À moins que vous ne viviez au fond d’une grotte, vous avez certainement entendu parler ces derniers jours d’une conversation téléphonique entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky qui pourrait bien conduire à l’impeachment du président américain. Qu’en est-il exactement? Que se passe-t-il donc à Washington? Explications.
« TODAY I AM ANNOUNCING THE HOUSE OF REPRESENTATIVES IS MOVING FORWARD WITH AN OFFICIAL IMPEACHMENT INQUIRY »
– NANCY PELOSI
« Aujourd’hui, j’annonce que la Chambre des Représentants ouvre une enquête officielle en vue de l’impeachment ». Ces quelques mots prononcés par la Speaker Nancy Pelosi ce mardi 24 septembre 2019 lors d’une conférence de presse ont déclenché un véritable séisme à Washington.
Que signifient-ils réellement?
Vous avez peut-être lu dans la presse francophone qu’ils signifiaient que la procédure d’impeachment contre le président Trump avait été lancée. Ce n’est en réalité pas encore le cas. Plusieurs enquêtes sur le président Trump étaient déjà en cours au Congrès. Nancy Pelosi n’a fait qu’officialiser que ces enquêtes – et plus particulièrement celle concernant l’affaire ukrainienne – ont bel et bien pour but de déterminer s’il y a lieu de lancer une procédure d’impeachment contre le président. Autrement dit, nous en sommes au stade préliminaire de l’impeachment inquiry, c’est-à-dire l’enquête qui a pour but de déterminer si la procédure d’impeachment sera in fine déclenchée ou non.
Il ne faut néanmoins pas minimiser l’annonce de Nancy Pelosi, d’autant plus que cette dernière s’était jusqu’ici montrée réticente à parler d’impeachment. Le vent semble donc être en train de tourner dans la mauvaise direction pour Donald Trump. L’annonce de Pelosi indique que la probabilité qu’une procédure d’impeachment soit bientôt lancée vient d’augmenter considérablement.
Si une telle procédure était effectivement lancée, un vote aurait d’abord lieu à la Chambre des Représentants (dominée par les Démocrates) pour voter la mise en accusation (impeachment) du président. Un procès aurait ensuite lieu au Sénat, au terme duquel les sénateurs (majoritairement Républicains) devraient voter pour ou contre la destitution du président. Mais nous n’en sommes pas encore là… Dans cet article, nous voudrions revenir sur ce qui a poussé Nancy Pelosi à sauter le pas et à annoncer officiellement le lancement d’une impeachment inquiry.
QU’EST-CE QUI A POUSSÉ NANCY PELOSI À ANNONCER L’OUVERTURE D’UNE IMPEACHMENT INQUIRY?
En résumé: l’existence d’un rapport rédigé par un lanceur d’alerte et le fait que ce rapport n’ait pas été transmis directement au Congrès.
Un lanceur d’alerte – dont nous ignorons l’identité – a récemment fait part de ses inquiétudes concernant l’attitude de Donald Trump vis-à-vis de l’Ukraine dans un rapport qu’il a transmis à l’inspecteur général des services de renseignement, Michael Atkinson. Ce dernier a jugé ce rapport suffisamment sérieux et alarmant pour avertir le Congrès de son existence. Il n’a toutefois pas transmis ledit rapport au Congrès parce que son supérieur, le Directeur du renseignement national (par intérim), Joseph Maguire, lui aurait interdit de le faire.
C’est après que la presse ait révélé l’existence de ce rapport non transmis au Congrès et affirmé qu’il mentionnait notamment une conversation téléphonique entre le président Trump et le président ukrainien Volodymyr Zelensky que Nancy Pelosi a déclaré qu’une impeachment inquiry était officiellement lancée.
QUE REPROCHE-T-ON EXACTEMENT À DONALD TRUMP?
En résumé: le président américain est soupçonné d’avoir fait pression sur le président ukrainien dans l’espoir d’obtenir des informations compromettantes sur Joe Biden, son potentiel futur adversaire démocrate à l’élection présidentielle de 2020.
Les principales informations dont nous disposons pour l’instant à ce sujet proviennent de deux documents qui ont été rendus publics cette semaine: la retranscription de la fameuse conversation téléphonique entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky et le fameux rapport du lanceur d’alerte.
1. La retranscription de la conversation téléphonique entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky
La Maison Blanche a rendu ce document public le mercredi 25 septembre, au lendemain de l’annonce fracassante de Nancy Pelosi. Cliquez ici pour y accéder (5 pages).
