quoi qu’il en soit, il s’agissait de la huitième édition du Sommet des Amériques et c’était la première fois que le président américain n’y participait pas. C’est le vice-président Mike Pence qui a pris sa place pour représenter les Etats-Unis. Et il avait emporté le sénateur Marco Rubio dans ses bagages. Rubio, dont on connaît l’intérêt pour les questions latino-américaines, en a profité pour rencontrer plusieurs chefs d’état en tête-à-tête lors du sommet. Au total, il s’est entretenu avec autant de chefs d’état que le vice-président !
Les deux grands thèmes de discussion abordés lors du sommet furent la lutte contre la corruption et la situation au Venezuela. Nicolas Maduro avait été déclaré persona non grata. Raúl Castro avait quant à lui refusé de faire le déplacement.
Mike Pence a annoncé que les Etats-Unis allaient débloquer 16 millions de dollars d’aide humanitaire pour les réfugiés vénézuéliens déplacés dans les autres pays d’Amérique Latine. Il a rappelé que 5,000 vénézuéliens quittent leur pays chaque jour (!) et a qualifié cet exode d’ « exode le plus massif de l’histoire de notre continent ».
LA VIDÉO DE LA SEMAINE
Quand Marco Rubio répond à la question d’un journaliste cubain l’interrogeant sur les dons financiers de la NRA lors d’une conférence de presse au Sommet des Amériques.
MBS EN TOURNÉE AUX ETATS-UNIS 🇸🇦🇺🇸
Le prince héritier d’Arabie Saoudite Mohammed Bin Salman vient de passer trois semaines aux Etats-Unis. Il se déplaçait à bord d’un Boeing 747 sur lequel était inscrit GOD BLESS YOU en arabe et en anglais. Il s’est rendu à Washington, D.C., où il a été reçu par le président Trump à la Maison Blanche et où il a également rencontré le Secrétaire américain à la Défense James Mattis et la directrice du FMI Christine Lagarde. Il s’est également rendu à New York, où il s’est entretenu avec Bill Clinton et Michael Bloomberg, à Seattle où il a rencontré Bill Gates et Jeff Bezos, ou encore à Houston où il a déjeuné avec les deux ex-présidents Bush. Au total, MBS aura mis les pieds dans cinq états différents et rencontré quatre présidents américains. Il a aussi accordé des interviews à de nombreux médias américains. Une offensive de charme sans précédent.