Attention, notez que ce document n’est pas une retranscription verbatim de la conversation entre Trump et Zelensky. Il s’agit d’un memorandum, c’est-à-dire d’un compte-rendu exhaustif de la conversation basé sur les notes prises par des professionnels dont c’est le rôle. Toutes les conversations téléphoniques du président américain sont ainsi résumées et archivées. Il s’agit d’une procédure standard. Le memorandum de ces conversations est toutefois évidemment rarement rendu public.
En résumé:
Cette conversation téléphonique entre le président Trump et le président Zelensky date du 25 juillet dernier.
Le président Trump commence par féliciter Volodymyr Zelensky pour son élection à la présidence de l’Ukraine. Rappelons que Zelensky, un comédien ne disposant jusque-là d’aucune expérience politique si ce n’est celle de jouer le rôle du président ukrainien dans une série télévisée, a créé la surprise en remportant l’élection présidentielle ukrainienne le 21 avril 2019.
Le président Trump déclare ensuite à Zelensky que les Etats-Unis « font beaucoup pour l’Ukraine ».
The United States has been very very good to Ukraine. I wouldn’t say that it’s reciprocal necessarily because things are happening that are not good but the United States has been very very good to Ukraine. (Les Etats-Unis ont été très très généreux avec l’Ukraine. Je ne dirais pas que c’est nécessairement réciproque car beaucoup de mauvaises choses sont en train de se passer, mais les Etats-Unis ont été très très généreux avec l’Ukraine)
Zelensky approuve et déclare que les Etats-Unis soutiennent effectivement mieux l’Ukraine que ne le fait l’Union européenne. Il ajoute qu’il envisage d’ailleurs de commander de nouveaux anti-missiles aux Etats-Unis. Donald Trump en profite alors pour déclarer que:
I would like you to do us a favor though. (J’aimerais que vous nous fassiez une faveur)
Et il demande aussitôt à Zelensky d’enquêter pour découvrir la vérité au sujet de CrowdStrike. Le président américain fait ici référence à une théorie du complot remettant en doute l’implication de la Russie dans le piratage des serveurs informatiques du Parti Démocrate lors de la campagne électorale de 2016. D’après les adeptes de cette théorie du complot – dont le président Trump semble donc faire partie – le piratage informatique dont a été victime le Parti Démocrate n’aurait en réalité pas été perpétré par la Russie. Le Parti Démocrate aurait demandé à la firme CrowdStrike de réaliser un vrai-faux piratage pour ensuite accuser la Russie d’en être responsable. Pour mener à bien cette opération, CrowdStrike aurait en partie opéré depuis l’Ukraine. Toutes ces accusations sont totalement infondées. CrowdStrike, une firme de sécurité informatique, a été engagée par le Parti Démocrate après que celui-ci ait été victime d’un piratage, afin de déterminer ce qu’il s’était passé et de l’aider à faire face à la situation. Rappelons aussi que l’enquête du procureur Mueller a clairement établi que la Russie était bien responsable du piratage informatique du Parti Démocrate.
Zelensky semble comprendre à quoi Donald Trump fait référence et lui assure qu’il est prêt à coopérer. Il précise que l’un de ses assistants s’est récemment entretenu avec l’avocat personnel de Donald Trump, Rudy Giuliani, qui n’exerce pourtant aucune fonction officielle au sein du gouvernement américain, et qu’il espère que ce dernier pourra bientôt venir en Ukraine pour le rencontrer. Donald Trump répond qu’il va demander à Giuliani et à son ministre de la Justice William Barr de contacter Zelensky (une affirmation qu’il répétera au total à trois reprises au cours de la conversation).
Donald Trump évoque ensuite Joe Biden et insinue que celui-ci aurait mis fin à une enquête du procureur général de l’Ukraine concernant son fils, Hunter Biden. Il demande là aussi à Zelensky d’enquêter à ce sujet.
Zelensky affirme qu’il va nommer un nouveau procureur général qui reprendra l’enquête portant sur l’entreprise pour laquelle travaillait Hunter Biden.
Les réactions:
Les Démocrates ont rapidement affirmé que la retranscription du coup de téléphone entre Trump et Zelensky démontrait que le président Trump avait mis la pression sur un leader étranger afin d’obtenir des informations compromettantes sur un adversaire politique. Un comportement qui, pour bon nombre d’entre eux, est inacceptable et passible d’impeachment. En effet, le président des Etats-Unis est supposé mener une politique étrangère allant dans l’intérêt général de la nation, et non instrumentaliser la politique étrangère à des fins politiciennes.