MBS dit vouloir moderniser son pays et tout le monde semble vouloir y croire. Il est jeune et n’hésite pas à apparaître habillé comme un occidental lorsque les circonstances le permettent. Il a autorisé les femmes à conduire et les salles de cinéma à rouvrir leur portes dans son royaume. Il dit aussi vouloir lutter plus fermement contre l’Islam radical. Mais, dans le même temps, il continue à emprisonner certains dissidents et a récemment réquisitionné l’hôtel Ritz-Carlton de Riyadh pour y emprisonner plusieurs autres princes saoudiens, accusés de corruption. D’après de nombreux spécialistes, il s’agissait d’un « coup d’état sans effusion de sang » visant à asseoir son pouvoir. Bin Salman s’est également engagé dans une guerre très meurtrière au Yémen. Le conflit a déjà fait plus de 10,000 morts depuis son déclenchement en 2015.
Les Etats-Unis ont toujours été des alliés de l’Arabie Saoudite mais la relation s’était quelque peu détériorée sous la présidence de Barack Obama, qui avait choisi de négocier un accord sur le nucléaire avec l’Iran, ennemi juré des Saoudiens. Depuis son arrivée à la Maison Blanche, Donald Trump s’est fortement rapproché de l’Arabie Saoudite, où il a effectué son tout premier déplacement à l’étranger.
LA CARTE DE LA SEMAINE
Puisque l’on parle de l’Arabie Saoudite, sachez qu’il n’y a actuellement pas d’ambassadeur américain en poste dans ce pays. Et ce n’est pas un cas unique.
Plus d’un an après le début de la présidence Trump, 38 postes d’ambassadeurs restent vacants ! Ils sont représentés en rouge sur la carte ci-dessous. Les pays en jaune sont ceux pour lesquels un ambassadeur a été nommé par Donald Trump mais dont la nomination n’a pas encore été validée par le Sénat. En bleu, les pays ayant un ambassadeur américain en poste. (Source: Foreign Policy)
Parmi les pays n’ayant pas d’ambassadeur américain en poste, on compte notamment la Corée du Sud, l’Arabie Saoudite, l’Egypte, la Turquie ou l’Afrique du Sud.
Le cas du Mexique est un peu particulier. L’ambassadrice en poste à Mexico, Roberta Jacobson, a annoncé sa démission le 1er mars dernier mais ne quittera effectivement son poste qu’au mois de mai. Donald Trump n’a encore nommé personne pour la remplacer.
L’AUDITION DE LA SEMAINE
Mike Pompeo a passé son audition devant le comité des Affaires Étrangères du Sénat en vue de sa confirmation au poste de Secrétaire d’Etat.
Ce que l’on retiendra de cette audition:
∗ Pompeo a révélé qu’en tant que directeur de la CIA, il avait été interrogé par le procureur Mueller dans le cadre de son enquête sur la Russie. Il a également confirmé que la Russie avait bien interféré dans la campagne électorale de 2016.
∗ Pompeo a assuré au sénateur démocrate Bob Menendez que le président Trump ne lui avait jamais demandé de faire quoi que ce soit d’inapproprié.
∗ Interrogé à ce sujet par le sénateur démocrate Cory Booker, Mike Pompeo a déclaré qu’il était toujours personnellement opposé au mariage entre personnes de même sexe mais a assuré que les personnes homosexuelles seraient traitées de la même manière que les autres au sein du Département d’Etat.
LE DÉPART DE LA SEMAINE
Tom Bossert, conseiller du président Trump en matière de sécurité intérieure et de lutte contre le terrorisme, quitte la Maison Blanche. Les circonstances de son départ ne sont pas très claires mais, d’après plusieurs sources, il aurait été poussé vers la sortie par le nouveau conseiller à la sécurité nationale John Bolton.
MICHAEL COHEN, CALL YOUR OFFICE
Le FBI a perquisitionné le bureau et le domicile de Michael Cohen, avocat et ami proche de Donald Trump. Les enquêteurs ont saisi de nombreux documents, notamment des correspondances entre Cohen et ses clients. Cette perquisition intervenait dans le cadre de l’enquête du procureur Mueller.
Donald Trump n’a pas du tout apprécié la démarche du FBI, la qualifiant d’ « attaque contre notre pays ». Le président qualifiait déjà l’enquête du procureur Mueller de « chasse aux sorcières » depuis plusieurs mois mais a semblé encore plus en colère que d’habitude. Aurait-il peur de ce que ses conversations privées avec Cohen pourraient révéler?
LE LIVRE DE LA SEMAINE
A Higher Loyalty: Truth, Lies, And Leadership de James Comey.
En réalité, le livre de l’ancien directeur du FBI, limogé par Donald Trump en mai 2017, ne sortira que ce mardi 17 avril en librairie. Mais les journalistes l’ont reçu à l’avance et en ont déjà publié les meilleurs extraits.
Le livre ne nous apprend pas grand-chose de nouveau puisque, concernant ses différentes rencontres avec Donald Trump, James Comey répète largement ce qu’il avait déjà déclaré lors de son audition devant le Sénat l’an dernier. (Nous n’allons pas tout répéter ici mais si vous voulez vous rafraîchir la mémoire, c’est par là → Retour sur le témoignage de James Comey au Sénat)
James Comey insiste toutefois beaucoup sur l’épisode des prostituées à Moscou. Dans un dossier rédigé par un ancien espion britannique, le président Trump est accusé d’avoir participé à une golden shower avec des prostituées russes lors de son séjour à Moscou en 2013. Il se trouvait dans la capitale russe pour assister au concours de Miss Univers. ATTENTION ! Rappelons que cette allégation n’a pour l’instant jamais pu être vérifiée. James Comey avait cependant jugé utile d’informer le futur président de l’existence de ce dossier compromettant rédigé à son sujet. Dans son livre, l’ancien directeur du FBI affirme que Donald Trump a immédiatement nié ces accusations, lui demandant s’il avait l’air de quelqu’un qui avait besoin de recourir au service de prostituées… Comey affirme que le président a ensuite évoqué cette histoire de prostituées russes à plusieurs reprises lors de leurs différentes conversations. Toujours dans le but de convaincre le directeur du FBI de la fausseté de ces affirmations, il lui aurait assuré qu’il avait une phobie des microbes.
There’s no way I would let people pee on each other around me. No way. (Il est impossible que je laisse des gens s’uriner les uns sur les autres autour de moi. Impossible)
Dans son livre, James Comey décrit aussi le président comme un menteur invétéré et un homme totalement dépourvu d’empathie. Il écrit même que Donald Trump lui a fait penser à un boss de la mafia.
Comey écrit également que John Kelly, encore Ministre de la Sécurité Intérieure à l’époque, l’a appelé juste après son licenciement et lui a dit qu’il avait l’intention de démissionner !
He said he didn’t want to work for dishonorable people who would treat someone like me in such a manner. I urged Kelly not to do that, arguing that the country needed principled people around this president. Especially this president. (Il a dit qu’il ne voulait pas travailler pour des gens peu honorables qui traitaient quelqu’un comme moi de cette manière. J’ai incité Kelly à ne pas faire ça, arguant que le pays avait besoin de gens ayant des principes autour de ce président. Surtout de ce président)
John Kelly n’a pas démissionné et est aujourd’hui chef de cabinet à la Maison Blanche.
Dimanche, James Comey a aussi accordé sa toute première interview télévisée depuis son licenciement. C’était sur ABC News. Lors de cette interview, il a déclaré que Donald Trump était « moralement inapte à être président » et qu’il n’était pas impossible que les Russes détiennent des informations compromettantes à son sujet. Comey a aussi parlé du président comme d’un homme « qui traite les femmes comme des morceaux de viande ».
Donald Trump s’en est quant à lui pris à James Comey sur Twitter, le qualifiant entre autres de « pire directeur du FBI de l’histoire ».

Si tout cela vous semble totalement surréaliste, rassurez-vous, c’est normal.
FAREWELL, PAUL RYAN
Paul Ryan, le speaker de la Chambre des Représentants, a annoncé qu’il quitterait le Congrès en janvier 2019. Il ne sera pas candidat aux prochaines élections. Il occupe pourtant son siège à la Chambre des Représentants depuis 1999 et est l’une des figures les plus connues du Parti Républicain. Il occupe la fonction de speaker depuis 2015.
Paul Ryan a justifié sa décision en expliquant vouloir passer davantage de temps avec sa famille.
Le président Trump a salué Paul Ryan dans un tweet.

L’occasion de rappeler que Donald Trump n’a pas toujours été aussi sympathique avec Paul Ryan. Voici quelques tweets publiés par le futur président au sujet du speaker quelques semaines avant l’élection présidentielle de 2016.



Qui succèdera à Paul Ryan au poste de speaker? Tout dépendra évidemment du résultat des élections de mi-mandat. Si les Démocrates reprennent la majorité des sièges à la Chambre, c’est un membre du Parti Démocrate qui deviendra speaker. Nancy Pelosi reste la favorite pour retrouver ce poste qu’elle a déjà occupé par le passé. En cas de victoire républicaine, Kevin McCarthy et Steve Scalise, actuels n°2 et n°3 des Républicains à la Chambre, sont les favoris pour succéder à Paul Ryan. Affaire à suivre.
La statistique de la semaine (source: SmartPolitics). Paul Ryan est le 54ème speaker de l’histoire des Etats-Unis. Et le premier originaire du Wisconsin. Il est amusant de remarquer que 27 états américains sur 50 (en rouge sur la carte ci-dessous) n’ont jamais eu de speaker.
ROAD TO THE MIDTERMS
Plus que 2⃣0⃣4⃣ jours avant les élections de mi-mandat…
- Rick Scott candidat au Sénat en Floride
Le gouverneur républicain de Floride, en fin de mandat, a annoncé sa candidature au Sénat. En novembre, il défiera Bill Nelson, le sénateur démocrate sortant qui entend bien être réélu.
- Tim Pawlenty candidat au poste de gouverneur du Minnesota
TPaw is back ! L’ancien candidat à la présidence est candidat au poste de gouverneur du Minnesota. Une fonction qu’il a déjà occupée entre 2003 et 2011.
LE CARNET ROSE DE LA SEMAINE
La sénatrice démocrate Tammy Duckworth a donné naissance à une petite fille cette semaine et est ainsi devenue la première sénatrice de l’histoire à accoucher durant son mandat. Elle a annoncé qu’elle allait prendre un congé maternité de 12 semaines, en restant toutefois à Washington, prête à se rendre au Capitole pour participer à des votes importants si nécessaire.
LE CHIFFRE DE LA SEMAINE
41% des Américains ne savent pas ce qu’est Auschwitz. Le chiffre grimpe même à 66% chez les 18-34 ans. C’est le résultat inquiétant d’un sondage réalisé par la Claims Conference et relayé par le New York Times.
LE TWEET DE LA SEMAINE
Ceci est un véritable tweet publié par le député démocrate Keith Ellison au sujet de Mick Mulvaney, directeur du budget à la Maison Blanche et directeur du CFPB (Consumer Financial Protection Bureau).

Il est probablement temps de se quitter et de se donner rendez-vous la semaine prochaine…