Les Républicains sont restés globalement plus silencieux, à l’exception des plus proches alliés du président. Ceux-ci ont insisté sur le fait que, même si le style de Donald Trump n’était peut-être pas toujours approprié, ce coup de téléphone ne contenait rien qui soit digne de déclencher une procédure d’impeachment. Ils ont notamment insisté sur le fait que la conversation entre Trump et Zelensky ne contenait pas de véritable quid pro quo. Il est vrai que Donald Trump ne déclare jamais clairement à Zelensky que « Si vous ne faites pas ceci pour nous, nous vous retirerons notre soutien » ou « Si vous me rendez ce service, je vous rendrai cet autre service en échange ». Cependant, à la lecture de la retranscription, il semble raisonnable de penser que Zelensky ait bien compris que Donald Trump lui suggère vivement de faire ce qu’il désire, à savoir enquêter sur CrowdStrike et Joe Biden, tout en lui rappelant que les Etats-Unis sont très généreux avec l’Ukraine. N’est-ce pas assez clair? Si votre patron vous disait qu’il a déjà fait beaucoup de choses pour vous et qu’il aimerait que vous lui rendiez un service, ne vous sentiriez-vous pas obligé de le faire, sans qu’il ait à vous dire clairement: « Si tu ne me rends pas ce service, tu risques de le payer cher »?
[Par ailleurs, même si cela n’a pas vraiment de lien avec le sujet qui nous occupe ici, nous voudrions souligner un autre élément qui nous a frappé en lisant la retranscription de la conversation téléphonique entre Trump et Zelensky, à savoir à quel point Zelensky semble chercher à flatter l’ego de Trump. Les chefs d’état étrangers ont semble-t-il clairement compris comment il fallait s’y prendre pour être bien vu par le président américain…. Lorsque Donald Trump le félicite pour sa victoire à l’élection présidentielle, Zelensky déclare ainsi qu’il a pris exemple sur lui dans la manière de mener sa campagne. Plus tard, Zelensky affirme à Trump que « Vous avez tout à fait raison. Pas seulement à 100%, mais à 1,000% ». Il lui dit aussi que la dernière fois qu’il s’est rendu à New York, il a séjourné à la Trump Tower].
2. Le rapport du lanceur d’alerte
Ce document a été rendu public le jeudi 26 septembre. Les Démocrates réclamaient depuis un bon moment qu’il soit enfin transmis au Congrès, comme l’exige la loi. Notons aussi que, deux jours plus tôt, le Sénat avait voté à l’unanimité en faveur d’une résolution demandant à ce que le rapport soit transmis au Congrès. Comme le leader des Démocrates du Sénat Chuck Schumer l’a mentionné dans un tweet, cela signifie que tous les Républicains du Sénat ont soutenu cette demande.

La Maison Blanche a donc finalement cédé à la pression et transmis le rapport au Congrès. Celui-ci l’a ensuite rapidement déclassifié et rendu public. Cliquez ici pour le lire (9 pages).
En résumé:
Le rapport du lanceur d’alerte est daté du 12 août 2019. Il débute par un paragraphe dans lequel le lanceur d’alerte affirme avoir reçu des informations de la part de nombreux membres de l’administration Trump affirmant que « le Président des Etats-Unis utilise le pouvoir lié à sa fonction pour solliciter l’interférence d’un pays étranger dans l’élection américaine de 2020 » et que cela inclut notamment une pression exercée sur l’Ukraine pour que son gouvernement enquête sur l’un de ses adversaires politiques, à savoir Joe Biden. Le lanceur d’alerte affirme que Rudy Giuliani est une figure centrale de cette campagne de pression.
Le lanceur d’alerte précise qu’il n’a pas été le témoin direct de la plupart des événements qu’il décrit dans son rapport, mais qu’il les juge crédibles après avoir recoupé les différents témoignages qu’il a reçus de la part de plus d’une demi-douzaine de membres de l’administration au cours des quatre derniers mois. Il affirme être inquiet des conséquences du comportement du président Trump pour la sécurité nationale des Etats-Unis.
Le rapport est divisé en quatre parties.
La première partie est consacrée à la fameuse conversation téléphonique du 25 juillet entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky, dont nous avons parlé ci-dessus. Le lanceur d’alerte affirme que plusieurs officiels travaillant à la Maison Blanche l’ont informé de leurs inquiétudes au sujet de cette conversation, lors de laquelle Donald Trump aurait fait pression sur le président ukrainien pour qu’il enquête sur CrowdStrike et sur Joe Biden.
La deuxième partie du rapport note que la Maison Blanche a a posteriori pris des mesures exceptionnelles pour restreindre l’accès à la retranscription de la conversation téléphonique du 25 juillet. Dans une annexe au rapport, on peut lire que cette retranscription a été archivée sur un système informatique habituellement réservé aux informations classifiées les plus sensibles. D’après le lanceur d’alerte, certains membres de l’entourage du président auraient exprimé des réserves à l’encontre de cette décision, affirmant qu’il s’agissait d’un « abus du système ». Le lanceur d’alerte ajoute que, d’après les informations qu’il a reçues, ce n’était pas la première fois qu’une retranscription d’une conversation entre le président Trump et un autre chef d’état était ainsi archivée sur un serveur informatique inhabituel « dans le but de protéger des informations politiquement sensibles – plutôt que classifiées pour des raisons de sécurité nationale ».
Dans la troisième partie du rapport, le lanceur d’alerte affirme qu’au lendemain de la fameuse conversation téléphonique du 25 juillet, Kurt Volker (le représentant spécial du Département d’Etat pour les négociations avec l’Ukraine) et Gordon Sondland (l’ambassadeur des Etats-Unis auprès de l’Union européenne) ont rencontré le président Zelensky et d’autres membres du gouvernement ukrainien à Kiev, afin de leur prodiguer des conseils sur la manière de gérer les demandes faites par le président Trump au président Zelensky. (NB: Au lendemain de la publication du rapport du lanceur d’alerte, nous avons appris que Kurt Volker avait démissionné).
Le lanceur d’alerte affirme aussi que Rudy Giuliani s’est rendu à Madrid le 2 août pour rencontrer l’un des conseillers du président Zelensky. Giuliani aurait également pris contact avec d’autres membres de l’entourage du président ukrainien.
Dans la quatrième et dernière partie de son rapport, le lanceur d’alerte revient sur des faits qui ont précédé le coup de téléphone du 25 juillet, afin de replacer celui-ci dans un contexte plus large. Nous n’allons pas entrer trop profondément dans les détails mais, en résumé, le lanceur d’alerte rappelle que, dans les mois qui ont précédé le coup de téléphone du 25 juillet, les propos d’un procureur ukrainien nommé Yuriy Lutsenko ont été repris par The Hill, une publication en ligne bien connue des observateurs de la politique américaine. Lutsenko affirmait notamment que le vice-président Joe Biden avait fait pression en 2016 sur le président ukrainien de l’époque, Petro Poroshenko, pour que celui-ci licencie le procureur général de l’Ukraine Viktor Shokin, chargé d’enquêter sur les plus grosses affaires de corruption dans son pays. D’après Lutsenko, ainsi que Rudy Giuliani et Donald Trump, qui se sont empressés de reprendre ses propos, Joe Biden aurait donc fait pression sur le président ukrainien pour obtenir le licenciement de Shokin parce que celui-ci enquêtait sur l’entreprise Burisma, pour laquelle travaillait son fils, Hunter Biden.
Quelques précisions à ce sujet s’imposent. Les affirmations de Lutsenko ont toujours été très controversées et jugées peu crédibles. Il est d’ailleurs lui-même revenu plus tard sur certaines de ses déclarations. Il a notamment fini par reconnaître que Joe Biden et son fils n’avaient jamais été directement concernés par aucune enquête judiciaire en Ukraine. D’autre part, la presse américaine a souligné que la démission du procureur Shokin était réclamée par les Etats-Unis et de très nombreux pays européens, parce que Shokin était accusé de ne pas prendre son rôle de procureur en charge de la lutte contre la corruption au sérieux. En bref, rien n’indique que Joe Biden ou son fils aient enfreint la loi. Des questions peuvent néanmoins sans doute être posées. Par exemple, est-il normal que le fils du vice-président américain puisse siéger au conseil d’administration d’une grande entreprise étrangère active dans le secteur de l’énergie? Cela n’est certes pas illégal, mais n’y a-t-il pas là un risque de conflit d’intérêts? Ne faudrait-il pas changer les règles en la matière? Ces questions risquent désormais d’être posées à Joe Biden et de lui créer des difficultés dans le cadre de sa campagne électorale. De nombreux Républicains affirment qu’il est difficile de croire qu’Hunter Biden aurait été recruté par Burisma s’il n’avait pas été le fils du vice-président des Etats-Unis. Il n’avait effectivement aucune expertise ou expérience préalable dans le domaine de l’énergie et était tout de même rémunéré $50,000 par mois.
Le lanceur d’alerte note encore que l’ambassadrice des Etats-Unis en Ukraine, Marie Yovanovitch, a été mystérieusement licenciée par Donald Trump au mois d’avril et que, au mois de mai, le président Trump a ordonné au vice-président Mike Pence d’annuler sa participation à la cérémonie d’investiture de Volodymyr Zelensky et a décidé d’y envoyer son ministre de l’Énergie Rick Perry à sa place.
Enfin, le lanceur d’alerte affirme que, peu avant sa conversation téléphonique avec le président Zelensky, le président Trump avait ordonné de suspendre une livraison de 400 millions de dollars d’aide militaire à l’Ukraine. Un envoi d’aide militaire pourtant approuvé par le Congrès. Le Washington Post a également rapporté cette information. D’après le journal, plusieurs membres du Congrès auraient cherché à savoir pourquoi la livraison de l’aide avait été suspendue, sans jamais parvenir à obtenir de réponse satisfaisante de la part de la Maison Blanche. S’agissait-il d’un moyen pour Donald Trump de faire comprendre à Zelensky que s’il ne répondait pas favorablement à ses demandes, il risquait de ne jamais recevoir cette aide? (L’aide militaire en question a finalement été délivrée à l’Ukraine au mois de septembre).

Les réactions:
Après lecture du rapport du lanceur d’alerte, les Démocrates ont crié au scandale. De nombreux élus démocrates qui ne s’étaient jusqu’ici encore jamais prononcé clairement en faveur de l’impeachment du président Trump ont franchi le pas.
Certains Républicains ont pris la défense du président Trump, en affirmant notamment que le lanceur d’alerte reconnaissait lui-même ne pas avoir été le témoin direct des événements qu’il décrit dans son rapport. D’après eux, il pourrait donc très bien s’agir d’un activiste politique anti-Trump ayant tout inventé. Un argument qui semble quelque peu fragile puisque ce que le lanceur d’alerte déclare dans son rapport au sujet de la conversation téléphonique du 25 juillet est largement confirmé par la retranscription de cette conversation rendue publique par la Maison Blanche.
Le président Trump s’en est lui aussi pris au lanceur d’alerte, dont l’identité n’a pas été révélée (ndlr: les lanceurs d’alerte sont protégés aux Etats-Unis). Le New York Times a toutefois révélé qu’il s’agirait d’un employé de la CIA. Depuis New York, où il se trouvait pour l’Assemblée Générale des Nations Unies, le président Trump a déclaré devant des journalistes qu’il désirait savoir qui étaient les personnes qui avaient délivré des informations au lanceur d’alerte, les comparant à des « espions ». Il a ajouté ceci au sujet du lanceur d’alerte et de ses informateurs:
You know what we used to do in the old days when we were smart, right, with spies and treason? We used to handle it a little bit differently than we do now. (Vous savez ce que l’on faisait avant, à l’époque où nous étions intelligents, avec les espions et la trahison? On gérait les choses un petit peu différemment que nous le faisons aujourd’hui)
Les présidents démocrates de trois comités du Congrès qui enquêtent sur le président – Adam Schiff, Elijah Cummings et Eliot Engel – ont immédiatement publié un communiqué commun pour demander au président de cesser de chercher à intimider le lanceur d’alerte et d’autres témoins potentiels à l’aide de tels propos.
Threats of violence from the leader of our country have a chilling effect on the entire whistleblower process, with grave consequences for our democracy and national security. (Les menaces de violence de la part du leader de notre pays ont un effet dissuasif qui affecte tout le processus lié aux lanceurs d’alerte, avec de graves conséquences pour notre démocratie et notre sécurité nationale)
Beaucoup d’autres Républicains ont soigneusement évité de répondre aux questions de la presse.
Enfin, quelques-uns ont exprimé des inquiétudes et affirmé qu’il était légitime d’enquêter pour savoir si ce que le lanceur d’alerte affirme est vrai. Par exemple, le député du Texas Will Hurd, lui-même ancien agent de la CIA.

ET MAINTENANT?
Plusieurs comités du Congrès vont poursuivre leurs enquêtes sur le président Trump, et plus particulièrement sur l’affaire ukrainienne.
Six comités de la Chambre des Représentants enquêtent actuellement sur le président Trump pour diverses raisons. Le comité chargé de l’enquête sur l’affaire ukrainienne est le comité du renseignement (House Intelligence Committee), présidé par le député démocrate de Californie Adam Schiff. Toutes les personnes mentionnées dans le rapport du lanceur d’alerte seront très certainement convoquées pour témoigner devant ce comité. Cinq employés du Département d’Etat ont d’ores et déjà été convoqués pour des auditions dans les prochaines semaines, dont Kurt Volker et Gordon Sondland, ainsi que l’ex-ambassadrice des Etats-Unis en Ukraine, Marie Yovanovitch.
Comme Nancy Pelosi l’a annoncé cette semaine, les enquêtes menées par le Congrès permettront de déterminer s’il y a lieu ou non de lancer une procédure d’impeachment contre le président Trump.
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